Dans le cadre de sa première recommandation, la Banque du Portugal invite les banques à limiter le montant des nouveaux prêts à 90% de la valeur du bien immobilier acheté ou construit, lorsqu’il s’agit d’une résidence principale (limite au ratio loan-to-value – LTV). Entre juillet 2018 et mars 2019[11], la proportion des nouveaux prêts immobiliers dont le ratio LTV est supérieur à 90% est devenue quasiment nulle alors qu’elle atteignait environ 20% précédemment. Ainsi la part, dans le total des nouveaux prêts immobiliers, de ceux dont le ratio LTV est compris entre 80% et 90% a plus que doublé pour atteindre environ 45%. En revanche, la part des nouveaux prêts dont le ratio est inférieur à 80% s’est réduite de plus de 10 points de pourcentage au cours de la même période. Un processus de convergence vers un ratio LTV moyen compris entre 80 et 90% semble ainsi être à l’œuvre.
La deuxième recommandation de la Banque du Portugal est la limitation du montant des mensualités à 50% du revenu mensuel[12] de l’emprunteur (limite au ratio debt service-to-income – DSTI). Ce ratio doit tenir compte de l’ensemble des prêts déjà contractés par l’emprunteur et d’une potentielle remontée des taux d’intérêt en lien avec la prépondérance des prêts immobiliers à taux variable. La proportion des nouveaux prêts immobiliers dont le ratio DSTI est inférieur à 50% atteignait ainsi 89% en mars 2019 contre 77% en juillet 2018. Le niveau d’agrégation des données ne permet toutefois pas de connaître plus précisément la distribution des nouveaux prêts immobiliers dont le ratio DSTI est inférieur à 50%.
Troisièmement, la Banque du Portugal appelle les banques à limiter la maturité initiale des nouveaux prêts immobiliers à 40 ans. L’objectif des auteurs de ces recommandations est de ramener, fin 2022, la maturité moyenne des nouveaux prêts immobiliers à 30 ans. A titre de comparaison, la maturité initiale médiane des prêts immobiliers en France, en septembre 2019, était de 20,4 années. Au premier trimestre 2019, la maturité initiale s’établissait au Portugal à 32,7 années contre 33,7 années au premier trimestre 2018[13]. Si la recommandation semble porter ses fruits, l’encours des prêts immobiliers dont la maturité initiale est supérieure à 30 années a été le seul à progresser au deuxième trimestre 2019 (+3,5%) tandis que celui des prêts dont la maturité est inférieure à 30 années s’est replié nettement (-10,3%). Ces deux évolutions, apparus en septembre 2017, se sont intensifiées. La maturité initiale des nouveaux prêts immobiliers aux ménages a donc convergé vers 30 années à la fois du fait d’un raccourcissement des maturités supérieures, mais également d’un allongement des maturités inférieures à 30 années.
Quatrièmement, la Banque du Portugal recommande aux banques d’éviter, dans la mesure du possible, d’accorder aux emprunteurs des reports d’échéances sur le principal et les intérêts. Pourtant, le report permet aux banques d’offrir une certaine souplesse aux emprunteurs qui traversent des difficultés passagères et permet d’éviter, dans la mesure du possible, un « évènement de crédit » et une hausse du coût du risque. A notre connaissance, aucune donnée ne permet d’évaluer l’effet de cette recommandation.
Les charges d’intérêts ont diminué à la faveur d’une baisse du coût des ressources et d’une modification de la structure du passif
La baisse des charges d’intérêts des grandes banques portugaises résulte de la diminution du coût de l’ensemble des ressources bancaires et la déformation des passifs bancaires en faveur de ressources moins coûteuses.
Le coût des ressources bancaires a poursuivi son recul
En 2018, les intérêts versés par les banques portugaises au titre de leur refinancement auprès des banques centrales, rapporté à l’encours (le taux d’intérêt implicite), ont atteint un niveau historiquement bas, à
-0,2%. Ce taux est négatif pour la première fois depuis 2014, date de la première observation disponible pour cette série de données. Cette ressource bancaire est principalement constituée de liquidités issues du second programme d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (Targeted longer-term refinancing operations – TLTRO), ce qui explique notamment le caractère négatif du taux moyen de refinancement. Le coût des obligations émises par les banques s’est également réduit de 4,3% en 2014 à 2,4% en 2018.
