Depuis le début de l’année, la reprise dans les pays émergents se poursuit mais reste fragile. Le retard des indices de confiance des ménages sur ceux des entreprises témoigne des contraintes sur la demande interne : le risque pandémique persiste, l’inflation accélère et les États font face à une augmentation de leurs coûts de financement, ce qui réduit leurs marges budgétaires. Malgré le dynamisme des échanges extérieurs, l’horizon n’est pas suffisamment dégagé pour une reprise de l’investissement. Heureusement, jusqu’à présent, la très grande majorité des banques centrales se gardent d’être pro-actives malgré les tensions inflationnistes. Mais le resserrement monétaire ne peut que se généraliser.
Dans leurs perspectives de printemps, les économistes du FMI anticipent une reprise mondiale en 2021 à plusieurs vitesses et incomplète. « Vitesse » est bien le maître mot car l’année 2021 se caractérisera par plusieurs courses de vitesse pour les pays émergents. L’une entre la progression de la pandémie et la vaccination, et l’autre entre les prix de l’alimentation et le rattrapage a priori partiel des revenus des plus faibles présentent à nos yeux les plus grands risques à très court terme. Avec, en cas de divergence persistante, une augmentation du risque social dont la capacité de déstabilisation peut être beaucoup plus radicale que les risques financiers.
La récente hausse significative des taux longs US n’a pas encore entraîné un élargissement de l’écart de rendement (spread) entre les emprunts d’État américains et l’indice global des marchés obligataires émergents. Cet indice se compose des obligations et emprunts en USD émis par des emprunteurs souverains et quasi-souverains d’un grand nombre d’économies en développement, et distingue les émetteurs de qualité (investment grade ou IG) et des spéculatifs (speculative grade ou SG). L’absence d’effet de contagion constitue un soulagement. Certes, les rendements des marchés émergents ont évolué à la hausse, mais il n’y a pas eu d’élargissement des spreads, ce qui aurait renchéri davantage les conditions de financement. Il en a été autrement par le passé
Il y a près d’un an, la pandémie déclenchait un choc financier dans la planète émergente. Depuis, les conditions monétaires et financières se sont largement normalisées. Les investissements de portefeuille ont même atteint des records sur la deuxième partie de 2020 dans un contexte de soutien massif de la Fed. Dans ce cadre, les coûts d’emprunt des États en monnaie locale sont, pour une majorité des grands pays émergents, inférieurs à ce qu’ils étaient à la fin 2019. Pourtant, avec l’aggravation des déficits budgétaires, la hausse des dettes publiques est sans précédent
En ce début d’année, les pays émergents bénéficient d’une conjonction d’éléments favorables à la poursuite de la reprise (rattrapage du commerce extérieur, dollar faible, prix des matières premières en hausse, coûts de financement domestiques plus bas qu’avant la crise). Cependant, de nombreuses incertitudes ou menaces demeurent : la rapidité de couverture des campagnes de vaccination contre la Covid-19, le risque de multiplication des cas d’insolvabilité des pays à faibles revenus, malgré le soutien financier des institutions internationales et créanciers officiels, la montée des prêts non performants dans les systèmes bancaires dès 2021
Le redémarrage de l’activité initié à la fin du printemps s’est poursuivi au cours de l’été, Chine en tête, et les prix du pétrole et des métaux se sont redressés. Mais les inquiétudes apparaissent car le rythme de la reprise semble s’être ralenti, à l’image des exportations qui progresse plus difficilement. Surtout, la persistance de la pandémie et le prolongement du confinement, voire du reconfinement dans plusieurs pays, font craindre une rechute. Néanmoins, des forces de soutien existent : la poursuite de l’assouplissement des politiques monétaires, la tempérance des marchés face à l’envolée des déficits budgétaires et l’allègement de la dette des pays les plus vulnérables par les créanciers officiels. Mais ces leviers sont limités.
Depuis la mi-avril, le calme est revenu sur les places financières des pays émergents. Pour la plupart des pays, les taux de change se sont réappréciés. Par ailleurs, les taux d’intérêt monétaires et obligataires se sont réduits grâce à la détente générale des taux directeurs et une utilisation plus large de l’assouplissement quantitatif par les banques centrales nationales, mais aussi grâce au soutien financier extérieur (lignes de financement des institutions financières internationales, accords de swap de change avec les banques centrales) et au retour des investissements de portefeuille. Comme souvent, les marchés boursiers ont salué cette normalisation de façon excessive et prématurée. La reprise d’activité, qui semble se confirmer, reste en effet très fragile.
Les pays émergents sont durement affectés par la pandémie même si, Chine mise à part, le décompte officiel des victimes est encore faible en comparaison avec les pays développés. La vague de récession/ralentissement n’en est qu’à son début et ses effets s’étendront probablement au-delà de 2020 car le choc réel (arrêt des activités à cause du confinement) se triple d’un choc financier et d’un choc sur les prix des matières premières. Les sorties de capitaux et le gel des marchés d’émission de dette internationale augmentent le risque de refinancement en dollar. Les filets de sécurité pour le traitement préventif des défauts se mettent en place, mais pour les pays les plus vulnérables, la solution passera probablement par un moratoire ou un allègement de dette.
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