Eco Perspectives

En attendant le rebond

29/06/2022

Le PIB belge a progressé de 0,5% t/t au premier trimestre 2022, tandis que l'inflation continue de battre des records (9,9% a/a en mai). La confiance des ménages a été mise à mal au début de l'invasion russe en Ukraine, ce qui pourrait mettre un coup d’arrêt à la croissance. L'indexation des salaires devrait atténuer l'impact de l’inflation sur la consommation privée au détriment de la compétitivité des entreprises. Dans un environnement de hausse des taux, l'assainissement budgétaire demeure essentiel.

Perspectives économiques

CROISSANCE ET INFLATION

Le PIB belge a enregistré une croissance trimestrielle de 0,5% au T1 2022, portée par un rebond de l’investissement et de la consommation privée. Toutefois, les pressions sur les prix et les incertitudes géopolitiques pèsent fortement sur les perspectives économiques. Le PIB devrait rester atone au cours de l'été et il ne repartirait à la hausse qu'à la fin de l'année, lorsque l'inflation aura atteint son point d'inflexion. La croissance attendue de 2,3% sur l'ensemble de l’année semble attester de la vigueur de l'économie mais près de 2% de cette croissance est attribuable à un effet de base élevé dû à la vigueur de la reprise en 2021. Nous tablons sur une normalisation progressive de la croissance du PIB et de l'inflation vers la fin 2023.

Les ménages pénalisés

L'IPC a progressé de 9,9% a/a en mai, un record historique. L'IPCH pour le même mois devrait battre le record de février, l'estimation flash s’établissant actuellement également à 9,9%. Pour l'heure, les prix de l'énergie restent la cause principale de cette évolution. Toutefois, les prix des denrées alimentaires sont également en forte augmentation, avec une hausse de 1% en moyenne par mois depuis le début de l’année. L'inflation sous-jacente devrait atteindre son point haut juste après la fin de l'été.

Tous les ménages ne sont pas pénalisés dans la même proportion par la hausse des prix. Une étude récente de la banque centrale (BNB) montre que pour les ménages du quintile de revenu le plus bas, le taux d'inflation est supérieur de 1% à celui des quintiles les plus élevés, bien que certaines mesures, telles que les tarifs sociaux, aient permis d’atténuer les effets de l'inflation. La BNB souligne que l'accroissement du revenu réel restera positif en 2022 grâce à la hausse de l'emploi. Le revenu réel par habitant devrait toutefois rester atone. Contrairement à la situation qui prévaut globalement dans la zone euro, les salaires réels en Belgique devraient enregistrer une hausse significative (4,5%) sur 2022-2024, dont la majeure partie aura lieu en 2023.

L’épargne cumulée (forcée) est principalement détenue par les ménages à haut revenu. Or, ceux-ci ne devraient pas contribuer beaucoup à la consommation du fait de leur plus forte propension à épargner.

À court terme, la situation actuelle devrait déprimer la consommation. Malgré le retour aux niveaux pré-covid des dépenses nominales en mai (d’après nos indicateurs internes), la situation reste préoccupante. En volume, la consommation privée, première composante du PIB total, reste en deçà de son niveau pré-pandémie, et nous prévoyons une nouvelle détérioration en raison de la perte de pouvoir d'achat, avant une stabilisation à la fin de l'année.

Entreprises : l’investissement devrait croître

Les investissements des entreprises non financières ont progressé de presque 3% au T1 2022. Cette dynamique devrait perdurer, un nombre plus faible d'entreprises évoquant les pénuries de main-d'œuvre ou d'équipements comme un frein à la production. Plus particulièrement, les entreprises du secteur manufacturier, qui connaissent des taux d'utilisation élevés, seront sans doute en mesure d'accroître leurs capacités de production à court terme.

Les coûts salariaux horaires pourraient connaître une augmentation de 12% sur la période 2022-2023, une évolution due presque entièrement au mécanisme d'indexation salariale. Sur la même période, on pourrait assister à une détérioration d'environ 5% de l'écart salarial avec la France, l'Allemagne et les Pays-Bas.

Une étude récente de la BNB sur les micro-entreprises belges fournit une estimation de la capacité des entreprises à répercuter la hausse des coûts sur leurs prix. Elle est estimée à 60% et elle est généralement plus élevée pour les entreprises sensibles aux coûts énergétiques. La majorité des entreprises belges qui participent à l'enquête de confiance des entreprises signalent également leur intention de relever leurs prix de vente au cours des trois prochains mois. Au total, les marges bénéficiaires devraient diminuer quelque peu, mais rester supérieures à leur moyenne à long terme sur l'ensemble de la période de prévision, ce qui est favorable à l’investissement et peut aussi expliquer le nombre encore contenu des faillites.

Finances publiques : un assainissement est nécessaire

Les perspectives demeurent négatives du point de vue des finances publiques. Les mesures de soutien des revenus visant à lutter contre la hausse des prix de l'énergie, le coût de la campagne de rappel vaccinal et les dépenses liées aux réfugiés ukrainiens ont contribué à la hausse des dépenses publiques. Le déficit ne devrait pas être ramené en deçà du seuil de 3% en 2023. Un nouvel assainissement budgétaire est toutefois nécessaire, la hausse des taux d’intérêt ayant cessé d'être une perspective lointaine.

