Eco Perspectives

Les inquiétudes sur les perspectives de croissance grandissent

29/06/2022

Aux États-Unis comme dans la zone euro, le niveau d’activité est très élevé mais la croissance a déjà nettement marqué le pas. Elle devrait rester faible en glissement trimestriel jusqu’à la fin de l’année. Les doutes sur les perspectives conjoncturelles se renforcent en raison de la conjonction d’une inflation élevée, de l’incertitude géopolitique et du resserrement des politiques monétaires. D’après les enquêtes, les prix des intrants et les délais de livraison se replient mais demeurent à des niveaux élevés. La croissance des salaires reste forte aux États-Unis et elle se redresse dans la zone euro, laissant craindre une baisse de l’inflation plus lente que prévu.

Les niveaux d’activité sont très élevés aux États-Unis et dans la zone euro, comme en témoignent les pénuries de main d’oeuvre et des carnets de commandes bien garnis. Cependant, la croissance a déjà nettement ralenti et elle devrait rester faible en glissement trimestriel jusqu’à la fin de l’année.

Les perspectives conjoncturelles suscitent de plus en plus d’inquiétudes. Même si les problèmes d’approvisionnement commencent à se résorber aux États-Unis et dans la zone euro, ils continuent de brider la croissance, directement - la longueur des délais de livraison restreint l’activité – et indirectement, via une inflation élevée qui freine la demande. Par ailleurs, l’incertitude géopolitique reste grande. L’inflation élevée entame le pouvoir d’achat des ménages et exerce des pressions sur les marges bénéficiaires des entreprises. Les taux d’intérêt à long terme ont augmenté et entraînent à la hausse le coût du financement extérieur, du fait de la remontée du taux d’intérêt sans risque et de l’élargissement des spreads des obligations d’entreprises.

Comme le montre le graphique 1, les entreprises américaines ont revu à la baisse leurs plans d’investissement. Les conditions de financement se sont également détériorées pour les ménages. Aux États-Unis, le bond des taux hypothécaires s’est accompagné d’un accroissement significatif de logements invendus. Les actions sont en net repli par rapport à leur pic récent sous l’effet conjugué de la révision à la baisse des prévisions de croissance bénéficiaire, de la hausse des taux sans risque et d’une augmentation de la prime de risque exigée, ce qui reflète une montée de l’aversion des investisseurs pour le risque.

SECTEUR MANUFACTURIER : INDICATEURS DE DÉPENSES FUTURES D’INVESTISSEMENT

La conjugaison d’une croissance ralentie et d’une inflation élevée est préoccupante. Cette dernière oblige les banques centrales à resserrer sensiblement la politique monétaire pour la ramener vers leurs objectifs afin d’éviter un désarrimage des anticipations d’inflation et conserver, par conséquent, leur crédibilité. Mais cela aura pour effet de renforcer les inquiétudes des ménages et des entreprises concernant les perspectives de croissance. Pour lever toute ambiguïté, Jerome Powell a déclaré que les relèvements de taux de la Réserve fédérale seraient inconditionnels. Même s’ils provoquent une récession, le taux des fonds fédéraux augmentera jusqu’à ce que le FOMC ait la certitude d’avoir atteint son objectif d’inflation. Sans surprise, les craintes de récession aux États-Unis gagnent du terrain. En Europe, la croissance trimestrielle est faible de sorte qu’il ne faudra pas grand-chose pour que l’économie entre en récession « technique » (deux trimestres consécutifs de croissance légèrement négative). Une véritable récession semble, néanmoins, improbable à court terme en raison de l’acquis de croissance hérité de 2021, du rattrapage de la demande dans le monde de l’après-Covid-19, de la robustesse du marché du travail, de l’épargne accumulée, des effets positifs de la relance budgétaire et de besoins d’investissement massifs.

Les orientations de la BCE sont également devenues plus restrictives ces dernières semaines. Dans un tel contexte, d’après les enquêtes, l’allégement des pressions sur les prix des intrants et les délais de livraison, est une bonne nouvelle (graphique 2 pour les États-Unis ; on observe une évolution similaire dans la zone euro), même si les niveaux restent très élevés. Ce facteur combiné à la forte croissance des salaires en cours aux États-Unis, leur rebond dans la zone euro et le risque de nouvelles hausses des prix de certaines matières premières (énergie, denrées alimentaires) laisse craindre une décrue de l’inflation plus lente que prévu, qui obligerait les banques centrales à poursuivre le resserrement monétaire.

ÉTATS-UNIS : PMI MANUFACTURIER ET INFLATION
LES ÉCONOMISTES EXPERTS AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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