Edito

États-Unis : un air de fête à l’approche de Noël

15/12/2023
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La dernière déclaration de la Réserve Fédérale – les projections de taux du FOMC et les commentaires de Jerome Powell, Président de la Fed – confortent l’anticipation d’un atterrissage en douceur pour l’économie américaine. Ces annonces devraient apaiser les craintes potentielles sur les perspectives de cash-flow des entreprises et du revenu des ménages. On a assisté à un fort rally des marchés tant obligataires, qu’actions, suscitant l’euphorie chez les investisseurs en cette fin d’année. Toutefois, le scénario d’un atterrissage en douceur devrait maintenant entrer dans une phase plus critique : les investisseurs ne tarderont pas à s’interroger sur le calendrier et l’ampleur des baisses de taux. Il importe également de savoir à quel moment les marchés obligataires commenceront à anticiper le risque que la reprise résultant de cette désinflation et de la baisse des taux d’intérêt ne donne rapidement naissance à de nouveaux goulets d’étranglement.

Chacun des cycles de resserrement de la Réserve Fédérale fait naître un débat sur la possibilité d’un atterrissage en douceur. La banque centrale américaine parviendra-t-elle à ramener l’inflation dans sa fourchette cible sans causer une montée en flèche du taux de chômage et déclencher une récession ? Le cycle actuel ne fait pas exception à cette « règle ». Toutefois, ces derniers mois, après les bonnes surprises en termes d’inflation et de résilience du marché du travail, les interrogations des marchés sur la possibilité d’un atterrissage en douceur. ont cédé la place à une conviction que, malgré l’ampleur et la rapidité des hausses de taux, une issue favorable est désormais très probable. Les derniers messages de la Réserve Fédérale confortent ce point de vue. Le « dot plot » – les projections de taux des membres du comité directeur de la Réserve Fédérale (FOMC) – table sur trois baisses des taux de 25 points de base en 2024, et les commentaires de Jerome Powell, Président de la Réserve Fédérale, lors de la conférence de presse indiquent clairement que le pic des taux officiels a été atteint et que le prochain mouvement de la Fed sera une baisse de taux. Ces commentaires ont déclenché un fort rally des marchés tant obligataires qu’actions et une baisse du dollar[1], avec des retombées positives pour les marchés asiatiques et européens le lendemain. Cette évolution nous rappelle à quel point l’appétit pour le risque des investisseurs partout dans le monde dépend de l’évolution des Fed funds.[2]

Fed funds : taux effectif et anticipations du marché à différentes dates

À l’évidence, ce changement de ton du FOMC est une bonne nouvelle pour les ménages et les entreprises qui n’ont plus à redouter des hausses de taux futures et leurs effets préjudiciables pour l’économie. Au contraire, ils peuvent désormais anticiper un assouplissement des conditions d’emprunt, du moins en termes nominaux[3]. Pour les marchés financiers, les décisions du FOMC ont créé un effet festif. Toutefois et au risque de gâcher la fête, il nous semble que l’on peut considérer que la partie la plus facile de l’atterrissage en douceur est désormais derrière nous, et que les investisseurs doivent se préparer à des jours moins heureux. Les cours intègrent désormais des baisses de taux significatives comme le montre la courbe des contrats à terme sur les fonds fédéraux (Graphique 1). Toutefois, le rythme de la normalisation monétaire sera « data dependent » (c’est-à-dire qu’il dépendra des derniers indicateurs conjoncturels). La progression des salaires, bien qu’elle tende à ralentir, reste élevée par rapport à l’objectif d’inflation de 2,0 % de la Réserve Fédérale, dans la mesure notamment où la rétention de main-d’œuvre dans une économie en décélération risque de peser sur les gains de productivité[4]. Compte tenu de la résilience du marché du travail – le taux de chômage reste très faible, le taux de participation a augmenté pour renouer avec son niveau de début 2020 et le rythme des créations d’emplois diminue progressivement – la banque centrale devrait rester prudente. Le « dot plot » reflète cette évolution, tandis que les marchés intègrent une baisse plus forte des taux des fonds fédéraux en 2024 (Graphique 2).[5] Les prochaines statistiques devraient conduire les membres du FOMC et les investisseurs à revoir leurs anticipations, ce qui pourrait entraîner une volatilité accrue des rendements des bons du Trésor américains. L’on peut également se demander à quel moment les investisseurs obligataires commenceront à s’intéresser aux perspectives à plus long terme : l’atterrissage en douceur, accompagné d’une baisse de l’inflation et des taux d’intérêt, ouvrira la voie à une reprise économique, ce qui pourrait faire apparaître des goulets d’étranglement sur le marché du travail. Enfin, il est également possible que cet atterrissage finisse par être un peu plus brutal que prévu, soit parce que la désinflation ralentit, soit parce que l’impact des hausses des taux passées sur l’activité et la demande s’intensifie.

Fed funds : anticipations du marché et projections de la Fed

Pour conclure, le message de la Réserve Fédérale est incontestablement une bonne nouvelle car il accroît la probabilité d’un atterrissage en douceur. Cette évolution devrait apaiser les craintes potentielles sur les perspectives de cash-flow des entreprises et du revenu des ménages. Les investisseurs s’intéresseront plus que jamais au calendrier et au rythme des baisses des taux et à leurs conséquences sur les rendements des bons du Trésor américain.


[1] Ce phénomène s’explique par le fait que les marchés attendent de la BCE une normalisation monétaire moins rapide que de la part de la Fed en 2024.

[2] L’appétit mondial pour le risque augmente (diminue) lorsque la Réserve Fédérale abaisse (augmente) les taux des fonds fédéraux. Cette relation a été démontrée de manière empirique par Òscar Jordà, Moritz Schularick, Alan M. Taylor et Felix Ward dans l’ouvrage collectif Global Financial Cycles and Risk Premiums, document de travail 24677 NBER, juin 2018.

[3] En termes réels, cette situation est moins nette et dépend de la baisse des taux d’intérêt nominaux par rapport à la baisse de l’inflation.

[4] Le suivi des salaires de la Fed d’Atlanta indique une progression annuelle des salaires de 5,2 % en novembre.

[5] Il est intéressant de noter que les projections des membres du FOMC au 31 décembre 2026 (2,9 %) et à plus long terme (2,5 %) sont inférieures aux niveaux intégrés à l’heure actuelle par les marchés.

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