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Baromètre de l’inflation - avril 2025 | Inflation en baisse en mai, sauf aux États-Unis

27/06/2025
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En mai, les États-Unis se distinguent par une augmentation, même très légère, de leur inflation (depuis un niveau plus élevé) alors qu’elle a nettement ralenti en zone euro et légèrement baissé au Royaume-Uni et au Japon. Parmi les évolutions défavorables à surveiller, les prix des matières premières énergétiques (pétrole et gaz) sont repartis à la hausse depuis avril, tout comme le point mort d’inflation, ce qui pourrait soutenir l’inflation au cours des prochains mois. À l’inverse, deux dynamiques positives se dégagent : la croissance des salaires se modère et les pressions sur les prix (côté offre) ralentissent, à l’exception notable des États-Unis.

Aux États-Unis, l’inflation mesurée par l’IPC est très légèrement remontée en mai (+2,34% à +2,37% a/a)

S’il y a augmentation, contrastant avec la nette baisse de l’inflation en zone euro, elle est moins importante qu’anticipée et ne porte toujours pas de trace visible de la hausse des droits de douane. L’inflation sous-jacente est restée stable à 2,8% a/a pour le troisième mois consécutif. Les salaires continuent de se modérer et les anticipations d’inflation des ménages, qui avaient atteint des niveaux exceptionnellement élevés en avril, se modèrent quelque peu en juin. Néanmoins, les composantes prix des enquêtes sur le climat des affaires signalent que les pressions côté offre augmentent de nouveau et retrouvent leur plus haut niveau depuis septembre 2023. Enfin, le point mort d’inflation a légèrement augmenté depuis avril, témoignant peut-être d’un début d’inquiétude des marchés financiers quant à l’impact inflationniste des droits de douane.

En zone euro, la désinflation se poursuit. En mai, elle (re)franchit même un cap important, en passant sous les 2% a/a (elle avait déjà franchi ce seuil en septembre 2024, à 1,7%)

L’inflation harmonisée totale a reflué de 0,3 point de pourcentage par rapport à avril, à 1,9%, tandis que l’inflation sous-jacente a perdu 0,4 point, à 2,3%. Chypre affiche l’inflation la moins élevée (0,4%), suivie de la France (0,6%), tandis que la Croatie (4,3%), la Slovaquie (4,3%) et l’Estonie (4,6%) subissent la plus forte hausse des prix. En outre, l’indice des prix à la production a fortement ralenti en zone euro depuis février (+0,7% a/a ; -2,3 pts), tout comme la croissance des salaires négociés (+2,5% a/a ; -1,7pp depuis décembre). De plus, les prévisionnistes continuent d’anticiper une inflation de 2% aux horizons de 1 et 5 ans. Les perspectives restent donc favorables en zone euro.

Au Royaume-Uni, le bilan est également globalement positif, même si la dynamique reste nettement moins favorable qu’en zone euro

Après être remontée à 3,5% a/a en avril, l’inflation a très légèrement reculé en mai (+3,4%). L’inflation sous-jacente décélère également, et revient au niveau de la mesure headline pour la première fois depuis octobre 2023. La croissance des salaires se modère nettement en avril (+4,8% a/a ; -0,7pp m/m), et les pressions sur les prix s’atténuent quelque peu. Les anticipations d’inflation à 1 an des ménages (3,3% a/a ; -0,2pp) et de City/Yougov (4,0% ; -0,2pp) diminuent par rapport au mois dernier. Toutefois, les anticipations de long terme des ménages restent élevées et continuent de surpasser les niveaux enregistrés durant la crise inflationniste.

Au Japon, le bilan est contrasté

L’inflation totale continue certes de ralentir au deuxième trimestre (3,4% en mai ; -0,1pp m/m) en raison d’une nouvelle baisse des contributions des composantes volatiles (énergie, alimentation périssable). Et les perspectives pour les prochains mois pointent vers une stabilisation de l’inflation : l’indicateur des pressions sur les prix (côté offre) continue de diminuer, les anticipations d’inflation des ménages à 1 an ont très légèrement ralenti en avril et l’indice des prix à la production freine fortement (+3,2% a/a en mai ; -1,1pp m/m). Après s’être nettement modéré en début d’année, le salaire mensuel moyen hors primes a néanmoins augmenté en avril (+2,1% a/a ; +0,7pp). En revanche, l’inflation sous-jacente (hors aliments périssable ; cible de la BoJ) et la core-core inflation (qui exclut l’énergie) ont toutes deux augmenté en mai (à, respectivement, 3,7% a/a (+0,2pp) et 3,3% a/a (+0,3pp)).

Achevé de rédiger le 26 juin 2025

Graphique du mois | Une autre manière de détecter les probables effets inflationnistes des droits de douane

États-Unis : Inflation tirée par la demande et l'offre

Notre graphique du mois reproduit une décomposition de l’inflation américaine (mesurée avec les données du BEA du déflateur de la consommation) entre les facteurs d’offre et de demande. Cette décomposition s’appuie sur la méthodologie développée par Adam Hale Shapiro (vice-président du département de recherche économique de la Réserve fédérale de San Francisco)1. Les composantes de l’indice des prix sensibles à la demande (à l’offre) sont identifiées par la corrélation positive (négative) entre leurs variations et l’activité économique.

Les dernières données disponibles, datant d’avril, nous montrent que l’inflation tirée par l’offre (courbe orange) poursuit, clairement, sa tendance baissière, engagée depuis le pic du choc inflationniste au deuxième trimestre 2022, et qu’elle se situe en deçà de sa moyenne pré-pandémique. L’inflation tirée par la demande (courbe verte) est, en revanche, depuis décembre 2024, de nouveau dans une dynamique haussière et se situe au-dessus de sa moyenne pré-pandémique.

Un premier enseignement de ces évolutions est que, avant le choc tarifaire du président Trump, la poursuite du processus de désinflation et le retour à la cible reposaient sur l’inflation par la demande, qui devait reprendre le chemin de la baisse. Processus qui reposait donc aussi sur la Fed, qui peut justement agir sur la demande (la freiner, en l’occurrence, en mettant sur pause ses baisses de taux et en conservant ainsi une politique monétaire plutôt restrictive) et non sur l’offre.

Le second enseignement que nous pouvons tirer de ces données est que le choc tarifaire étant pour partie un choc d’offre, son impact inflationniste devrait se voir dans un redressement de l’inflation tirée par l’offre. En parallèle, les impacts négatifs du choc tarifaire sur la croissance devraient tirer vers le bas l’inflation par la demande. Quel effet dominera à l’horizon des prochains mois ? C’est toute la question. Nous anticipons que ce sera le premier, inflationniste. Mais les incertitudes autour de ce scénario restent nombreuses.

Achevé de rédiger le 26 juin 2025

1 Cf. pour une présentation des grandes lignes de cette approche, How Much Do Supply and Demand Drive Inflation? - San Francisco Fed, 21 juin 2022. Travail étendu par Lansing (2025) en utilisant cette décomposition dans une estimation de la courbe de Phillips, Is Demand or Supply More Important for Inflation? - San Francisco Fed, 23 juin 2025.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE
Equipe : Économies avancées