Un nombre exceptionnellement élevé d’entreprises de la zone euro envisage d’augmenter les prix de vente. Il est peu probable, au stade actuel, que la croissance des coûts unitaires de main-d’œuvre en soit la principale raison. La hausse des coûts des intrants joue un rôle crucial, de même que la robustesse de la demande. Il est, en effet, plus facile de relever les prix lorsque les carnets de commandes sont remplis. Or, les anticipations de prix de vente sont étonnamment élevées au vu de leur relation historique avec les prix des intrants et les niveaux des carnets de commandes. Il semble que plus le nombre de sociétés augmentant leurs prix est élevé, plus les autres ont tendance à leur emboîter le pas. L’inflation pourrait alors être moins réactive à un ralentissement de la croissance de la demande.
D’après la dernière enquête de la Commission européenne auprès des entreprises, le solde net des sociétés industrielles prévoyant de relever leurs prix de vente continue d’augmenter. À 58, il se situe à son niveau le plus élevé jamais enregistré1. Il est important de comprendre les facteurs à l’œuvre pour évaluer précisément les perspectives des prix à la production et à la consommation.
Les entreprises ont tendance à augmenter les prix lorsque la progression des coûts salariaux est supérieure aux gains de productivité, lorsqu’elles sont confrontées à une hausse des coûts des intrants (matières premières, consommations intermédiaires) ou à une demande forte qui accroît leur pouvoir de fixation des prix. Il est peu vraisemblable, à ce stade et au niveau global, que le premier facteur soit déterminant dans leur intention d’augmenter les prix. La croissance annuelle des salaires négociés s’est inscrite à 1,6% au quatrième trimestre 20212, mais au vu des goulets d’étranglement du marché du travail dans divers secteurs et des données empiriques3, on peut s’attendre à un renforcement de la croissance salariale. La hausse des coûts des intrants constitue, en revanche, un facteur clé. Comme le montrent les indices des directeurs d’achats, la grande majorité des participants à l’enquête continue de signaler, mois après mois, une augmentation des prix des intrants. Enfin, la robustesse de la demande, comme en témoignent des carnets de commandes bien remplis, permet aux sociétés de relever plus facilement leurs prix4.
Le graphique 1 illustre la corrélation étroite existant entre l’évaluation des niveaux des carnets de commandes dans l’industrie et les anticipations de prix de vente des entreprises. Ces deux séries ont atteint, récemment, des niveaux records. L’analyse de régression illustrée par le tableau révèle que les prix des intrants et les niveaux des carnets de commandes permettent dans une large mesure d’expliquer les anticipations de prix de vente dans l’industrie.
Cependant, la qualité de l’ajustement statistique a récemment diminué, comme le montrent des résidus de régression positifs particulièrement élevés (graphique 2) : les anticipations de prix de vente observées sont nettement supérieures à leur valeur estimée, d’après la relation historique. Compte tenu des tensions actuelles sur les prix des intrants et du niveau des carnets de commandes, les sociétés sont plus nombreuses qu’à la normale à envisager un relèvement de leurs prix de vente. Cela s’explique peut-être par la confiance d’un nombre exceptionnellement élevé d’entreprises dans leur capacité d’augmenter les prix.