En 2019, d’après la première estimation de l’INSEE, le déficit budgétaire français s’est établi à 3% du PIB, ce qui constitue une bonne surprise, quoique petite, par rapport à la cible de 3,1% du gouvernement. La barre des 3% de déficit est atteinte mais pas dépassée. Si le niveau du déficit est légèrement moindre que prévu, sa détérioration par rapport à 2018 (-0,7 point) est légèrement plus importante (0,1 point de plus) du fait de la révision concomitante en baisse du déficit pour 2018 (à 2,3% du PIB contre 2,5% préalablement).
Creusement du déficit budgétaire à 3% du PIB en 2019, le premier depuis 2009
Le creusement du déficit est imputable à la baisse marquée de la part des recettes publiques dans le PIB (-0,8 point, à 52,6% ; -0,7 point, à 44,1%, pour le taux de prélèvements obligatoires). Cette baisse est essentiellement due à la transformation du CICE en baisse de cotisations patronales, mais pas seulement. Les lois de finances 2018 et 2019 et les annonces ultérieures faites en réponse à la crise des « gilets jaunes » contiennent, en effet, de nombreux autres gestes fiscaux. Le poids des dépenses est, quant à lui, resté quasiment stable (-0,1 point, à 55,6%) mais cela masque des évolutions contrastées selon le type de dépenses (par exemple une baisse de 12% de la charge de la dette et un bond de 15% de l’investissement des administrations publiques locales en lien avec le cycle électoral municipal)[1]. Le dernier chiffre-clé à retenir de ce rapide état des lieux des finances publiques françaises en 2019 est celui du ratio de dette. En l’occurrence, il s’est stabilisé à 98,1% du PIB après une imperceptible baisse de 0,2 point en 2018.
La hausse du déficit en 2019 est la première depuis 2009 : elle vient interrompre neuf années consécutives d’amélioration, au cours desquelles le déficit a été progressivement réduit, de 4,9 points en tout. Essentiellement imputable au coût ponctuel de la bascule du CICE (hors impact de cette transformation, le déficit s’établit à 2,1%), cette détérioration était censée être temporaire et suivie d’une amélioration conséquente, bien qu’également en trompe l’œil, en 2020. Dans son projet de loi de finances pour cette année, présenté le 27 septembre 2019, le gouvernement visait un déficit de 2,2% du PIB fondé sur une prévision de croissance de 1,3%[2].
Le retour sous la barre des 3% en 2020 n’est plus d’actualité
La pandémie de Covid-19 a, depuis, radicalement changé la donne sur le front économique et, conséquemment, sur le front budgétaire. Une contraction brutale et importante du PIB est désormais attendue, son ampleur exacte restant difficile à chiffrer, pour ne pas dire impossible. Par ailleurs, si le choc récessif massif devrait être temporaire, le profil de la reprise qui devrait s’ensuivre reste très incertain. Les mesures budgétaires et financières de soutien, annoncées par le gouvernement, et celles, sur le front monétaire, de la BCE visent, d’une part, à limiter autant que possible le choc et, d’autre part, à mettre en place les conditions d’un retour à la normal le plus rapide possible.
Dans son projet de loi de finances rectificative pour 2020, présenté le 18 mars dernier, le gouvernement anticipe désormais un gonflement du déficit budgétaire à 3,9% du PIB. Cette prévision est établie sur la base d’une contraction du PIB de 1% et comptabilise EUR 11,5 mds de mesures du plan de soutien sur son total de EUR 45 mds. Sont inclus : EUR 8,5 mds pour le chômage partiel, EUR 2 mds pour les dépenses additionnelles de santé et EUR 1 md pour un fonds d’indemnisation à destination des travailleurs indépendants ; sont exclus les EUR 32 mds de report de charges fiscales et sociales que le gouvernement compte recouvrir ultérieurement. Point notable : les mesures de soutien sont comptabilisées par le gouvernement comme mesures exceptionnelles et temporaires, et non comme venant aggraver le déficit structurel. La dégradation de 1,7 point de la prévision de déficit entre le PLF 2020 et le PLFR 2020 s’explique à hauteur de 1,4 point par la révision en baisse du scénario de croissance et à hauteur de 0,3 point par les mesures de soutien (cf. tableau).
La baisse du PIB comme le gonflement du déficit budgétaire et le montant du plan de soutien sont des premières estimations, présentées comme des minimums. À titre d’exemple, sur la base de notre prévision de croissance
(-3,1%) et en incluant l’intégralité du plan de soutien (1,9 point de PIB), le déficit budgétaire monte à 6,2% du PIB. On aimerait pouvoir considérer ce chiffrage théorique comme une fourchette haute mais la situation risque d’être plus détériorée encore. De plus, la question d’un plan de relance, relayant le plan de soutien, est d’ores et déjà évoquée pour l’après-crise, le scénario d’un rebond rapide de l’activité n’apparaissant pas (plus) le plus probable. Pour mémoire, lors de la Grande récession de 2009, le PIB français s’était contracté de 2,8% et le déficit budgétaire creusé à 7,2% du PIB.
La nouvelle dégradation attendue du déficit budgétaire français en 2020, largement en dehors des clous budgétaires européens, n’est pas problématique : c’est la situation économique sous-jacente qui l’est et les « circonstances exceptionnelles », telles que mentionnées à l’article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance des finances publiques, s’appliquent. La Commission européenne est même allée plus loin en proposant, le 20 mars dernier, le déclenchement de la clause dérogatoire générale, soit purement et simplement la suspension temporaire des règles de discipline budgétaire.