Aux États-Unis comme dans la zone euro, le niveau d’activité est très élevé mais la croissance a déjà nettement marqué le pas. Elle devrait rester faible en glissement trimestriel jusqu’à la fin de l’année. Les doutes sur les perspectives conjoncturelles se renforcent en raison de la conjonction d’une inflation élevée, de l’incertitude géopolitique et du resserrement des politiques monétaires. D’après les enquêtes, les prix des intrants et les délais de livraison se replient mais demeurent à des niveaux élevés. La croissance des salaires reste forte aux États-Unis et elle se redresse dans la zone euro, laissant craindre une baisse de l’inflation plus lente que prévu.
Le rebond inattendu de l’inflation en mai a contraint la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) à accélérer la normalisation de sa politique monétaire. Mi-juin, le Comité fédéral d’open-market (FOMC) a décidé d’une hausse de 75 points de base (pb) de son principal taux directeur, tandis que la Fed démarre en parallèle son programme de réduction de bilan (QT, quantitative tightening). Pour l’heure, l’économie américaine tient bon, portée par des fondamentaux robustes comme l’emploi. Toutefois, l’activité ralentit face au durcissement des conditions de crédit et à la détérioration des perspectives économiques mondiales. L’atterrissage à venir de l’économie américaine se fera sous tension.
L’activité s’est contractée en avril et mai 2022 en raison de sévères restrictions à la mobilité imposées dans des régions industrielles comme Shanghai. Depuis fin mai, ces restrictions sont progressivement levées, et l’activité a commencé à rebondir. Cependant, les risques baissiers restent élevés, et les autorités continuent d’assouplir les politiques budgétaire et monétaire. Alors que la demande de crédit ne se redresse que légèrement malgré la baisse des taux d’intérêt, l’environnement international et les risques de sorties de capitaux pourraient limiter la marge de manœuvre de la banque centrale.
Depuis le début de l’année 2022, le Japon fait face à une remontée de l’inflation, certes modérée, mais inédite depuis 2014, tandis que sa croissance a reculé au T1. Le yen s’est déprécié significativement en raison de la politique très accommodante de la Banque du Japon (BoJ), en décalage avec les autres grandes banques centrales qui ont entamé leur resserrement monétaire. En juin 2022, son gouverneur, Haruhiko Kuroda, jugeait encore la poursuite de la politique de contrôle des taux « nécessaire » pour rehausser l’inflation sous-jacente à un niveau « stable et durable ». Or, la déprécation de la devise accentue l’inflation importée et détériore davantage le pouvoir d’achat des ménages
Jusqu’ici relativement résistante aux chocs, la croissance de la zone euro devrait plus nettement ralentir dans les prochains mois. Une récession n’est pas à exclure mais ce n’est pas notre scénario central, la croissance disposant aussi de relais importants (rattrapage post-Covid-19, surplus d’épargne, besoins d’investissement, soutiens budgétaires). Notre scénario a certaines apparences de la stagflation mais s’en écarte par une hausse du taux de chômage qui resterait contenue. La BCE s’apprête à amorcer la remontée de ses taux directeurs pour contrer le choc inflationniste. Nous tablons sur une hausse cumulée de 250 points de base du taux de dépôt, ce qui le porterait à 2% à l’automne 2023.
L’Allemagne fait partie des pays de la zone euro les plus touchés par le conflit russo-ukrainien, ce qui se traduit par de faibles perspectives de croissance et une inflation élevée. Le PIB allemand progresserait d’à peine +1,3% en 2022, contre +2,5% pour la zone euro. En moyenne annuelle, le PIB resterait inférieur de 0,9% à son niveau de fin 2019. En parallèle, l’inflation atteindrait +8,1% en 2022, sous le poids des prix de l’énergie. Entre la hausse du salaire minimum promise par le gouvernement et les revalorisations attendues dans de nombreuses branches, la croissance des salaires devrait fortement accélérer en 2022, mais serait insuffisante pour compenser le choc inflationniste.
L’économie française est prise en étau entre trois évolutions aux effets divergents : un choc inflationniste qui pèse sur la consommation des ménages, un choc d’offre négatif (contraintes d’approvisionnement dans l’industrie) et la levée des restrictions sanitaires (qui bénéficie à la croissance à partir du 2e trimestre, après avoir pesé au 1er). Les mesures gouvernementales, qui ont limité l’inflation, n’ont pas empêché une croissance négative au 1er trimestre. Toutefois, l’impact positif de la levée des restrictions sanitaires et un rebond du pouvoir d’achat devraient permettre le retour à une croissance positive au 3e trimestre (+0,3% t/t).
À la différence des précédentes récessions, l’économie italienne a déjà rattrapé le terrain perdu en 2020. L’acquis de croissance pour 2022 s’élève à 2,6 % après que le PIB ait progressé de 0,1% au T1 2022. En glissement annuel, la croissance a dépassé les 6 %. La valeur ajoutée du secteur de la construction a continué de croître, l'activité manufacturière a reculé et l’activité dans les services a continué de stagner. La reprise économique est principalement tirée par la vigueur de l'investissement. La consommation privée a décliné, les ménages italiens demeurant extrêmement prudents. Les importations ont connu une forte hausse, ce qui a ramené le solde courant en territoire négatif. En 2021, la reprise économique a été moins soutenue dans les régions du Sud du pays.
