Si, hormis la Chine, les pays émergents ont historiquement peu contribué au réchauffement climatique, la courbe des émissions futures de CO2 et la hausse additionnelle des températures qui en découle dépendront largement de leur capacité à concilier croissance et décarbonation. Or, faute de moyens suffisants, leurs investissements dans la transition « verte » sont aujourd’hui limités : de l’ordre de 50 dollars par an et par habitant, contre dix-sept fois plus (850 dollars par an et par habitant) dans les pays avancés[1]. D’où l’idée, née en 2009 à la Conférence des Parties (COP) de Copenhague, d’organiser des transferts des seconds vers les premiers.
Les pays avancés s’étaient alors engagés à aider, à hauteur de USD 100 milliards par an, les pays en développement dans leur lutte contre le changement climatique. À Bakou, en 2024, l’objectif est porté à USD 300 milliards par an. Si les montants sont bien triplés sur le papier, leur juxtaposition à quinze ans d’écart est trompeuse, car l’inflation empêche de comparer les dollars d’aujourd’hui à ceux d’hier. À prix constants de 2024, l’aide est plutôt multipliée par deux ; elle correspond grosso modo aux investissements verts existants, mais certainement pas à ceux qu’exigerait le maintien du réchauffement climatique dans la limite de +1,5°C (cf. graphique).
L’engagement des pays du Nord à transférer USD 300 milliards par an à ceux du Sud n’est pourtant pas anecdotique, en période d’économies budgétaires et alors que les États-Unis s’apprêtent à quitter une nouvelle fois l’accord de Paris. Il est, en outre, pris sans contrepartie de sortie programmée des énergies fossiles (une revendication de l’Union européenne) et sans la participation de la Chine, dont les financements climatiques continueront de s’opérer sur la base du volontariat.
L’écart avec les USD 1 300 milliards initialement visés (et cités comme but à atteindre dans le communiqué de la COP 29) renvoie à un principe de réalité, qui est que les finances publiques des pays avancés ne pourront pas couvrir à elles seules l’intégralité des besoins et que l’épargne privée devra soutenir l’effort. Le défi n’est pas que financier. Ici, la sécurisation juridique des contrats, la gestion du risque politique, le suivi des projets par les institutions internationales, l’accompagnement par des systèmes de garanties solides, comptent au moins autant que les milliards de dollars que l’on additionne. Le financement climatique des pays émergents est un chantier hors norme, protéiforme, où se croisent une multiplicité d’acteurs. Malgré leurs imperfections, les COP sont les seules à offrir le cadre multilatéral nécessaire à son avancement. Même modestes comme à Bakou, les progrès qu’elles obtiennent seront toujours préférables à l’alternative du chacun pour soi.