Enfin, le taux de rémunération des dépôts de la clientèle s’établissait en 2018 à 0,4% contre 1,5% en 2014. Ce taux est rigide à la baisse car les banques sont réticentes à répercuter des taux nuls, voire négatifs, sur leurs clients particuliers[14] pour des raisons commerciales mais aussi parce que cette clientèle peut aisément convertir une partie de ses dépôts en monnaie fiduciaire. En outre, l’application de taux négatifs aux dépôts est réglementairement interdite au Portugal tant pour les ménages que pour les sociétés non financières[15]. La persistance de taux bas limite donc l’efficacité de la politique monétaire.
Par ailleurs, en période de taux négatifs, un ratio de crédits sur dépôts (Loan-to-deposit ratio) élevé tend à devenir pénalisant alors qu’il s’agissait plutôt d’un atout lorsque les taux étaient plus positifs. Les banques portugaises ont ainsi réduit leur ratio de crédits sur dépôts de 42% en 10 ans avec une importante diminution de la dispersion des ratios entre banques, comme le souligne la Banque du Portugal[16].
Les dépôts des clients constituent plus des deux tiers du passif des banques portugaises
Les dépôts des ménages et des SNF constituent une part croissante du passif total des banques portugaises : 67% en décembre 2018 contre 46% en décembre 2008. La croissance ininterrompue de cette proportion depuis 2009 s’explique par la hausse de l’encours des dépôts clients (+17% entre 2010 et 2018) tandis que les encours des autres ressources bancaires se repliaient. Du fait de la baisse de leur coût d’opportunité, les dépôts à terme ont été largement remplacés par des dépôts à vue, selon les derniers chiffres de la Banque du Portugal[17]. Cet arbitrage des déposants contribue à expliquer la baisse du taux d’intérêt implicite des dépôts clients au-delà de la baisse des taux du marché monétaire.
Après un pic à plus de 11% en 2012, la part du refinancement en provenance des banques centrales a progressivement reflué jusqu’à n’atteindre plus que 5,3% du passif des banques portugaises en 2018. Au total, l’encours des liquidités obtenues par le système bancaire portugais dans le cadre des programmes de LTRO était d’environ EUR 18 milliards en octobre 2019. En conséquence, le recours des banques portugaises au TLTRO III dans le seul but de remplacer les lignes obtenues dans le cadre du TLTRO II (mené entre juin 2016 et mars 2017), qui arrivent à maturité en juin, septembre et décembre 2020, puis mars 2021, devrait rester limité.
Par ailleurs, les programmes de TLTRO ont permis, notamment, aux grandes banques portugaises d’améliorer leur ratio de liquidité à court terme (Liquidity coverage ratio – LCR). Elles ont ainsi pu augmenter leurs réserves auprès de la banque centrale qui sont éligibles au titre d’actifs liquides de haute qualité (High Quality Liquid Assets – HQLA), le numérateur du LCR, avec certains titres de dette souveraine. La modification de la structure des passifs bancaires a ainsi permis de réduire le coût d’opportunité lié à la détention de HQLA. Au sein de l’Union européenne, le système bancaire portugais compte parmi ceux présentant, en moyenne, les ratios réglementaires de liquidité à court terme les plus élevés. Après une croissance de 84 points de base depuis le quatrième trimestre 2016, son LCR moyen culminait à 227% au premier trimestre 2019 contre 153% pour le système bancaire de l’ensemble de l’UE.
La marge nette d’intérêt s’est élargie
L’élargissement de la marge nette d’intérêt des plus grandes banques portugaises procède d’une baisse de leurs charges d’intérêts plus rapide que celle de leurs produits d’intérêts. En outre, la volatilité des revenus tirés des activités de marché et la faiblesse relative des commissions nettes ne permettent pas d’envisager ces dernières comme un relais de croissance aux produits nets d’intérêts, du moins à court terme.