En un an, l’importance relative de cette composante a plus que doublé quand celle de l’énergie a baissé de 10 points. Autre indicateur de diffusion : le pourcentage de composantes de l’IPCH et de l’indice sous-jacent, dont le glissement annuel est supérieur à 2%, est de l’ordre de 70% en mai, comme en avril. Les mesures alternatives de l’inflation sous-jacente (supercore, médiane, moyenne tronquée), qui s’échelonnent de 4% à 7% a/a, montrent également l’étendue du problème. Sans surprise, les anticipations d’inflation sont aussi tirées à la hausse, modérément pour le moment.
Toutes les nouvelles économiques ne sont pas mauvaises. La détérioration du climat des affaires dans l’industrie, les services et la construction est demeurée limitée jusqu’en mai, dernier point disponible. Les indices restent à un niveau élevé, compatible avec une croissance nettement positive. Le climat des affaires dans le commerce de détail et la confiance des consommateurs, plus exposés au choc inflationniste, ont accusé, en mars et avril, une baisse marquée mais qui ne s’est pas accentuée en mai. Les signaux du côté du marché du travail restent rassurants, tant du point de vue du taux de chômage (bas et stable), des difficultés de recrutement (toujours importantes), du jugement (élevé) des entreprises sur l’emploi ou des craintes (faibles) des ménages sur le chômage. Par ailleurs, la croissance dispose de relais importants : rattrapage post-Covid-19, surplus d’épargne, besoins d’investissement et soutiens budgétaires.
Une baisse de régime plus nette est toutefois attendue dans les prochains mois. Après +0,6% t/t au T1 2022 (un chiffre « gonflé » par la contribution de 0,4 point du bond de près de 11% t/t du PIB irlandais), le PIB de la zone euro reculerait de -0,2% t/t au T2, et serait suivi d’une croissance à peine positive au T3 (+0,1% t/t). Viendrait ensuite un rebond plus net au T4 (+0,5% t/t), permis par les facteurs de soutien et la diminution attendue du choc inflationniste et des tensions sur l’offre, qui se prolongerait en 2023. En 2022, la croissance s’élèverait à 2,5% en moyenne annuelle, un chiffre élevé en apparence (grâce à l’acquis de croissance de 2,5% du T1 2022) mais faible en réalité (au regard du glissement annuel de 1% au T4 2022).
Les prévisions actuelles en moyenne annuelle (les nôtres et celles des autres organismes internationaux) ont aussi pour particularité d’avoir les apparences de la stagflation : l’inflation est nettement supérieure à la croissance réelle en 2022 et 2023, la situation se normalisant quelque peu en 2024. C’est au niveau de l’évolution du taux de chômage, dont la remontée devrait être contenue, que l’on s’écarte d’un scénario de stagflation.
Dans ce contexte, la BCE a confirmé mettre fin, le 1erjuillet, à ses achats nets d’actifs dans le cadre de l’APP. Elle s’apprête aussi à amorcer la remontée de ses taux directeurs, avec une hausse annoncée de 25 points de base (pb) du taux de dépôt le 21 juillet. Un geste plus important ne peut être exclu. Nous tablons ensuite sur deux hausses de 50 pb en septembre et en octobre, suivies de trois autres de 25 pb en décembre, février et mars. Deux dernières hausses de 25 pb en juin et septembre 2023 viendraient compléter le cycle, portant à 2% le taux de dépôt, dans la fourchette de notre estimation du taux neutre (1,5-2,5% en nominal ; -0,5-+0,5% en réel). À ce niveau, la politique monétaire de la BCE ne serait donc pas restrictive. Un nouvel outil pour lutter contre les écartements injustifiés des spreads au sein de la zone euro, et ne pas contrecarrer la normalisation et la bonne transmission de la politique monétaire, est également en préparation.
Notre scénario, comme celui de la BCE, fait l’hypothèse d’un atterrissage en douceur de l’économie. Le ralentissement de la croissance (subi via le choc inflationniste et recherché via la normalisation monétaire) resterait sous contrôle (grâce aux soutiens susmentionnés) et suffirait à modérer l’inflation, dont la diminution atténue, en retour, la pression baissière sur la croissance. L’idée est que le choc inflationniste actuel est intrinsèquement désinflationniste et non stagflationniste. Il ne s’agit donc pas de « désinflation immaculée », pour reprendre l’expression moqueuse à l’égard de la Fed du chef économiste de JP Morgan, mais c’est clairement un scénario optimiste.