L’épidémie continue de circuler rapidement dans les États membres de la zone euro et de nombreuses incertitudes demeurent. Les dernières données conjoncturelles envoient néanmoins des signaux encourageants qui, sans appeler au triomphalisme, permettent d’espérer une accélération du rattrapage économique à partir du second semestre 2021. C’est dans le déploiement des vaccins que réside le plus grand espoir. Les politiques publiques resteront également au chevet de l’économie de la zone euro et éviteront tout resserrement qui entraverait le processus de reprise. Du côté monétaire, par exemple, Christine Lagarde a annoncé une augmentation du rythme des rachats d’actifs, les conditions de financements sont donc surveillées de près.
Malgré la circulation encore active du virus dans la plupart des pays, l’avancement des campagnes de vaccination éclaircit l’horizon économique. Une normalisation plus franche et pérenne de l’activité dépendra de la pleine maîtrise de l’épidémie de Covid-19 et du retour de la confiance des agents économiques.
Des signaux encourageants, malgré tout
Alors que les nouvelles mesures de restrictions sanitaires pèsent sur la dynamique de rattrapage économique en zone euro, certaines nouvelles récentes envoient toutefois des signaux d’optimisme.
Tout d’abord, il convient de souligner la sensible hausse en mars 2021 de l’indice des directeurs d’achats (Purchasing Managers Index, PMI), très suivi par les observateurs.
Après une quasi-stagnation depuis fin 2020, le PMI composite a dépassé en mars dernier (estimation flash) le seuil des 50 points, à 52,5, pour la première fois depuis octobre 2020. En d’autres termes, l’activité dans le secteur privé de la zone euro croît pour la première fois depuis 6 mois.
Cette performance, nettement meilleure qu’attendu par le consensus, s’explique par l’amélioration conjoncturelle dans le secteur manufacturier comme dans celui des services marchands. Dans ce dernier, bien que le PMI reste en deçà de 50 en mars (48,8), il progresse et surprend favorablement les attentes. Le PMI du secteur a atteint un pic historique à 62,4 en mars contre 57,9 en février. Sans tirer de conclusions trop hâtives, cette bonne performance reflète notamment le redressement de la composante « emploi » dont le PMI a atteint 54,7 en mars contre 51,5 le mois précédent, ainsi que celle des « nouvelles commandes à l’export » (62,4).
Les acteurs économiques semblent mieux s’adapter aux contraintes sanitaires, mais la poursuite de l’amélioration de l’activité économique dans la zone euro dépendra de la réussite de la campagne vaccinale. C’est de cela que dépend le retour pérenne de la confiance des agents économiques. Là encore, les dernières données sont plutôt favorables : l’indice du sentiment économique de la Commission européenne et celui de la confiance des consommateurs se sont établis à un plus haut niveau depuis 1 an. Ce dernier indicateur reste toutefois fragile et inférieur à son niveau d’avant la pandémie.
Globalement, nous anticipons une accélération notable du rattrapage économique en zone euro à partir du second semestre 2021, sous l’effet de trois principaux facteurs : augmentation du rythme des vaccinations, effet de rebond de la demande au moment de la levée des restrictions (pent-up demand), soutien du policy mix au sein de la zone euro et du plan américain (American Rescue Plan). Ce plan devrait avoir un impact positif sur la croissance de la zone euro à l’horizon des prochains trimestres. Le PIB de la zone euro devrait enregistrer un net rebond sur l’ensemble de l’année (+4,2%, moyenne annuelle) puis une nouvelle accélération en 2022 à +5,0%. Dans ce scénario, le PIB de la zone euro pourrait alors retrouver son niveau d’avant-crise au cours du 1er semestre 2022.
BCE : les conditions de financement comme objectif intermédiaire
Une reprise économique vigoureuse couplée à une hausse du coût des intrants et à un allongement des délais de livraison fait craindre une accélération marquée des prix dans les mois à venir. Ce sentiment est tout particulièrement vif aux États-Unis.
