Comment expliquer l’importante baisse des rendements des bons du Trésor ? L’une des raisons possibles est que, indépendamment des données déjà publiées ce trimestre, les investisseurs sont plus pessimistes concernant les trimestres à venir. Un tel ajustement des attentes peut découler d’une mauvaise nouvelle, comme une hausse de l’incertitude ou un commentaire « hawkish » d’un fonctionnaire de la banque centrale. Or ce n’est pas le cas, bien au contraire : la Réserve fédérale a assoupli sa politique et laissé entendre que d’autres réductions de taux pourraient suivre ; ce qui nous laisse l’incertitude comme possible explication. Compte tenu des annonces faites par le président Trump au sujet de nouvelles augmentations tarifaires visant la Chine, et plus récemment des représailles de cette dernière, l’évaluation des perspectives économiques est, à juste titre, plus difficile.
Cela a alimenté la demande d’actifs sûrs, a provoqué une baisse des rendements obligataires, et a rendu la prime de terme[ii] de plus en plus négative. Le phénomène était mondial et les rendements du Bund à 10 ans ont atteint -70 points de base. Cette dynamique a probablement été renforcée par le déclin et la volatilité accrue des marchés boursiers. Elle a poussé les investisseurs à acheter des obligations d’État ou à en augmenter la durée, dans l’espoir que la baisse des rendements obligataires et, partant, l’appréciation du prix des obligations compenseraient la baisse des marchés boursiers. Un autre facteur en jeu est que les investisseurs qui s’engagent sur le long terme, comme les compagnies d’assurance ou les fonds de pension, sont forcés d’accroître leur exposition aux obligations lorsque les rendements diminuent, considérant que cette baisse augmente la valeur actualisée nette de leurs passifs[iii].
Les augmentations tarifaires passées et l’incertitude quant à l’issue du différend commercial entre les États-Unis et la Chine rendent l’interprétation des données économiques plus complexe. Dans quelle mesure expliquent-elles le ralentissement des exportations ou celui des investissements des entreprises ? En outre, l’interprétation de l’évolution des prix des actifs devient plus difficile car les variations de prix sont dominées par d’importantes fluctuations des primes de risque dues à l’incertitude, au gré des déclarations. Lorsque le signal est moins clair et que le bruit statistique augmente, une plus grande prudence peut très bien prévaloir et donc peser sur l’économie.