L’économie belge s’est contractée de 6,3 % en 2020, le repli le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale. Un 4e trimestre meilleur que prévu a permis une légère augmentation des données finales, avec un effet positif sur le taux de croissance 2021, qui devrait s’établir à 3,7 %. La consommation a pâti du deuxième confinement mis en place à la fin de l’année. Elle devrait plonger de nouveau en avril, le gouvernement ayant réinstauré les achats sur rendez-vous et demandé une prolongation des vacances de Pâques. Le chômage a sensiblement augmenté, mais moins que ce qu’on aurait pu craindre, et la vague de faillites, anticipée depuis longtemps, n’a pas eu lieu. Des choix difficiles attendent le gouvernement de coalition, dont la priorité sera de freiner le déficit budgétaire dans les années à venir.
La consommation des ménages, qui avait reculé de 12 % en glissement trimestriel au T2, n’a que partiellement rebondi au second semestre 2020. Le total des dépenses en capital a surpris par sa bonne tenue en 2020, après avoir reculé de plus de 20 % au T2.
Toutefois, avec la forte reprise enregistrée au T3 et au T4, le total des investissements en capital s’est sensiblement rapproché, à la fin de l’année, des niveaux pré-Covid (-2 %). Les dépenses publiques ont diminué, les activités médicales non urgentes ayant été déprogrammées avec l’instauration du deuxième confinement, comme cela avait été le cas lors du premier.
À la fin du mois dernier, devant l’augmentation des admissions hospitalières, le gouvernement a dû annoncer un troisième confinement. Les écoles seront fermées pendant au moins trois semaines et les magasins non essentiels ne travailleront que sur rendez-vous. Quel en sera l’impact sur les paramètres du virus ? On l’ignore encore. Il y a quelques semaines à peine, le gouvernement avait proposé la date du 1er mai pour la réouverture des bars et restaurants. Il est difficile de dire pour le moment s’il pourra la maintenir.
Perspectives économiques
Pour 2021, nous tablons sur un redressement partiel du PIB, avec un retour au niveau du T4 2019 seulement au second semestre 2022. Il faut s’attendre à une certaine divergence des composantes des dépenses sous-jacentes à court terme. En début d’année, les dépenses de consommation s’inscrivaient toujours en retrait d’environ 5 % par rapport au niveau pré-Covid, mais elles devraient, d’après nos prévisions, pleinement se redresser vers la fin de 2021.
D’après les données d’enquête, l’investissement des entreprises en 2022 devrait rester inférieur de 11 % au niveau qui aurait dû être le sien en l’absence de pandémie. Nous tablons sur un rattrapage partiel de l’investissement public et de celui des ménages d’ici là, avec un redressement, à hauteur des niveaux du T4 2019, attendu vers la mi-2022 pour l’investissement total. La rapidité de la reprise sera largement fonction de l’évolution de la crise sanitaire. Le rythme des vaccinations est conforme à celui des pays voisins, mais bien inférieur à ceux des États-Unis et d’Israël. Malgré l’incertitude à court terme, les scénarios prévoient, pour la plupart, au moins un assouplissement partiel des mesures de distanciation sociale les plus restrictives vers la fin de l’année. Les risques restent néanmoins orientés à la baisse.
Marché du travail
Le taux de chômage en Belgique est ressorti à 5,8 % à la fin de 2020, contre 5,1 % en début d’année. Au début de la crise sanitaire, le gouvernement belge a instauré plusieurs mesures visant à soutenir le marché du travail. Ainsi, la générosité du plan de chômage partiel a été renforcée et l’accès à ce dispositif a été facilité pour les salariés.
En avril 2020, 1,2 million de travailleurs y ont recouru, soit une forte hausse par rapport à la moyenne historique de 100 000 bénéficiaires à peine. Ce chiffre a rapidement baissé pendant l’été pour atteindre environ 250 000 personnes. Malgré les craintes d’une évolution dans un sens opposé, le deuxième confinement introduit à la fin de 2020 n’a donné lieu qu’à une légère hausse des inscriptions au chômage partiel, avec moins de 300 000 bénéficiaires en décembre 2020.
