La liquidité du marché des titres du Trésor américain (Treasuries) s’est fortement dégradée depuis le début de l’année. Sur fond de resserrement monétaire et de craintes de récession, l’appréciation du dollar et la grande volatilité des rendements freinent l’appétence des investisseurs, résidents ou non, alors même que la Réserve fédérale (Fed) a engagé la réduction de son portefeuille. Compte tenu de l’ampleur de la dette à financer (USD 23 000 mds de dette négociable à la fin juin 2022), les contraintes prudentielles qui limitent les capacités d’intermédiation des primary dealers sont un facteur aggravant.
Depuis de nombreuses années déjà, l’attrait des non-résidents pour les Treasuries fléchit. Le poids de leurs avoirs (valorisés) dans la dette fédérale américaine négociable s’établissait à 32% à la fin juin 2022 contre 57% à la fin 2008. Ce recul est exclusivement le fait des investisseurs officiels : soucieux de diversifier leurs réserves de change (voire de soutenir leur monnaie), les banques centrales et les États étrangers se sont partiellement détournés des Treasuries, et plus généralement du dollar. Ainsi, alors que le secteur officiel constituait la première contrepartie étrangère du Trésor américain fin 2008 (74%), il n’abritait, en juin 2022, plus que 53% de la dette fédérale détenue à l’étranger (respectivement 42% et 17% du stock total de Treasuries).
Reflet du rôle croissant des investisseurs privés (sociétés d’assurance, fonds de pension ou hedge funds), l’exposition globale des non-résidents à l’économie américaine (sous forme de titres, prêts et dépôts) s’est progressivement déformée en faveur d’actifs plus risqués (fin juin 2022, elle était constituée à 36% d’actions et parts de fonds contre 15% fin 2008). Les investisseurs privés ayant généralement un horizon d’investissement plus court que celui des investisseurs officiels, leur poids croissant pourrait conduire à une plus grande volatilité des taux d’intérêt.