Conjoncture // Décembre 2019
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concentration des polluants atmosphériques et aggrave les dommages atteignent au moins la catégorie E sur l’échelle de performance
environnementaux ainsi que les risques pour la santé. De plus, ces îlots énergétique à l’horizon 2028. Alors que le patrimoine bâti constitue un
de chaleur urbains nourrissent des cercles vicieux : plus la température levier-clé pour la transition écologique, le délai accordé pour
grimpe, plus il y a de climatiseurs en circulation et plus la entreprendre les travaux ainsi que les sanctions envisagées en cas de
consommation d’énergie augmente dans les villes. L’inefficacité en non-respect de cette obligation semblent peu contraignants au regard
termes d’énergie, de bâtiments et de transports constitue autant de des gains potentiels. Ces ambitions témoignent néanmoins du rôle de
domaines d’action pour rendre le développement urbain plus durable. plus en plus central que joue la performance énergétique des bâtiments
Des décisions spécifiques en matière d’aménagement urbain peuvent dans la lutte contre le changement climatique. Le patrimoine bâti des
également être prises pour promouvoir des formes d’urbanisation moins zones urbaines est disproportionné par rapport à celui des zones
polluantes. Les villes ont les outils et les capacités nécessaires pour périurbaines et rurales, et les logements individuels ont tendance à être
devenir le fer de lance de la lutte contre le changement climatique.
plus polluants que les bâtiments résidentiels. De plus, une étude de
Maury et Gilbert (2015) a révélé l’existence de fortes inégalités
1
territoriales en termes de précarité énergétique et de vulnérabilité
2
énergétique , qui touchent 22 % de la population française. Plus les
Les villes disposent d’une plus grande marge de manœuvre pour
devenir des pôles écologiques et jouer un rôle déterminant dans la
transition environnementale. En tant qu’importants pollueurs, une légère
diminution de leurs niveaux d’émission aurait des effets importants sur
l’équilibre environnemental global d’un pays. Les villes consomment
territoires sont éloignés des pôles urbains, plus le risque de vulnérabilité
énergétique augmente, atteignant un maximum de 9,5 % dans les
zones rurales à l’écart de toute influence urbaine, soit 3,5 fois plus que
la moyenne nationale (Davezies et Rech, 2014). Pour que les
logements soient durables, ils doivent être construits là où le préjudice
écologique sera le plus faible. En permettant la construction de
logements plus économes, les villes ont le potentiel pour devenir des
acteurs-clés d’un mode de vie plus écologique.
8
0 % de la production mondiale d’énergie (Banque mondiale, 2010).
Aussi l’adoption de politiques en faveur d’une utilisation plus efficace de
l’énergie constitue-t-elle un levier majeur pour rendre les villes plus
durables. Les immeubles commerciaux et résidentiels, les réseaux de
transport, le traitement des déchets ainsi que l’éclairage public figurent
parmi les sources de consommation d’énergie les plus voraces en zone
urbaine. Or, pour y remédier, les villes disposent d’économies d’échelle.
Le doublement de la population d’une ville lambda implique un
accroissement d’environ 85 % des infrastructures physiques (câbles
électriques, canalisations, réseau routier…) selon une étude de
Bettencourt et al., réalisée en 2007. Pour s’agrandir et se développer,
les villes peuvent donc recourir à des stocks d’infrastructures d’une
taille proportionnellement plus limitée et à une moindre consommation
d’énergie. L’exploitation de ces économies d’échelle passe par des
politiques et des efforts spécifiques en matière d’aménagement urbain.
Les transports constituent également une infrastructure-clé dans la
marche vers la transition écologique des villes. Compte tenu du large
éventail d’options dont elles disposent par rapport aux zones
périurbaines et rurales, les villes possèdent une marge de manœuvre
bien plus grande pour promouvoir une mobilité durable. Les véhicules
personnels consomment deux fois plus d’énergie par passager et par
kilomètre que le train et près de quatre fois plus que l’autocar
(
Steemers, 2003). Une politique d’incitations en faveur des transports
en commun et aux dépens des véhicules particuliers peut avoir
d’importantes conséquences sur la consommation totale d’énergie et
sur les émissions. Les villes sont en mesure de rendre les réseaux de
transport plus efficaces en termes de connectivité, de vitesse et de
coûts, et d’inciter leurs habitants à préférer les déplacements partagés
plutôt que privés. À défaut d’un tel système de transports publics
performant, l’accroissement de la population et de la taille des villes ne
fera qu’aggraver les problèmes de circulation et de pollution. C’est l’un
des principaux défis liés à l’étalement urbain. En 2018, les Franciliens
étaient 0,4 million à se rendre à leur travail en voiture dans Paris intra-
muros, 3,3 millions dans la petite couronne et 8,5 millions dans la
grande couronne (OMNIL, 2019). S’agissant de la métropole Aix-
Marseille, environ 77 % de la population vivant dans les zones
périurbaines de la cité phocéenne n’ont pas accès aux transports en
commun, 14 % ont un accès limité au réseau de transport et 2 %
seulement ont un accès élevé (Poelman et Dijkstra, 2014). Il y a
manifestement urgence à rendre les transports en commun plus
Concernant les bâtiments, il existe plusieurs façons de les rendre plus
respectueux de l’environnement. La promotion de formes moins
massives et plus propices à une ventilation naturelle et à la pénétration
de la lumière du jour peuvent permettre de réduire sensiblement
l’utilisation de la climatisation et de l’éclairage artificiel. L’optimisation
des ratios de surfaces vitrées peut aussi avoir des conséquences sur la
réduction au minimum de la demande d’énergie. Des études montrent
que dans des régions à climat tempéré, la surface vitrée rapportée à
celle des murs doit être d’environ 20 %, alors que dans des climats plus
chauds, il est recommandé de ramener ce ratio à 10 % (Alwetaishi,
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017). Ces ratios sont assez bas, car de grandes baies vitrées
provoquent des gaspillages d’énergie et un surcroît de chaleur dû à
l’exposition aux rayons du soleil.
La rénovation des bâtiments est une priorité pour n’importe quelle ville
écoresponsable. En France, l’un des objectifs du gouvernement est que
ses 35 millions de logements obtiennent le label « Bâtiment Basse
Consommation ». Avec 7,5 millions d’habitations aujourd’hui classées F
ou G (soit les plus énergivores sur l’échelle de performance
énergétique), il reste beaucoup à faire pour que le stock de bâtiments
de l’Hexagone soit durable. La Loi du 8 novembre 2019 relative à
l’énergie et au climat a introduit l’obligation pour les ménages
d’effectuer des travaux d’amélioration pour que tous les logements
1
Loi du 12 juillet 2010. Précarité énergétique : « Est en situation de précarité
énergétique (…) une personne qui éprouve dans son logement des difficultés
particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de
ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de
ses conditions d’habitat. »
2
Ducharne et Van Lu, 2019. Vulnérabilité énergétique : «ꢀEst en situation de
vulnérabilité énergétique un ménage qui consacre au moins 8,2 % de son
revenu disponible aux dépenses d’énergie pour son logement, ce qui
correspond au double du taux d’effort énergétique national médianꢀ»