LES ÉCONOMISTES EXPERTS AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

Découvrir les autres articles de la publication

Global
Les inquiétudes sur les perspectives de croissance grandissent

Les inquiétudes sur les perspectives de croissance grandissent

Aux États-Unis comme dans la zone euro, le niveau d’activité est très élevé mais la croissance a déjà nettement marqué le pas. Elle devrait rester faible en glissement trimestriel jusqu’à la fin de l’année [...]

LIRE L'ARTICLE
États-Unis
Accélération de la normalisation monétaire

Accélération de la normalisation monétaire

Le rebond inattendu de l’inflation en mai a contraint la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) à accélérer la normalisation de sa politique monétaire [...]

LIRE L'ARTICLE
Chine
Dégradation des perspectives de croissance

Dégradation des perspectives de croissance

L’activité s’est contractée en avril et mai 2022 en raison de sévères restrictions à la mobilité imposées dans des régions industrielles comme Shanghai [...]

LIRE L'ARTICLE
Japon
Une singularité assumée, mais jusqu'à quand ?

Une singularité assumée, mais jusqu'à quand ?

Depuis le début de l’année 2022, le Japon fait face à une remontée de l’inflation, certes modérée, mais inédite depuis 2014, tandis que sa croissance a reculé au T1 [...]

LIRE L'ARTICLE
Zone euro
Plus d’inflation que de croissance

Plus d’inflation que de croissance

Jusqu’ici relativement résistante aux chocs, la croissance de la zone euro devrait plus nettement ralentir dans les prochains mois [...]

LIRE L'ARTICLE
Allemagne
Après l'inflation importée, l'inflation domestique ?

Après l'inflation importée, l'inflation domestique ?

L’Allemagne fait partie des pays de la zone euro les plus touchés par le conflit russo-ukrainien, ce qui se traduit par de faibles perspectives de croissance et une inflation élevée [...]

LIRE L'ARTICLE
France
Un choc de pouvoir d’achat dilué, mais bien présent

Un choc de pouvoir d’achat dilué, mais bien présent

L’économie française est prise en étau entre trois évolutions aux effets divergents : un choc inflationniste qui pèse sur la consommation des ménages, un choc d’offre négatif (contraintes d’approvisionnement dans l’industrie) et la levée des restrictions sanitaires (qui bénéficie à la croissance à partir du 2e trimestre, après avoir pesé au 1er). Les mesures gouvernementales, qui ont limité l’inflation, n’ont pas empêché une croissance négative au 1er trimestre. Toutefois, l’impact positif de la levée des restrictions sanitaires et un rebond du pouvoir d’achat devraient permettre le retour à une croissance positive au 3e trimestre (+0,3% t/t).

LIRE L'ARTICLE
Italie
Une reprise de meilleure qualité dans un monde plus complexe

Une reprise de meilleure qualité dans un monde plus complexe

À la différence des précédentes récessions, l’économie italienne a déjà rattrapé le terrain perdu en 2020. L’acquis de croissance pour 2022 s’élève à 2,6 % après que le PIB ait progressé de 0,1% au T1 2022 [...]

LIRE L'ARTICLE
Espagne
Bonne résistance aux chocs

Bonne résistance aux chocs

Après un rebond d’activité en 2021 plus faible que ses voisins européens, l’Espagne devrait connaitre un taux de croissance soutenu en 2022, supérieur à 4% [...]

LIRE L'ARTICLE
Pays-Bas
De l'inflation au-delà des prix à la consommation

De l'inflation au-delà des prix à la consommation

Avec un mix énergétique composé à près de 90% d’énergies fossiles, les Pays-Bas sont touchés de plein fouet par la forte hausse des prix du gaz et du pétrole depuis le début du conflit russo-ukrainien [...]

LIRE L'ARTICLE
Grèce
Des perspectives toujours encourageantes

Des perspectives toujours encourageantes

À plus de 10% au printemps, l’inflation constituera le principal frein à l’activité en Grèce en 2022. L’économie a néanmoins bien résisté jusqu’à présent [...]

LIRE L'ARTICLE
Royaume-Uni
Au bord de la récession ?

Au bord de la récession ?

L’inflation se poursuit, portée par les singularités de l’économie britannique [...]

LIRE L'ARTICLE
Danemark
Souveraineté industrielle : du rêve à la réalité

Souveraineté industrielle : du rêve à la réalité

Le Danemark se singularise par une reprise économique bien plus forte que dans les autres pays européens. L’économie danoise a ainsi retrouvé très vite son niveau d’avant-crise, et même dépassé sa trajectoire de croissance pré-pandémie [...]

LIRE L'ARTICLE
Norvège
En réponse à l'inflation, un resserrement monétaire et budgétaire coordonné

En réponse à l'inflation, un resserrement monétaire et budgétaire coordonné

Après avoir été pénalisée par le variant Omicron, l’activité économique est repartie à la hausse dès le mois de février et devrait continuer de progresser, permettant à la croissance d’atteindre 4% en 2022 [...]

LIRE L'ARTICLE