Négative durant la majeure partie de l’année 2021, l’impulsion du crédit est redevenue positive au début de 2022 et a accéléré jusqu’à atteindre des niveaux inédits (+3,8 points en août 2022, +3,7 points en septembre 2022). Ces évolutions contrastent avec la forte décélération du PIB de la zone euro au troisième trimestre 2022 (+0,2% t/t après +0,8% au deuxième), qu’elles ont sans doute contribué à limiter.
En forte accélération depuis le printemps, les encours ont enregistré, en septembre 2022, leur plus forte croissance depuis décembre 2008 pour les prêts au secteur privé (+6,9% en glissement annuel) et depuis janvier 2009 pour les prêts aux sociétés non financières (SNF, +8,9%). Si l’accélération des encours de prêts aux SNF est générale, elle est plus sensiblement vigoureuse pour les encours de maturité inférieure à 1 an (+19,8% en g.a.) que pour ceux de maturité supérieure à 5 ans (+4,1%), conformément à l’objet de ces prêts (trésorerie, stocks). Dans le même temps, les encours des prêts aux ménages ont, au contraire, très légèrement décéléré (+4,4% en g.a. en septembre 2022 contre +4,6% en mai) mais leur rythme de croissance reste historiquement élevé. Les encours de prêts à la consommation ont légèrement accéléré entre juin 2022 et septembre 2022 (+3,4% et +3,7%, respectivement), tandis que ceux des prêts à l’habitat décéléraient faiblement (+5,4% et +5,1%).
Ces évolutions apparaissent parfaitement cohérentes avec les résultats de la Bank Lending Survey publiée le 25 octobre 2022 par la BCE. Les banques interrogées y ont en effet relaté une intensification de la demande de financement de la part des entreprises, stimulée par les renchérissements des matières premières, de l’énergie et la reconstitution des stocks. Dans un contexte de normalisation de la politique monétaire, les banques de la zone euro commencent toutefois à percevoir la contribution négative de la hausse générale des taux d’intérêt sur la demande de financement. Ce fut plus particulièrement le cas de la demande émanant des ménages qui, outre la hausse du coût du crédit bancaire, a pâti d’indicateurs de confiance proches de leurs plus bas historiques depuis l’été et d’un appétit moindre pour les biens durables.
Le ralentissement prononcé de l’activité économique et le renforcement des craintes de récession ont entraîné une dégradation des perspectives relatives à la situation financière des entreprises. Aussi les banques ont-elles diminué leur tolérance au risque et davantage resserré les conditions des prêts aux SNF qu’elles ne l’avaient déjà fait au deuxième trimestre. Concernant la clientèle des particuliers, les banques ont resserré les conditions des prêts à l’habitat dans une mesure qui n’avait pas été observée depuis le quatrième trimestre 2008. La hausse du risque perçu a constitué l’un des principaux facteurs de ce resserrement, même si le renchérissement des ressources bancaires et les contraintes bilancielles ont également joué un rôle. Pour le quatrième trimestre 2022, les banques interrogées prévoient une baisse modérée de la demande de prêt de la part des entreprises et un resserrement sensiblement plus élevé des conditions qu’au cours des trimestres précédents. Elles anticipent de nouveau une forte modération de la demande de prêts à l’habitat, et une baisse, certes moins marquée mais néanmoins sensible, de la demande de prêts à la consommation. Enfin, les banques envisagent également un resserrement des conditions généralisé à l’ensemble des financements aux ménages.
Laurent Quignon