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Détérioration du marché du travail et pénuries de main d’œuvre

10/11/2023

La France et l’Allemagne ont toutes deux détruit des emplois au 3e trimestre 2023 alors que de plus en plus d’entreprises pâtissent d’une demande en berne. Dans ce contexte, les pénuries de main d’œuvre pèsent moins sur l’activité économique, notamment en Allemagne où elles étaient plus fortes. Toutefois, ces pénuries persistent, car elles sont structurelles sur fond de taux de chômage faible. La production des secteurs bénéficiant de la demande la plus solide (actuellement l’aéronautique, singulièrement en France) peut en être pénalisée. Si ces pénuries ne sont pas résolues, elles pourraient même freiner le développement des secteurs d’avenir, notamment ceux associés à la transition écologique (électrification, rénovation).

Transcription

France et Allemagne ont toutes deux détruit des emplois au 3e trimestre - 18000 et 6000 respectivement - selon des données préliminaires. Ce phénomène est relativement rare en dehors de périodes de crise comme 2009 ou lors des confinements de 2020.

Cette concomitance résonne comme le signe supplémentaire d’une détérioration de la conjoncture économique. La demande est ainsi devenue la première contrainte limitant la production en zone euro au 2nd semestre. C’est le cas pour 25% des entreprises dans l’industrie et 18% des entreprises dans les services au 4e trimestre, selon l’enquête de la Commission européenne.

Les difficultés d’approvisionnement, qui avaient prédominé auparavant, ont reculé. Alors qu’elles limitaient la production d’une entreprise sur trois dans l’industrie en zone euro au début de 2022, elles ne concernent plus qu’une entreprise sur huit au 4e trimestre 2023.

Les pénuries de main d’œuvre ont entamé un recul pour le moment plus modéré, limitant la production de 14% des entreprises dans l’industrie de la zone euro au 4e trimestre 2023 contre 18% à leur pic au 3e trimestre 2022. En Allemagne, cette proportion est, dans le même temps, passée de 25 à 18%. En France, elle se stabilise à 16%, une absence de baisse qui est significative.

Dans les services, la baisse de la proportion d’entreprises pour lesquelles la main d’œuvre limite la production est assez générale sur la même période - de 23 à 18% en zone euro, de 33 à 25% en Allemagne et de 21 à 14% en France -, signe que la baisse de la demande atténue progressivement les pénuries de main d’œuvre.

Le manque de main d’œuvre reste néanmoins élevé en zone euro, en cette fin d’année 2023 : il concerne deux fois plus d’entreprises qu’en moyenne historique, tant dans l’industrie que dans les services. Nombre de pays européens étant proches d’une situation de plein emploi, la main d’œuvre disponible est structurellement plus rare.

Lorsque les besoins en main d’œuvre évoluent brutalement, il est difficile d’y pourvoir. Le secteur aéronautique a détruit des emplois en 2020 et peine désormais à alimenter sa montée en charge : le manque de main d’œuvre limitait la production de 11% des entreprises en moyenne entre mi 2022 et mi 2023, contre 26% en moyenne au 2e semestre 2023 (7 contre 34% en France).

Cette équation touchant à la disponibilité d’une main d’œuvre qualifiée est difficile à résoudre à brève échéance et touche d’autres segments : en témoigne le manque structurel d’ingénieurs, qui pourrait constituer un frein à la mise en œuvre de la politique de verdissement de l’industrie européenne.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE