Malgré la hausse conséquente des pressions inflationnistes, l’économie grecque a continué de croître à un rythme soutenu au cours du premier semestre 2022, progressant de 4,1% sur la période. Le PIB réel s’est toutefois replié au troisième trimestre (-0,5% t/t), malgré la bonne tenue de l’activité touristique et du marché du travail. En effet, le nombre de personnes sans emploi a reflué à nouveau au troisième trimestre 2022 (-29k) pour atteindre son plus bas niveau depuis décembre 2009. Près de 80% de la hausse du chômage enregistrée durant les deux crises économiques de 2008 et 2011 a été effacée. Le taux de chômage, bien que toujours très élevé, est ainsi repassé sous la barre des 12% en octobre (11,6%)
La croissance britannique s’est nettement contractée au T3, marquant l’entrée de l’économie en récession. Au regard des enquêtes de confiance auprès des ménages et des entreprises, le repli de la consommation et celui de l’investissement devraient se poursuivre dans les prochains mois. Face à une inflation persistante qui se diffuse dans les différents secteurs, la Banque d’Angleterre poursuit le resserrement de sa politique monétaire, malgré la contraction de l’économie. Le plan de soutien aux ménages et les mesures de consolidation budgétaire, annoncés simultanément par le nouveau gouvernement de Rishi Sunak, devraient faciliter la lutte contre l’inflation tout en soutenant les ménages les plus modestes.
Jusqu’ici l’économie danoise n’a cessé d’impressionner. Un puissant rebond post-Covid a propulsé le PIB bien au-delà de son niveau d’avant-crise. L’avenir semble désormais moins radieux. Si l’inflation n’avait pas encore entamé le pouvoir d’achat des ménages - grâce à de nombreuses créations d’emplois et à une sur-épargne qui a permis d’atténuer le choc -, ces amortisseurs ponctuels s’essoufflent et le revenu réel des ménages devrait diminuer au cours des prochains trimestres. Le gouvernement reste relativement impassible face à ce choc brutal et la réponse budgétaire demeure très limitée, grâce à des comptes publics excédentaires et qui devraient le rester. La dette publique convergerait vers seulement 32% du PIB à horizon 2024.
L’inflation domine l’actualité économique depuis des mois, mais avec des resserrements monétaires agressifs, cela ne devrait pas durer. Dans le même temps, les craintes de récession s’intensifient. Les banquiers centraux reconnaissent que leur action pourrait provoquer une récession technique, une grande majorité des dirigeants américains s’y attendent et le consensus montre un risque accru de récession aux États-Unis, et encore davantage dans la zone euro. La narration d’une récession devrait mener à de l’attentisme, avec un report des décisions de dépenses et d’embauche. Il devrait aussi créer des interactions négatives, qui se renforceront mutuellement, entre les données concrètes et le sentiment des agents économiques
Après une deuxième contraction de son PIB au T2, les perspectives de l’économie américaine sont pour le moins incertaines. Les pressions inflationnistes donnent des signes de détente mais le rythme de désinflation pourrait être plus lent que prévu. Si la confiance des ménages a récemment interrompu sa baisse et s’est légèrement redressée en août, les enquêtes d’activité auprès des entreprises plongent, notamment dans le secteur industriel. La Réserve fédérale a poursuivi la remontée rapide de ses taux directeurs, qui entrent désormais en territoire restrictif.
Le redressement de l’activité économique depuis la fin des confinements imposés à Shanghai au printemps a été très progressif. Il s’est renforcé en août, notamment soutenu par l’investissement public et des aides fiscales, mais il devrait de nouveau marquer le pas en septembre. Alors que les exportations commencent à souffrir de l’affaiblissement de la demande mondiale, le maintien de la stratégie zéro Covid et la grave crise du secteur immobilier continuent de peser lourdement sur la confiance, la consommation privée et l’investissement. Seuls un assouplissement de la politique sanitaire et de plus amples mesures de soutien au marché immobilier semblent pouvoir sortir l’économie chinoise de sa déprime actuelle.
Le yen a continué de plonger cet été, atteignant son plus bas niveau face au dollar en 24 ans. La Banque du Japon (BoJ) maintient inchangée sa politique de contrôle des taux d’intérêt, amplifiant ainsi le décalage avec les autres grandes banques centrales et, par conséquent, les pressions à la baisse sur la devise. Le rythme d’inflation est certes important pour le pays (3,0% a/a en juillet), mais il reste sous contrôle et à un niveau moindre qu’en 2014 et le début du programme Abenomics. Même si elles se resserrent, des marges de manœuvre demeurent donc pour la BoJ. D’autant qu’avec un niveau de PIB près de 2,5% inférieur à son niveau de l’été 2019, le Japon reste le pays du G7 où la reprise de l’activité a été la moins prononcée depuis deux ans.