Du côté de la zone euro, les pressions inflationnistes observées depuis le début de 2021 – l’inflation a atteint +1,4% en janvier (en variation annuelle) avant de baisser à 1,1% en février (cf. graphique 3) – pourraient n’être que temporaires et le risque d’une forte hausse des prix apparaît moins prégnant.
D’un point de vue économique, les dynamiques de rattrapage diffèrent entre les États-Unis et la zone euro. D’abord, le rythme de vaccination outre-Atlantique est, pour l’heure, plus intense que dans les États membres. Ensuite, le plan de relance américain, qui cible en grande partie le soutien de la demande à court terme, est de plus grande ampleur et plus à même de créer des goulots d’étranglement.
Enfin, la chute du PIB en 2020 a été près de deux fois moindre aux États-Unis qu’en zone euro (-3,5% contre -6,8%) et l’écart de production américain (c’est-à-dire l’écart entre la production effectivement observée et la production potentielle) est moins creusé, selon les estimations du FMI. Il convient toutefois de souligner que la situation actuelle rend difficile l’interprétation des évolutions de prix. D’un point de vue statistique, du fait de la pandémie et des mesures de confinement, le relevé de certains prix est impossible et le panier moyen de consommation est sensiblement modifié. Aussi, les mouvements de TVA, comme la baisse temporaire de celle-ci en 2020 en Allemagne, créent des effets de base importants.
La progression des anticipations d’inflation outre-Atlantique a fait pression à la hausse sur les taux d’intérêt à long terme aux États-Unis et, par effet de contagion, en zone euro. La remontée des taux des États membres a toutefois été contenue (cf. graphique 3), ce qui est rassurant compte tenu de la reprise plus timide et différenciée dont fait preuve la zone euro.
La Banque centrale européenne (BCE) a rappelé que le vrai risque proviendrait d’une remontée des taux sans amélioration de l’environnement macroéconomique. Selon l’institution de Francfort, l’inflation ne devrait pas augmenter de manière pérenne en zone euro et, malgré une tendance haussière, celle-ci atteindrait seulement +1,4% en 2023 : un niveau encore bas par rapport à la cible de 2% à moyen terme. Aucun resserrement monétaire du côté de la BCE n’est donc attendu.
Surprenant les marchés financiers, la présidente de la BCE Christine Lagarde a annoncé, lors de sa réunion de mars 2021, l’augmentation significative du rythme des rachats d’actifs dans le cadre de son programme PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme). Sans en modifier l’enveloppe, Mme Lagarde a toutefois indiqué qu’une hausse de son volume serait envisagée si nécessaire, afin de maintenir des conditions de financement favorables dans la zone euro.
Même si le PEPP était pleinement utilisé à horizon mars 2022 (date d’échéance du programme), la BCE maintiendrait son approche visant à éviter tout resserrement des conditions monétaires. En cas de non-reconduction du PEPP, partant du principe que le plus fort de la crise pandémique sera derrière nous, une plus grande flexibilité des rachats d’actifs dans le cadre du programme APP (Assets Purchases Programme) pourrait alors être envisagée. Comme récemment indiqué par Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, le soutien monétaire sera nécessaire tant que l’inflation ne sera pas durablement au niveau de sa cible, et ce probablement bien après la fin de la pandémie.
Que peut-on attendre du soutien budgétaire ?
Il est difficile de savoir quelle sera l’orientation de la politique budgétaire des États de la zone euro tant l’incertitude domine concernant la situation épidémique. Cette dernière se dégrade dans la plupart des pays, laissant présager un soutien prolongé voire accru au niveau national. Au niveau européen, alors que les premiers versements de subventions du plan Next Generation EU ne pourraient intervenir qu’à l’été 2021, ce programme fait face à une nouvelle contrainte.
Le Tribunal constitutionnel allemand a suspendu le processus de ratification du fonds de relance européen en raison d’un recours contre le mécanisme utilisé, fondé sur une dette commune européenne. Cette avancée importante de la construction européenne pendant dette crise peine malheureusement encore à se concrétiser.