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Eco Perspectives // 3 trimestre 2022 - Achevé de rédiger le 20 juin 2022
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ÉDITORIAL
LES INQUIÉTUDES SUR LES PERSPECTIVES DE CROISSANCE GRANDISSENT
Aux États-Unis comme dans la zone euro, le niveau d’activité est très élevé mais la croissance a déjà nettement mar-
qué le pas. Elle devrait rester faible en glissement trimestriel jusqu’à la fin de l’année. Les doutes sur les perspectives
conjoncturelles se renforcent en raison de la conjonction d’une inflation élevée, de l’incertitude géopolitique et du
resserrement des politiques monétaires. D’après les enquêtes, les prix des intrants et les délais de livraison se re-
plient mais demeurent à des niveaux élevés. La croissance des salaires reste forte aux États-Unis et elle se redresse
dans la zone euro, laissant craindre une baisse de l’inflation plus lente que prévu.
Les niveaux d’activité sont très élevés aux États-Unis et dans la zone
SECTEUR MANUFACTURIER :
euro, comme en témoignent les pénuries de main d’oeuvre et des
INDICATEURS DE DÉPENSES FUTURES D’INVESTISSEMENT
carnets de commandes bien garnis. Cependant, la croissance a déjà
Fed Kansas City
nettement ralenti et elle devrait rester faible en glissement trimestriel
jusqu’à la fin de l’année.
Fed NY
, mm3m
Fed Philadelphie
Fed Dallas
%
4
0
Les perspectives conjoncturelles suscitent de plus en plus d’inquié-
tudes. Même si les problèmes d’approvisionnement commencent à se
résorber aux États-Unis et dans la zone euro, ils continuent de brider la
croissance, directement - la longueur des délais de livraison restreint
l’activité – et indirectement, via une inflation élevée qui freine la de-
mande. Par ailleurs, l’incertitude géopolitique reste grande. L’inflation
élevée entame le pouvoir d’achat des ménages et exerce des pressions
sur les marges bénéficiaires des entreprises. Les taux d’intérêt à long
terme ont augmenté et entraînent à la hausse le coût du financement
extérieur, du fait de la remontée du taux d’intérêt sans risque et de
l’élargissement des spreads des obligations d’entreprises. Comme le
montre le graphique 1, les entreprises américaines ont revu à la baisse
leurs plans d’investissement. Les conditions de financement se sont
également détériorées pour les ménages. Aux États-Unis, le bond des
taux hypothécaires s’est accompagné d’un accroissement significatif
de logements invendus. Les actions sont en net repli par rapport à leur
pic récent sous l’effet conjugué de la révision à la baisse des prévisions
de croissance bénéficiaire, de la hausse des taux sans risque et d’une
augmentation de la prime de risque exigée, ce qui reflète une montée
de l’aversion des investisseurs pour le risque.
La conjugaison d’une croissance ralentie et d’une inflation élevée est
préoccupante. Cette dernière oblige les banques centrales à resserrer
sensiblement la politique monétaire pour la ramener vers leurs
objectifs afin d’éviter un désarrimage des anticipations d’inflation et
conserver, par conséquent, leur crédibilité. Mais cela aura pour effet de
renforcer les inquiétudes des ménages et des entreprises concernant
les perspectives de croissance. Pour lever toute ambiguïté, Jerome
Powell a déclaré que les relèvements de taux de la Réserve fédérale
seraient inconditionnels. Même s’ils provoquent une récession, le taux
des fonds fédéraux augmentera jusqu’à ce que le FOMC ait la certitude
d’avoir atteint son objectif d’inflation. Sans surprise, les craintes de
récession aux États-Unis gagnent du terrain. En Europe, la croissance
trimestrielle est faible de sorte qu’il ne faudra pas grand-chose pour
que l’économie entre en récession « technique » (deux trimestres
consécutifs de croissance légèrement négative). Une véritable récession
semble, néanmoins, improbable à court terme en raison de l’acquis
de croissance hérité de 2021, du rattrapage de la demande dans le
monde de l’après-Covid-19, de la robustesse du marché du travail, de
l’épargne accumulée, des effets positifs de la relance budgétaire et de
besoins d’investissement massifs.
30
20
10
0
-10
-
-
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013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
SOURCES : ENQUÊTES DES RÉSERVES FÉDÉRALES DE NEW-YORK,
GRAPHIQUE 1
PHILADELPHIE, DALLAS ET KANSAS CITY
ÉTATS-UNIS : PMI MANUFACTURIER ET INFLATION
Déflateur sous-jacent des dépenses des ménages (g.a., %)
PMI manufacturier : indicateur de tension sur les prix* (é.d.)
5.5
5.0
4.5
4.0
3.5
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2.5
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1.5
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0.5
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*
moyenne de l'indice des prix des intrants et de l'indice inversé
des délais de livraison
2
007
2009
2011
2013
2015
2017
2019
2021
GRAPHIQUE 2
SOURCES : S&P GLOBAL, BEA, BNP PARIBAS
on observe une évolution similaire dans la zone euro), même si les ni-
veaux restent très élevés. Ce facteur combiné à la forte croissance des
salaires en cours aux États-Unis, leur rebond dans la zone euro et le
risque de nouvelles hausses des prix de certaines matières premières
énergie, denrées alimentaires) laisse craindre une décrue de l’inflation
plus lente que prévu, qui obligerait les banques centrales à poursuivre
le resserrement monétaire.
(
Les orientations de la BCE sont également devenues plus restrictives
ces dernières semaines. Dans un tel contexte, d’après les enquêtes,
l’allégement des pressions sur les prix des intrants et les délais de
livraison, est une bonne nouvelle (graphique 2 pour les États-Unis ;
William De Vijlder
william.devijlder@bnpparibas.com
La banque
d’un monde
qui change