L’activité économique est restée très fragile en ce début d’année 2021. À l’épidémie de Covid-19 s’est ajoutée, début janvier, la tempête Filomena, dont les effets délétères, sur la consommation notamment, se sont fait clairement ressentir. Les ventes automobiles et celles de détail ont ainsi fortement chuté au cours de l’hiver. Nous prévoyons désormais une croissance du PIB nulle au T1. L’activité économique pourrait néanmoins rebondir au printemps, et plus fortement cet été, même si les risques baissiers, liés au variant anglais et à une possible quatrième vague de contaminations, ne peuvent être totalement écartés. Nous anticipons une croissance du PIB réel de 5,9% en 2021, et de +5,6% en 2022. Cela fait suite à une contraction record de l’activité de 10,8% en 2020.
Pour faire face à la crise sanitaire qui se prolonge, le gouvernement a prorogé une grande partie des mesures d’urgence mises en place en 2020, dont le moratoire sur les faillites d’entreprises (étendu jusqu’au 31 décembre 2021) et le dispositif ERTE de chômage partiel (en place pour l’heure jusqu’au 31 mai prochain).
Un nouveau stimulus budgétaire de EUR 11 milliards a également été approuvé le 12 mars dernier. Il est constitué de EUR 7 mds d’euros d’aides directes aux entreprises dans les secteurs et les régions les plus en difficulté1, de EUR 3 mds destinés à la restructuration de la dette des entreprises, et EUR 1 md pour d’éventuelles recapitalisations.
La persistance de l’épidémie et les difficultés économiques attenantes vont très certainement amener les dépenses publiques à dépasser des prévisions initiales. Pour l’heure, le gouvernement a officialisé un budget record de EUR 239,8 mds pour 2021 et la Banque d’Espagne, dans son scénario central, anticipe un déficit public de 7,7% du PIB cette année. Ce dernier s’est établi à 10,1% du PIB en 2020, un record.
Un espoir contenu
Il y a néanmoins de bonnes raisons d’espérer que l’activité se redresse plus significativement à partir du printemps, et plus encore cet été : sur le plan sanitaire, les chiffres des contaminations dans le pays ont fortement chuté, même si la courbe épidémique est repartie légèrement à la hausse fin mars. La campagne de vaccination progresse, mais à un rythme certes peu soutenu. Au 29 mars, près de 16% de la population avait reçu une première injection du vaccin, ce qui place l’Espagne dans la tranche haute en Europe, mais bien loin des taux de vaccination observés aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Le Premier ministre Pedro Sanchez a néanmoins annoncé un quadruplement du nombre de doses, et donc une forte accélération de la vaccination au T2. L’objectif du gouvernement – vacciner 70% de la population d’ici à la fin de l’été – reste pour l’heure d’actualité, même si l’approvisionnement en vaccins demeure un obstacle important qui perdurera très certainement dans les mois à venir.
Un relâchement progressif des mesures de restriction devrait conduire à un rebond significatif de l’activité. C’est ce que laissent, par ailleurs, présager certains indicateurs de confiance pour le secteur des services à moyen terme, les PMI notamment, qui ont bondi cet hiver (graphique 2). De plus, lors du premier déconfinement en mai 2020, l’activité économique s’était rétablie fortement, le PIB ayant enregistré une croissance trimestrielle en volume de 16,4% au T3.
En outre, la conjoncture mondiale est meilleure aujourd’hui qu’à l’été dernier, en particulier aux États-Unis et en Asie. Cela devrait tirer vers le haut les exportations de biens espagnoles à destination de ces régions, même si le bénéfice qu’en tirera l’Espagne devrait être moins important que celui de ses voisins européens (cf. encadré sur la page suivante).
Comme nous l’avons vu dans un précédent Ecoflash2, compte tenu de la structure de l’économie espagnole, tournée vers les services et le tourisme, avec un tissu important de PME et de contrats précaires, l’épidémie de Covid-19 pourrait laisser davantage de stigmates sur l’activité à moyen terme, comparativement aux trois grands autres pays européens. L’évolution des marchés d’actions semblent attester de ce sentiment puisque l’indice boursier espagnol (Ibex) oscillait encore, fin mars, autour de 15% en dessous de son niveau d’avant-crise. Une part plus conséquente du retard avait été comblée en France (CAC40) et en Italie (FTSE MIB), tandis que l’indice allemand (Dax) avait atteint un nouveau record dès la mi-mars.
Vers un rebond de l’inflation au printemps ?
La faiblesse de l’activité en ce début d’année a limité le rebond des prix à la consommation, à l’inverse de ce qui a été observé dans la plupart des autres grands pays européens. Alors que l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) pour la zone euro a rebondi de 0,7% entre décembre et février, il a baissé, au cours de la même période, de 0,8% en Espagne (Eurostat). En glissement annuel, l’IPCH espagnol est même retombé en territoire négatif en février. Le seul rebond notable concerne les prix de l’énergie – et par extension ceux des transports – et fait suite à la hausse du prix des matières premières au cours de l’hiver.
Cependant, une remontée de l’inflation au printemps n’est pas à écarter : les goulets d’étranglement sur les chaînes de production mondiales (visibles dans les enquêtes PMI notamment) pourraient se traduire, à terme, par une accélération de l’inflation dans le pays. Une reprise d’activité prononcée au T2 constitue un second risque haussier significatif pour l’inflation.
Plan de relance : Madrid en marche accélérée
Les semaines qui se profilent coïncideront avec la finalisation et l’envoi du plan de relance national (« Plan de relance, de résilience et de transformation ») à la Commission européenne. L’exécutif espagnol a indiqué son intention de soumettre son plan à Bruxelles d’ici à mi-avril, soit deux semaines avant la date limite imposée par la Commission européenne3. Les premiers versements du fonds Next Generation EU ne devraient cependant se faire qu’à partir du second semestre 2021.
Pour accélérer le processus, le gouvernement espagnol envisage de procéder à des émissions de dettes obligataires, qui seront ensuite remboursées lorsque les transferts de l’UE seront effectifs. Ce plan de relance, qui doit se calquer sur les exigences de la Commission européenne, se compose pour près des deux-tiers d’investissements en faveur de la transition écologique et numérique.
L’un des défis majeurs pour l’exécutif espagnol sera néanmoins de transformer ces allocations «théoriques» en investissement sur le terrain. Le bilan de l’Espagne dans l’utilisation des aides structurelles européennes est en effet médiocre. Au cours du précédent budget pluriannuel européen (ESIF), pour la période 2014-2020, l’Espagne n’a utilisé que 40% des aides allouées, soit le deuxième taux d’absorption le plus bas, après la Croatie.
Enfin, en marge de la situation sanitaire, les élections anticipées au parlement régional de Madrid du 4 mai constitueront une échéance politique importante du printemps. Le leader du parti Podemos Pablo Iglesias a annoncé sa candidature à la présidence de la région et a quitté son poste de vice premier ministre, poste désormais occupé par la ministre des Affaires économiques Nadia Calviño. Le leader de Podemos fera face à la présidente sortante, et membre du Parti populaire, Isabel Diaz Ayuso.
Ces élections à Madrid feront suite à celles qui ont eu lieu en Catalogne en février dernier, et qui ont conduit à un renforcement des partis séparatistes. Depuis de nombreuses années, la situation politique en Espagne constitue un risque sous-jacent venant s’agréger aux difficultés économiques du pays, significatives aujourd’hui et qui risquent de s’aggraver avec la crise du coronavirus.