La Réserve fédérale américaine a créé la surprise, cette semaine, en abaissant ses taux directeurs de 50 points de base, exceptionnellement entre deux réunions de politique monétaire.
De par la nature même du choc, la politique monétaire n’est pas, a priori, l’instrument le plus approprié. La chute de la demande et la disruption de l’offre ne sont pas liées au niveau des taux d’intérêt.
Toutefois, la politique monétaire a un rôle important à jouer dans l’environnement actuel afin d’éviter une détérioration des conditions financières et monétaires. Il s’agit là d’une mesure défensive, l’autre possibilité étant de courir le risque que le resserrement de ces conditions exerce un frein supplémentaire sur l’activité.
Il semble qu’une telle approche ait joué un rôle dans la décision du FOMC. Elle devrait fortement influencer la BCE lors de sa réunion de la semaine prochaine.
Dans plusieurs déclarations officielles publiées cette semaine, de nombreux hauts responsables se sont dits disposés à agir pour contrer les conséquences économiques de l’épidémie de coronavirus. Haruhiko Kuroda, gouverneur de la Banque du Japon, a ainsi précisé que «la BOJ entendait suivre de près l’évolution de la situation et œuvrer à stabiliser les marchés en offrant suffisamment de liquidités par le biais d’opérations de marché et d’achats d’actifs»[1]. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a, quant à elle, indiqué que la Banque «?[se tenait] prête à prendre les mesures appropriées et ciblées qui seraient nécessaires et proportionnées aux risques sous-jacents?». À l’occasion de la conférence téléphonique des ministres des Finances et des gouverneurs des Banques centrales du G7, les participants ont réaffirmé que tous les outils nécessaires seraient utilisés pour assurer une croissance forte et durable, et pour la protéger contre les risques baissiers. La Réserve fédérale, confrontée à l’accumulation de données empiriques relatives à l’impact de l’épidémie sur les entreprises américaines, a décidé de passer à l’action et, de manière assez inhabituelle, de baisser les taux directeurs de 50 points de base sans attendre sa prochaine réunion de politique monétaire.
Compte tenu de la nature même d’une épidémie, la politique monétaire n’est pas, a priori, l’outil le plus approprié pour faire face à ses conséquences. Quel intérêt présente une baisse des taux lorsque les personnes ne peuvent se rendre à leur travail ou que les chaînes de valeur des entreprises sont perturbées?? Jerome Powell l’a, lui-même, reconnu dans sa conférence de presse : «?Une baisse des taux n’infléchira pas le cours de l’infection et ne résoudra pas les problèmes liés à la rupture des chaînes d’approvisionnement. Nous en sommes bien conscients. Nous ne pensons pas avoir toutes les réponses, mais nous sommes convaincus que notre action donnera une impulsion significative à l’économie.?»[2] Le scepticisme à l’égard de l’efficacité de la politique monétaire au stade actuel se fonde également sur l’observation selon laquelle les taux d’intérêt sont déjà très bas et la liquidité abondante, comme en témoignent les réserves excédentaires du système bancaire dans de nombreux pays. De plus, le canal du signal — selon lequel une baisse des taux aujourd’hui signifie qu’ils resteront bas pendant une longue période — est censé être plutôt faible. Aux États-Unis, les marchés obligataires intègrent dans les cours plusieurs autres baisses des taux. Dans la zone euro, la forward guidance, dépendant de la situation économique, a intégré le maintien d’un environnement très accommodant pour les années à venir. Le resserrement des taux n’est donc pas la préoccupation du moment.