Edito

BCE, l’atonie de l’inflation fait monter la pression

18/04/2019
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Plus l’inflation est élevée au moment de l’accélération de la croissance des salaires, plus la répercussion de cette dernière sur la hausse des prix est forte et rapide. Dans la zone euro, la faiblesse de l’inflation a freiné le mécanisme de transmission. Le ralentissement prononcé de la croissance, sur fond de baisse de la demande extérieure et de chocs d’incertitude, vient compliquer le processus. La pression sur la BCE se fait d’autant plus sentir que l’inflation sous-jacente reste bloquée à un niveau bien inférieur à son objectif.

En novembre dernier, lors d’une conférence à Francfort, Mario Draghi a expliqué comment une accélération des hausses salariales tend à se traduire par une augmentation de l’inflation. Au départ, la progression de la demande de biens et services et celle de la production font augmenter la productivité et améliorent la rentabilité des entreprises. Au bout d’un moment, les salaires croissent. Lorsque les entreprises embauchent du personnel, l’intensification de la concurrence pour attirer les talents entraîne une hausse supplémentaire des salaires. Les coûts unitaires de main-d’œuvre augmentent ainsi, ce qui pèse sur les marges bénéficiaires. Une croissance économique forte et soutenue finit par inspirer suffisamment confiance aux entreprises pour qu’ils relèvent leurs prix et protègent ainsi leurs marges.

Toutefois, ce décalage dans le temps, parfaitement normal, permet à la banque centrale de maintenir une politique très accommodante, même avec une croissance déjà robuste. Selon des études de la BCE, la répercussion des hausses salariales sur l’inflation est d’autant plus rapide et forte que l’inflation est élevée. Ainsi, lorsque l’inflation est faible, le processus prend plus de temps1. Encore faut-il, en attendant, que la croissance reste sur la bonne voie : « Si les entreprises deviennent plus incertaines quant aux perspectives de croissance et d’inflation, la compression des marges pourrait s’avérer plus persistante. Cela affecterait la rapidité de la remontée de l’inflation sous-jacente et donc l’évolution de l’inflation que nous nous attendons à observer au cours des prochains trimestres »2.

ZONE EURO : COUTS SALARIAUX UNITAIRES ET INFLATION SOUS-JACENTE

Cinq mois plus tard, ces paroles de M. Draghi se révèlent prémonitoires. La croissance marque nettement le pas, et ce pour diverses raisons : fléchissement du cycle d’investissement mondial, ralentissement des échanges mondiaux, repli de la croissance en Chine, facteurs spécifiques à certains pays comme l’Allemagne, l’Italie et la France, longue période d’incertitude générale, etc. Résultat, les importants goulets d’étranglement sur le marché du travail ont commencé à se résorber. De plus, la croissance de la rémunération par salarié, quoique forte, s’est légèrement repliée, bien qu’il soit trop tôt pour parler d’une nouvelle tendance. Ce contexte plus difficile freine le processus de répercussion des hausses salariales sur l’inflation pour que cette dernière converge vers l’objectif de la BCE. C’est ce que confirment les dernières données sur l’inflation avec un IPCH sous-jacent en hausse de 0,8 % en mars par rapport à 2018. Il y a quelque chose de tragique à observer un ralentissement de la croissance importé, conjugué à des chocs d’incertitude également extérieurs. La phase de croissance très robuste engagée dans la zone euro apparaît de ce fait écourtée et touchée par un fléchissement prématuré. Cette évolution a, à son tour, réduit l’efficacité de la politique monétaire expansionniste, ne laissant d’autre choix à la BCE que de commencer à envisager de nouvelles mesures. À cet égard, les détails de la nouvelle opération de refinancement à long terme ciblée (TLTRO) sont attendus avec impatience.

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