Après un rebond d’activité en 2021 plus faible que ses voisins européens, l’Espagne devrait connaitre un taux de croissance soutenu en 2022, supérieur à 4%. Malgré les contrecoups de la guerre en Ukraine sur l’inflation et le pouvoir d’achat, le marché du travail garde le cap avec 186 000 emplois supplémentaires créés au cours des cinq premiers mois de l’année. Cette dynamique devrait se prolonger cet été avec la reprise plus marquée de l’activité touristique, même si les perturbations actuelles qui affectent les compagnies aériennes en Europe pourraient ternir ces perspectives. Par ailleurs, le pic de l’inflation pourrait intervenir tardivement cette année, la hausse des prix dans l’alimentation et les équipements ménagers gagnant actuellement en vigueur.
Avec un mix énergétique composé à près de 90% d’énergies fossiles, les Pays-Bas sont touchés de plein fouet par la forte hausse des prix du gaz et du pétrole depuis le début du conflit russo-ukrainien. Cela se traduit par un taux d’inflation parmi les plus élevés d’Europe. Malgré cela, la consommation des ménages résiste et les entreprises sont une majorité à penser que l’activité restera vigoureuse dans les mois à venir. La bonne tenue de l’activité permet au gouvernement de cantonner son soutien à une série de mesures limitées afin de poursuivre le désendettement des administrations publiques. Par ailleurs, le pays doit faire face à un autre type d’inflation, aussi inquiétante, celle de l’immobilier, le nombre trop faible de logements ne répondant pas aux besoins
Le PIB belge a progressé de 0,5% au premier trimestre 2022, tandis que l’inflation continue de battre des records. La confiance des ménages a été mise à mal au début de l’invasion russe en Ukraine, ce qui pourrait plomber la croissance du PIB belge. L’indexation des salaires devrait atténuer l’impact de l’inflation sur la consommation du secteur privé au détriment de la compétitivité des entreprises belges. Dans un environnement de hausse des taux, l’assainissement budgétaire demeure essentiel.
À plus de 10% au printemps, l’inflation constituera le principal frein à l’activité en Grèce en 2022. L’économie a néanmoins bien résisté jusqu’à présent. Le taux de chômage est au plus bas depuis 2010 et le rebond du PIB est soutenu depuis la fin du confinement de 2020. Une période récessive est peu probable cette année. Le tourisme devrait notamment bénéficier d’une saison estivale solide. Par ailleurs, la Grèce sortira officiellement le 20 août 2022 du programme de surveillance de la Commission européenne, démarré en juin 2018. Le pays a aussi procédé, en mai dernier, au dernier remboursement des créances contractées auprès du FMI durant la crise de 2011 (EUR 1,9 md)
L’inflation se poursuit, portée par les singularités de l’économie britannique. D’un côté, le marché du travail opère au plein emploi, ce qui favorise les hausses de salaires ; de l’autre, l’économie britannique, très exposée aux répercussions de l’invasion de l’Ukraine, subit une forte pression sur les prix de l’énergie. Malgré une remontée de son taux directeur précoce, alimentée ensuite par plusieurs hausses successives, la Banque d’Angleterre peine à enrayer la dynamique des prix. Le gouvernement n’a d’autre solution que de soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Déjà à l’œuvre, le ralentissement de l’économie risque de s’aggraver.
Le Danemark se singularise par une reprise économique bien plus forte que dans les autres pays européens. L’économie danoise a ainsi retrouvé très vite son niveau d’avant-crise, et même dépassé sa trajectoire de croissance pré-pandémie. L’industrie est en pleine expansion grâce à son positionnement sur des segments de marché à haute valeur ajoutée. Pour autant, cette dynamique est menacée à court terme par les pressions inflationnistes dans un contexte de tensions sur le marché du travail. La Banque centrale n’a pas encore enclenché de mouvement en direction d’une normalisation de sa politique monétaire, mais elle prévoit un resserrement graduel et progressif à venir des conditions monétaires.
Après avoir été pénalisée par le variant Omicron, l’activité économique est repartie à la hausse dès le mois de février et devrait continuer de progresser, permettant à la croissance d’atteindre 4% en 2022. À son corps défendant, la Norvège est la grande gagnante de la guerre en Ukraine grâce à la hausse substantielle de ses rentes pétro-gazières qui devraient atteindre NOK 1 500 mds en 2022 (environ EUR 143 mds). Malgré une inflation plus modérée que dans les autres pays européens, la Banque centrale norvégienne s’est dite déterminée à resserrer autant que nécessaire les conditions monétaires pour casser la dynamique inflationniste. Pour ramener l’inflation à sa cible, la NorgesBank prévoit de relever, progressivement, son taux de dépôt jusqu’à 2,5% d’ici la fin 2023.