Une fois que le dispositif actuel et les différentes mesures adoptées en faveur des travailleurs indépendants auront expiré, le chômage réel devrait sensiblement augmenter, sous l’effet de trois facteurs distincts : le passage du chômage partiel au chômage complet pour bon nombre de travailleurs, l’arrêt de l’activité des travailleurs indépendants et les mises en faillite des entreprises employant plus de dix personnes. Résultat : il faut s’attendre à 100 000 chômeurs de plus à la fin de 2021. D’après nos prévisions, la situation devrait ensuite progressivement s’améliorer avec un recul du chômage de 7,7 %, à son point culminant, à moins de 7 % vers la fin de 2022.
L’organisation du travail reste très différente de ce qu’elle était avant la pandémie de Covid-19. En mars, un salarié sur trois déclarait être en télétravail, tout au moins partiellement. Alors que la moitié des participants aux enquêtes de l’ERMG (Economic Risk Management Group) font état de quelques impacts négatifs sur la productivité, les entreprises s’attendent à ce que le télétravail devienne une constante à l’issue de la crise sanitaire. Dans l’ensemble de l’économie, l’espace de bureau physique par salarié devrait diminuer de près de 10 % au cours des cinq prochaines années. Cela aura sans aucun doute des répercussions sur le marché de l’immobilier de bureau.
Secteur immobilier
Les prix des logements restent néanmoins sur une trajectoire haussière, et ce en dépit de facteurs de freinage des prix. Ainsi, le gouvernement flamand a réduit, en 2019, l’avantage fiscal lié aux prêts hypothécaires ou « woonbonus » et le revenu disponible n’a que modestement augmenté. Le niveau extrêmement bas des taux d’intérêt a néanmoins atténué l’impact de cette mesure. Le modèle de la Banque nationale de Belgique fait ressortir une surévaluation de 13,5 % par rapport aux fondamentaux sous-jacents à la fin de 2020.
La finalisation des transactions immobilières a été suspendue au cours de la phase la plus stricte du premier confinement en avril 2020, mais les niveaux d’activité se sont rapidement redressés pendant le reste de l’année. L’encours des prêts hypothécaires a continué à augmenter, malgré des conditions plus strictes en termes de rapport prêt-valeur, instaurées par la Banque nationale de Belgique (BNB). La dette agrégée des ménages est ressortie à 66 % du PIB en 2020, un niveau légèrement supérieur à la moyenne de la zone euro (62 %).
Finances publiques
Rapportées au PIB, les recettes publiques sont restées stables, mais elles ont été amputées de EUR 12 mds en termes nominaux, l’économie ayant accusé une contraction de 6,3 %. Les dépenses hors paiements d’intérêts ont représenté près de 50 % du PIB au cours des deux dernières années. L’accroissement des dépenses à divers niveaux des administrations publiques a porté ce chiffre à près de 60 % pour l’ensemble de l’année 2020. Au total, la BNB estime le montant des mesures de relance budgétaire à EUR 36 mds, soit 8 % du PIB. Les deux tiers environ de ce montant correspondent aux dépenses discrétionnaires et le solde, aux stabilisateurs automatiques, qui entrent en jeu en période de basse conjoncture.
Entre autres mesures importantes, il convient de noter l’extension du dispositif de chômage partiel (EUR 4 mds), le « droit passerelle » en faveur des travailleurs indépendants (EUR 3 mds) et les primes compensatoires versées en cas de fermeture administrative ou de forte chute du chiffre d’affaires (EUR 3 mds) sans compter d’autres aides pour le secteur de la santé (EUR 6 mds).
Grâce à un environnement de taux exceptionnellement bas, le gouvernement belge a pu réduire encore les taux d’intérêt moyens sur l’encours de la dette. C’est ainsi que malgré l’envolée du ratio dette/PIB à 116 %, les charges d’intérêts annuels ont poursuivi leur trajectoire baissière, passant de 2,0 % du PIB, en 2019, à 1,8 % du PIB l’année dernière. Les taux d’intérêt moyens sur l’encours de la dette devraient reculer encore, d’environ 1,7 %, actuellement, à 1,3 % en 2022.
Malgré cette évolution favorable, la soutenabilité de la dette reste préoccupante à long terme. Avec la réorientation progressive des priorités du gouvernement, de la lutte contre la crise au redémarrage de l’économie, un énorme défi attend le Premier ministre fédéral. Alexander De Croo devra, en effet, pouvoir compter sur une coalition à l’unisson pour décider de la marche à suivre à présent.