Les nouvelles de la semaine dernière ont été déprimantes pour beaucoup en Europe. D'abord, nos amis américains ont choisi de faire revenir à la Maison Blanche un homme qui a déclaré, il y a seulement quelques semaines, que l'Union européenne devrait « payer un prix fort » s'il gagnait. Ensuite, en Allemagne, la coalition au pouvoir s'est effondrée, Volkswagen a annoncé la fermeture de certaines de ses usines puis, une semaine plus tard, les deux plus grandes banques allemandes ont communiqué une augmentation massive de leurs provisions pour créances douteuses
Le climat des affaires (enquêtes PMI et IFO) n’a cessé de se détériorer en Allemagne depuis son pic du mois de mai, jusqu’en septembre. L’optimisme relatif du printemps ne s’est pas prolongé, comme l’illustre notamment la dégradation du PMI des conditions à l’export (51,9 en mai, 49,8 en septembre). En conséquence, si notre prévision reste de 0,1% t/t pour la croissance du 3e trimestre, le gouvernement allemand a souligné le risque d’un nouveau chiffre négatif (après déjà -0,1% t/t au T2) et donc d’une récession. Au global, le PIB serait proche de son niveau enregistré fin 2021 (soit trois années de stagnation).
Allemagne et France présentent des perspectives différentes en matière de consolidation budgétaire. Cette dernière est davantage engagée en Allemagne, où la dette est pourtant plus modérée. Toutefois, celle-ci s’accompagne d’une réduction du soutien au verdissement de l’économie, ainsi que par une stagnation du PIB depuis deux ans. En France, où la dette publique est plus élevée, le maintien d’un soutien budgétaire conséquent s’est accompagné d’une hausse de l’épargne. La littérature souligne que dans ce contexte une consolidation budgétaire fondée sur une baisse des dépenses pourrait soutenir la croissance.
Alors qu’en début d’année, des signes de rebond de la croissance allemande étaient apparus, la récession industrielle a finalement repris, avec un impact négatif sur le marché du travail désormais perceptible, puisque le taux de chômage remonte. Dans ce contexte et à la suite du retrait du soutien à l’achat de véhicules électriques en décembre 2023, les ménages ont accru leur taux d’épargne. Pour autant, des signes encore timides de rebond commencent à se dessiner, avec un léger regain en termes de demande. La prise de conscience du décrochage industriel allemand par le gouvernement pourrait, en parallèle, déboucher sur le retour de mesures de soutien.
La croissance des exportations vers les États-Unis (premier client à l’exportation pour l’Allemagne) a continué de porter le commerce extérieur allemand ces dernières années alors que les échanges avec la zone euro et la Chine étaient en relative stagnation. Depuis 4 mois, toutefois, le PMI allemand des conditions à l’export est supérieur au seuil de 50 (bien que plus bas en juin à 50,8 qu’en mai à 51,9) suggérant une dynamique plus globale.
Si l’expression jamais deux sans trois devait se vérifier, alors la France serait opposée à l’Allemagne pour la 3e fois d’affilée lors du championnat d’Europe de football et remporterait un 3e succès consécutif. Sur le terrain économique, depuis 5 ans, les performances françaises ont dépassé celles de l’Allemagne dans trois domaines importants : les créations d’emploi, la croissance de l’investissement et la transition vers les services. En conséquence, il n’est pas surprenant que la France ait généré un supplément de croissance de 0,5 point par an par rapport à son voisin d’outre-Rhin.
La croissance allemande devrait être soutenue, à court terme, par le rebond de son industrie qui comblerait une partie de la perte de production liée à la hausse du coût de l’énergie consécutive au déclenchement de la guerre en Ukraine. L’Allemagne devrait également, en tant qu’économie ouverte, bénéficier du rebond de la croissance en zone euro depuis début 2024. Toutefois, à plus moyen terme, le potentiel de croissance allemand devrait continuer de pâtir des pénuries de main d’œuvre, du poids de son industrie (fragilisée par la transition bas-carbone), ainsi que des conséquences d’un investissement insuffisant dans un contexte de montée en puissance de nouveaux concurrents.
L’Europe connaît des pertes de parts de marché tendancielles, subies en raison de la montée en puissance d’autres producteurs (le Japon dans les années 1980, la Chine ensuite). En Allemagne, elles se sont même accrues après la pandémie de Covid-19 (-0,7 point en 2023 par rapport à 2019). L’industrie chimique allemande a subi de plein fouet la hausse des prix de l’énergie, renforçant la concurrence de la Chine et des États-Unis. Son industrie automobile (qui comptait pour 17% de ses exportations en 2023) souffre quant à elle directement de la concurrence chinoise.
La sous-performance de la croissance allemande sur ces dernières années s’est poursuivie en 2023. Toutefois, si elle n’est plus motrice, il semble que l’économie allemande bénéficie du rebond observé par ailleurs en zone euro et qui pourrait doper sa croissance dans les prochains trimestres. En témoigne, une relative bonne performance (0,2% t/t) au 1er trimestre, comme en zone euro (0,3% t/t). Le climat des affaires (IFO) souligne une amélioration, même si elle reste encore partielle, avec un indice à 89,3 en mai comme en avril, les deux meilleurs mois depuis mai 2023.
L’économie allemande sous-performe de façon notable depuis un peu plus de 6 ans par rapport à la moyenne de la zone euro et à ses standards passés. Il se pourrait même que le pays ait de nouveau été en récession au T4 2023 et au T1 2024. L’Allemagne aura-t-elle alors touché le fond ? D’un point de vue conjoncturel c’est probable car l’accès de faiblesse, enregistré cet hiver, résulte pour partie d’effets exceptionnels. D’un point de vue structurel, l’économie allemande devrait continuer d’enregistrer une croissance modérée, qui ne lui permettrait pas de retrouver son statut de moteur de la croissance européenne.
Les premiers indicateurs disponibles pour le mois de janvier soulignent un début de trimestre encore faible (après une contraction du PIB de -0,3% t/t au T4 2023), d’où notre prévision d’une nouvelle baisse du PIB de -0,1% t/t au 1er trimestre. La production manufacturière (en rebond de 1% m/m en janvier) reste inférieure à celle de novembre de 1,5%, en raison d’une nette baisse de la production automobile (de 10% inférieure en janvier à son niveau de novembre).
Les indicateurs du climat des affaires et de la confiance des ménages sont restés stables à un bas niveau au mois de février, soulignant le peu de ressort conjoncturel en Allemagne au 1er trimestre. Ainsi, la croissance du PIB serait nulle, selon nos prévisions, après une contraction de 0,3% t/t au 4e trimestre : une croissance sans dynamique (pour le moment) mais également sans effet d’acquis (-0,2% après le T4 2023).
La décision récente de la Cour constitutionnelle fédérale allemande a alimenté le débat sur le frein à l’endettement, qui impose des règles strictes en termes de déficit budgétaire. Au risque de simplifier à l’extrême, la question est de savoir si la politique budgétaire doit être fondée sur une règle de fer ou sur une règle d’or. En imposant la rigueur budgétaire aux gouvernements futurs, le mécanisme du frein à l’endettement renforce la crédibilité de la politique budgétaire. Cependant, l’accent mis sur le déficit budgétaire conduit, sur la base d’hypothèses réalistes, à un repli significatif de la dette publique en pourcentage du PIB
Le ralentissement conjoncturel que connaît l’économie allemande, similaire à celui traversé par la zone euro, s’inscrit dans une stagnation plus ancienne : le dernier trimestre de croissance significative datant du T3 2022. Ce chiffre étant encore biaisé à la hausse, la période bénéficiant du rebond post-Covid. Si l’augmentation des prix de l’énergie a été suffisamment forte en 2022 pour faire ressortir les faiblesses manifestes de l’économie allemande, concentrée sur des secteurs énergivores, certaines de ces faiblesses préexistaient. Dans ce contexte, la perspective d’un retour à la croissance, qui est notre scénario pour le printemps 2024, notamment en raison du reflux de l’inflation, reste entourée de profondes incertitudes et d’un aléa baissier.
Les indicateurs de climat des affaires soulignent une situation toujours dégradée, laissant craindre un nouveau trimestre de contraction de l’activité (-0,1% t/t au T4 selon nos prévisions), après déjà 4 trimestres de stagnation ou de repli (dont -0,1% t/t au T3). En effet, les indices liés aux conditions contemporaines dans les enquêtes de l’IFO ou du ZEW restent proches des plus bas historiques, que ce soit dans l’industrie ou dans les services. Si une amélioration est attendue, elle proviendrait d’un début d’anticipation d’assouplissement monétaire par la BCE en 2024, qui reste encore incertain pour l’instant.
Les exportations allemandes de biens se sont repliées en octobre selon Destatis, une nouvelle baisse qui succède à celles observées les mois précédents. Ainsi, les exportations pénalisent la croissance allemande depuis près d’un an, notamment celles à destination de la Chine. Toutefois, au mois d’octobre, ce sont les exportations vers l’Union européenne qui sont en repli, affectées par le repli de la croissance dans la région.
L’Allemagne vient d’accumuler 4 trimestres de stagnation ou de croissance négative et les indicateurs de climat des affaires suggèrent que l’activité serait restée largement déprimée au début du 4e trimestre : les conditions contemporaines d’activité restent proches de leurs plus bas tant dans l’enquête IFO que dans l’enquête ZEW (-80 pour ce dernier en novembre). En ligne avec cet environnement déprimé, la production dans des secteurs clés (automobile, chimie et métallurgie) a de nouveau fléchi en septembre (au T3, elle est désormais près de 15% inférieure au pic atteint fin 2017 pour chacun de ces secteurs). Les exportations n’offrent pas de relais de croissance (-6% a/a au T3, chiffres en valeur de balance commerciale, source Destatis).
La France et l’Allemagne ont toutes deux détruit des emplois au 3e trimestre 2023 alors que de plus en plus d’entreprises pâtissent d’une demande en berne. Dans ce contexte, les pénuries de main d’œuvre pèsent moins sur l’activité économique, notamment en Allemagne où elles étaient plus fortes. Toutefois, ces pénuries persistent, car elles sont structurelles sur fond de taux de chômage faible. La production des secteurs bénéficiant de la demande la plus solide (actuellement l’aéronautique, singulièrement en France) peut en être pénalisée. Si ces pénuries ne sont pas résolues, elles pourraient même freiner le développement des secteurs d’avenir, notamment ceux associés à la transition écologique (électrification, rénovation).
L’inflation allemande a repris le chemin de la baisse, après une stabilisation entre mai et août (6,4% a/a en août selon l’indice harmonisé), pour atteindre 4,3% en septembre, en raison d’abord d’effets de base (l’inflation désaisonnalisée était de 2,3% m/m en septembre 2022, contre une évolution plus normale de 0,3% en septembre 2023). Nous attendons une nouvelle baisse de près de 1 point de pourcentage de l’inflation en octobre pour la même raison.
L’économie allemande est affectée par la transmission du choc inflationniste à la consommation des ménages. Cette sous-performance reflète aussi des difficultés plus structurelles qui renvoient à la problématique du « Standort Deutschland ». Ces difficultés ont débuté peu avant la mise en œuvre des premières réglementations européennes visant à adapter le secteur automobile au changement climatique. Depuis lors, le secteur manufacturier a ainsi vu sa production et ses capacités de production se réduire. Dans un contexte toujours difficile, nous prévoyons une nouvelle récession au 2nd semestre 2023.
Les exportations allemandes de biens ont augmenté de 2,6% a/a sur les sept premiers mois de l’année 2023 par rapport à la même période en 2022, mais une destination habituelle manque à l’appel : la Chine (-8%).
Alors que l’Allemagne sort à peine d’une récession, enregistrée au 4e trimestre 2022 et au 1er trimestre 2023, les enquêtes de conjoncture soulignent le risque que le pays y retombe au 2nd semestre. La détérioration relevée par l’IFO est nette (85,7 en août, de retour à son faible niveau d’octobre 2022), tant dans l’industrie que dans les services.
Les enquêtes de conjoncture se sont de nouveau détériorées, qu’il s’agisse de l’IFO (88,5 en juin contre 93,4 en avril) ou du ZEW (-14,7 en juillet contre 28,1 en février). La dynamique erratique des nouvelles commandes à destination de l’industrie, qui ont rebondi de 6,4% en mai (après un plus bas en avril 2023 depuis mai 2013), souligne l’une des contraintes à l’œuvre : l’irrégularité de l’activité dans les matériels de transport qui reste soumise à l’instabilité de ses approvisionnements.
L’Allemagne a enregistré une récession technique au 4e trimestre 2022 (-0,5% t/t) et au 1er trimestre 2023 (-0,3% t/t) sous le poids notamment d’une contraction de la consommation des ménages (-1,7% puis -1,2%). Si cette récession n’a pas eu pour principale origine le cœur industriel de l’économie allemande, ce dernier a toutefois montré des signes de faiblesse qui l’ont empêché de croître davantage. Alors que la désinflation devrait permettre un rebond de la consommation des ménages au 2e trimestre, les enquêtes de conjoncture augurent toutefois d’une nouvelle détérioration au-delà, qui expose à nouveau l’économie allemande à un risque de récession au 2nd semestre.
Alors que l’on pouvait espérer que le reflux en cours de l’inflation soutiendrait plus nettement la confiance des ménages, celle-ci, et par voie de conséquence la consommation, reste contrainte. En cause : l’impact de la remontée des taux d’intérêt sur les intentions d’achats en France comme en Allemagne.
La République fédérale d’Allemagne est une république parlementaire dirigée par un chancelier et un président. Le pays est organisé en seize Länder (ou Bundesländer). Chacun d’eux a sa propre constitution et jouit d’une large autonomie. Les plus prospères sont la Bavière et le Bade-Wurtemberg dans le sud du pays, où le PIB par habitant est supérieur d’environ 15 % à la moyenne allemande. Le dynamisme de cette région est en grande partie dû à sa spécialisation sectorielle. La production manufacturière, qui représente environ 30 % de la production totale, est concentrée dans les industries de haute technologie.
La République fédérale d’Allemagne compte 83 millions d’habitants. Il s’agit de la première économie de la zone euro. Son produit intérieur brut représente plus d’un tiers de celui de la zone. Le PIB par habitant est supérieur de 20 % à la moyenne de la zone euro, faisant de ce pays l’un des plus prospères de la région. De plus, l’Allemagne est la quatrième puissance économique mondiale, derrière les États-Unis, le Japon et la Chine et le troisième exportateur, derrière la Chine et les États-Unis.
L’industrie manufacturière joue un rôle crucial dans l’économie allemande. Elle représente près de 20% de l’emploi et près d’un quart de la valeur ajoutée totale. Cependant, du fait du rôle central de l’industrie, elle est plus exposée aux fluctuations du cycle économique que l’économie de certains de ses voisins.