La conjonction actuelle inédite des chocs - inflationniste, sanitaire, géopolitique, énergétique, climatique, monétaire - devrait avoir raison de la résistance de la zone euro et la plonger en récession à l’horizon des prochains trimestres. La détérioration des enquêtes de confiance cet été en donne des signes avant-coureurs. La récession devrait toutefois rester limitée grâce notamment au soutien budgétaire. Elle serait suivie d’une reprise modérée à la faveur de l’atténuation des chocs. Face à la poursuite de l’envolée de l’inflation, la BCE est passée à la vitesse supérieure. Elle augmenterait encore ses taux de 125 pb d’ici la fin de l’année (portant le taux de dépôt à 2%) et se donnerait ensuite le temps d’évaluer l’ampleur de la modération de la croissance et de l’inflation.
La question n’est plus désormais de savoir si l’Allemagne tombera ou non en récession, mais plutôt de savoir quand et dans quelle ampleur. La surprenante résistance de son PIB au 2e trimestre ne doit pas cacher les perspectives très dégradées d’ici la fin d’année. Entre les contraintes d’approvisionnement qui perdurent, le nouveau risque de pénuries d’énergie, l’envolée des coûts de production et une inflation élevée et généralisée qui détériore fortement le pouvoir d’achat des ménages, l’Allemagne ne devrait pas échapper à un recul de son PIB. L’ampleur de la baisse devrait néanmoins rester modérée.
La croissance française a surpris à la hausse au 2e trimestre (+0,5% t/t), soutenue par l’impact positif de la levée des restrictions liées à la Covid-19 sur le tourisme et les loisirs. Le reste de l’économie a quasi-stagné selon nos estimations (+0,1% t/t) en raison de l’accélération de l’inflation. Après un 1er trimestre négatif (-0,2% t/t, y compris « après retraitement »), cela indique une récession évitée de peu. À l’avenir néanmoins, la détérioration des enquêtes de conjoncture, l’impact du prix de l’énergie sur les entreprises, la sécheresse et la baisse de la production d’électricité renforcent le risque récessif.
Au cours du premier semestre 2022, l’économie italienne a progressivement gagné en vigueur. Au deuxième trimestre 2022, le PIB réel était 1,1% plus élevé qu’au quatrième trimestre 2019. L’acquis de croissance pour 2022 est de 3,5%. La reprise qui en a résulté s’est généralisée. Le secteur de la construction a poursuivi sa croissance, enregistrant une forte augmentation par rapport au niveau d’avant-crise; l’industrie manufacturière et les services ont également progressé, portés par la reprise du tourisme. Les perspectives globales sont devenues plus incertaines. Les ménages et les entreprises se montrent extrêmement prudents. Entre mai et juillet 2022, la production industrielle a reculé de plus de 1,5% par rapport au trimestre précédent
L’hiver s’annonce difficile. Bien que son l’Espagne soit structurellement moins vulnérable aux ruptures énergétiques, le choc inflationniste est violent et il ne fléchit pas, avec une inflation à plus de 10% en août. La mesure « hors énergie » progresse sans relâche. Malgré l’action du gouvernement, la baisse du pouvoir d’achat des ménages espagnols sera parmi les plus importantes de la zone euro. Si le tourisme a certainement permis à l’activité de résister au troisième trimestre, nous nous attendons à une contraction au quatrième trimestre 2022, qui se prolongerait au cours de l’hiver. Les créations d’emplois ont été solides cet été, mais les enquêtes d’opinion anticipent, elles aussi, un fléchissement.
Le PIB belge a progressé de 0,2 % au deuxième trimestre 2022. La consommation privée a poursuivi sa trajectoire à la hausse au cours du premier semestre, mais devrait ralentir puisque l’inflation reste à son plus haut niveau historique. L'augmentation des coûts de la main-d'œuvre et de l'énergie pèse sur les entreprises, et les dépenses d'investissement sont à nouveau inférieures aux niveaux d’avant la pandémie. Une récession semble inévitable dès la fin de cette année. Une politique budgétaire active devrait l’atténuer, mais le coût pour les finances publiques sera considérable.
Avec un risque de pénuries énergétiques relativement contenu, le Portugal enregistrerait cette année une croissance économique parmi les plus importantes de la zone euro. Plusieurs facteurs favorables sont à l’œuvre. L’acquis de croissance par rapport à 2021 est important, et le PIB réel a connu une forte hausse au T1 (+2,4% t/t) avant de se stabiliser au T2. Le rebond du tourisme a, par ailleurs, soutenu l’activité cet été. Malgré les mesures d’aides aux ménages et aux entreprises, estimées par le gouvernement à EUR 4 mds jusqu’ici en 2022, le solde budgétaire primaire devrait enregistrer un léger excédent cette année
La Finlande, à l’instar des autres pays nordiques, s’est montrée particulièrement résistante jusqu’ici aux chocs actuels, mais le ciel s’assombrit sur le « pays du soleil de minuit ». Après cinq trimestres consécutifs de croissance, portée par une demande intérieure robuste, l’activité devrait fortement ralentir au second semestre 2022 sous l’effet des tensions géopolitiques persistantes, du resserrement des conditions financières et des hausses de prix. Celles-ci pèsent sur les marges des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages. En parallèle d’une conjoncture de moins en moins clémente, la Finlande peut cependant se réjouir de ses efforts structurels, et en particulier du succès de sa politique du logement
La croissance britannique s’est légèrement contractée au T2 mais l’économie ne devrait pas entrer en récession avant le T4. D’une part, le marché du travail continue d’opérer au plein-emploi, ce qui permet d’amortir en partie le choc d’inflation sur le pouvoir d’achat. D’autre part, le nouveau plan gouvernemental de soutien aux ménages et aux entreprises devrait atténuer la hausse des prix de l’énergie à venir. Face à une inflation persistante, la Banque d’Angleterre (BoE) accélère encore sa normalisation monétaire, au risque de précipiter la contraction de l’économie.
Après huit années passées dans l’opposition, les conservateurs ont repris les rênes du pouvoir en Suède dans un contexte peu favorable. Si l’activité économique a bien résisté jusqu’ici, elle montre des signes nets de ralentissement. Face à une inflation de plus en plus prégnante, la population demande davantage de soutien de la part des pouvoirs publics. Par ailleurs, le gouvernement devra rapidement se positionner à propos du processus d’adhésion à l’OTAN, avant de prendre la présidence de l’Union européenne le 1er janvier 2023. Toute la difficulté sera de parvenir à former un gouvernement de coalition allant des Libéraux (centre-droit) aux Démocrates de Suède (extrême droite).
Le pays helvétique se démarque des autres pays européens par des pressions inflationnistes nettement moindres. La Suisse est protégée par sa monnaie forte mais aussi par une activité résiliente qui devrait continuer de croître sur la fin 2022 et en 2023. Si la Banque Nationale Suisse (BNS) devrait arguer des 3,5% d’inflation en août sur un an pour réhausser son taux directeur de 75 points de base le 22 septembre, et ainsi sortir de sa politique de taux négatifs. Il est peu probable que ce resserrement monétaire s’inscrive dans la durée car l’inflation montre déjà des signes de ralentissement.
Aux États-Unis comme dans la zone euro, le niveau d’activité est très élevé mais la croissance a déjà nettement marqué le pas. Elle devrait rester faible en glissement trimestriel jusqu’à la fin de l’année. Les doutes sur les perspectives conjoncturelles se renforcent en raison de la conjonction d’une inflation élevée, de l’incertitude géopolitique et du resserrement des politiques monétaires. D’après les enquêtes, les prix des intrants et les délais de livraison se replient mais demeurent à des niveaux élevés. La croissance des salaires reste forte aux États-Unis et elle se redresse dans la zone euro, laissant craindre une baisse de l’inflation plus lente que prévu.
Le rebond inattendu de l’inflation en mai a contraint la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) à accélérer la normalisation de sa politique monétaire. Mi-juin, le Comité fédéral d’open-market (FOMC) a décidé d’une hausse de 75 points de base (pb) de son principal taux directeur, tandis que la Fed démarre en parallèle son programme de réduction de bilan (QT, quantitative tightening). Pour l’heure, l’économie américaine tient bon, portée par des fondamentaux robustes comme l’emploi. Toutefois, l’activité ralentit face au durcissement des conditions de crédit et à la détérioration des perspectives économiques mondiales. L’atterrissage à venir de l’économie américaine se fera sous tension.
L’activité s’est contractée en avril et mai 2022 en raison de sévères restrictions à la mobilité imposées dans des régions industrielles comme Shanghai. Depuis fin mai, ces restrictions sont progressivement levées, et l’activité a commencé à rebondir. Cependant, les risques baissiers restent élevés, et les autorités continuent d’assouplir les politiques budgétaire et monétaire. Alors que la demande de crédit ne se redresse que légèrement malgré la baisse des taux d’intérêt, l’environnement international et les risques de sorties de capitaux pourraient limiter la marge de manœuvre de la banque centrale.
Depuis le début de l’année 2022, le Japon fait face à une remontée de l’inflation, certes modérée, mais inédite depuis 2014, tandis que sa croissance a reculé au T1. Le yen s’est déprécié significativement en raison de la politique très accommodante de la Banque du Japon (BoJ), en décalage avec les autres grandes banques centrales qui ont entamé leur resserrement monétaire. En juin 2022, son gouverneur, Haruhiko Kuroda, jugeait encore la poursuite de la politique de contrôle des taux « nécessaire » pour rehausser l’inflation sous-jacente à un niveau « stable et durable ». Or, la déprécation de la devise accentue l’inflation importée et détériore davantage le pouvoir d’achat des ménages
Jusqu’ici relativement résistante aux chocs, la croissance de la zone euro devrait plus nettement ralentir dans les prochains mois. Une récession n’est pas à exclure mais ce n’est pas notre scénario central, la croissance disposant aussi de relais importants (rattrapage post-Covid-19, surplus d’épargne, besoins d’investissement, soutiens budgétaires). Notre scénario a certaines apparences de la stagflation mais s’en écarte par une hausse du taux de chômage qui resterait contenue. La BCE s’apprête à amorcer la remontée de ses taux directeurs pour contrer le choc inflationniste. Nous tablons sur une hausse cumulée de 250 points de base du taux de dépôt, ce qui le porterait à 2% à l’automne 2023.
L’Allemagne fait partie des pays de la zone euro les plus touchés par le conflit russo-ukrainien, ce qui se traduit par de faibles perspectives de croissance et une inflation élevée. Le PIB allemand progresserait d’à peine +1,3% en 2022, contre +2,5% pour la zone euro. En moyenne annuelle, le PIB resterait inférieur de 0,9% à son niveau de fin 2019. En parallèle, l’inflation atteindrait +8,1% en 2022, sous le poids des prix de l’énergie. Entre la hausse du salaire minimum promise par le gouvernement et les revalorisations attendues dans de nombreuses branches, la croissance des salaires devrait fortement accélérer en 2022, mais serait insuffisante pour compenser le choc inflationniste.
L’économie française est prise en étau entre trois évolutions aux effets divergents : un choc inflationniste qui pèse sur la consommation des ménages, un choc d’offre négatif (contraintes d’approvisionnement dans l’industrie) et la levée des restrictions sanitaires (qui bénéficie à la croissance à partir du 2e trimestre, après avoir pesé au 1er). Les mesures gouvernementales, qui ont limité l’inflation, n’ont pas empêché une croissance négative au 1er trimestre. Toutefois, l’impact positif de la levée des restrictions sanitaires et un rebond du pouvoir d’achat devraient permettre le retour à une croissance positive au 3e trimestre (+0,3% t/t).
EcoPerspectives est la revue trimestrielle consacrée aux économies avancées (pays membres de l’Organisation de développement et de coopération économiques) et à la Chine.
Cette publication permet de brosser le tableau d’une économie avancée au regard de ses indicateurs trimestriels et de se tourner vers l’avenir pour mieux comprendre et anticiper les principales problématiques économiques du pays étudié.
Pour EcoPerspectives, les économistes de l’équipe en charge des économies avancées réalisent un suivi régulier des principaux indicateurs conjoncturels d’une sélection de pays. Nos experts s’appuient notamment sur les prévisions trimestrielles réalisées par BNP Paribas (croissance, inflation, taux de change, taux d’intérêt, prix du pétrole). Chaque économiste analyse la conjoncture économique d’un ou plusieurs pays, au regard des indicateurs disponibles afin d’en suivre l’évolution, notamment l’indice de la production industrielle, le produit intérieur brut (PIB) trimestriel et les prévisions d’inflation, l’indice des prix à la consommation (IPC) et ceux des prix à la production (IPP), ou encore les chiffres de l’emploi et du chômage. L’évolution de l’opinion des différents acteurs est également suivie et analysée (confiance des ménages, climat des affaires). L’auteur commente les principaux facteurs qui orientent et déterminent l’activité économique du pays étudié et les perspectives conjoncturelles du trimestre à venir.