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Baromètre de l’inflation - avril 2025 | Sans surprise, les anticipations d’inflation repartent à la hausse

28/04/2025
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L’inflation a ralenti des deux côtés de l’Atlantique en mars, principalement en raison de la baisse des prix de l’énergie. Celle-ci a été favorisée par le recul des prix du gaz et du pétrole au premier trimestre 2025. Aux États-Unis, la situation reste néanmoins préoccupante avec des anticipations d’inflation des ménages à leur plus haut niveau depuis plus de 30 ans (enquête de l’Université du Michigan) ; elles augmentent également au Royaume-Uni sur fond de progression toujours robuste des salaires. La situation est nettement plus confortable en zone euro où les anticipations d’inflation restent modérées et les salaires décélèrent, ce qui conforte l’objectif des 2%. Au Japon, la situation reste sous contrôle.

Aux États-Unis, les anticipations d’inflation des ménages à un an atteignent 6,7% a/a en avril (un plus haut depuis 1981), tandis que celles de long terme approchent des 4,5% (plus haut depuis 1991)

Les pressions sur les prix (côté offre) restent élevées, retrouvant leur plus haut niveau depuis octobre 2023. Cependant, les marchés financiers ne manifestent pas, pour l’heure, les mêmes inquiétudes que les ménages le point mort d’inflation ralentissant depuis janvier. L’inflation mesurée par l’IPC a freiné en mars à 2,4% (contre 2,8% en février), principalement en raison de la déflation énergétique et de la hausse moins importante des loyers et du prix des assurances automobiles. En revanche, le déflateur de la consommation reste stable à 2,5% en février. Les prix à la production ont aussi ralenti (+2,8% en mars ; -0,4 point sur un mois).

En zone euro, l’inflation a également baissé au cours du premier trimestre, passant de 2,5% en janvier à 2,2% en mars

La France affiche l’inflation la moins élevée (0,9%), suivie du Luxembourg (1,5%), tandis que la Croatie et l’Estonie subissent la hausse des prix la plus forte (4,5%). La croissance des salaires négociés en zone euro a ralenti en décembre 2024 (+4,1% a/a ; -0,5pp) et l’évolution du wage tracker de la BCE conforte la décélération attendue en 2025 (prévision actuelle à +1,6% a/a au T4 2025). L’indice des prix à la production a, en revanche, fortement augmenté en février (+3,0% a/a). Il dépasse désormais l’inflation, une première depuis fin 2022.

Bien que l’inflation recule au Royaume-Uni (2,6% en mars contre 3,0% en janvier), les perspectives y sont moins favorables qu’en zone euro

L’inflation sous-jacente décélère (3,4% contre 3,7% en janvier), mais reste supérieure à la mesure globale. Malgré la dégradation toujours importante du marché du travail, la croissance des salaires ne se modère pas, limitant ainsi la désinflation. C’est également ce qu’indiquent les anticipations d’inflation des ménages, qui sont en hausse depuis le T4 2024. Les anticipations à long terme surpassent d’ailleurs les niveaux enregistrés durant la crise inflationniste.

Après avoir augmenté en fin d’année 2024, au Japon l’inflation a ralenti au premier trimestre (passant de 4,0% en janvier à 3,6% en mars), en raison de la baisse des contributions des composantes volatiles (énergie, alimentation périssable)

Les perspectives pour les prochains mois pointent vers une stabilisation de l’inflation : l’indicateur des pressions sur les prix (côté offre) reste stable, les anticipations d’inflation des ménages à 1 an n’augmentent que très légèrement, le salaire mensuel moyen hors prime s’est nettement modéré, et l’indice des prix à la production se stabilise aux alentours de 4% depuis le début de l’année.

Graphique du mois | États-Unis : l’inflation qui pourrait venir de Chine

Contribution à l'inflation sous-jacente américaine mensuelle des composantes les plus exposées aux hausses de droits de douane contre la Chine

Sources : BLS, Macrobond, BNP Paribas

Aux États-Unis, le surcroît d’inflation dû à la hausse des droits de douane américains, en particulier à l’encontre des importations chinoises (au niveau prohibitif de 145%, au moment où nous écrivons ces lignes), est un risque clairement identifié dont on attend encore la matérialisation. Alors que l’inflation n’a pas encore totalement disparu, il est certain que le choc tarifaire la poussera à la hausse. Trois facteurs vont jouer :

  • des prix à l’importation plus élevés,
  • une moindre pression concurrentielle sur les producteurs nationaux,
  • de probables problèmes d’approvisionnement entraînant un déséquilibre entre l’offre et la demande. L’incertitude porte sur l’ampleur de sa remontée. Celle-ci pourrait toutefois être en partie absorbée par les effets de change et les comportements de marge, et tempérée par le ralentissement de la demande.

D’après nos prévisions, l’inflation américaine commencerait à visiblement remonter de façon visible à partir du T3 2025, dépassant légèrement 3% a/a, et atteindrait un pic à 4% au T2 2026. En moyenne annuelle, l’inflation s’élèverait à 3,1% en 2025 et 3,7% en 2026. Cette hausse ne procèderait pas d’une mécanique inflationniste auto-entretenue comme entre 2021 et 2023. De ce point de vue, elle devrait revêtir un caractère transitoire, à condition qu’une désescalade dans la guerre commerciale ait bien lieu, que la Fed ne baisse pas ses taux de manière prématurée et/ou que l’indépendance de cette dernière ne soit pas remise en cause. Le tout permettrait aux anticipations d’inflation des ménages de redescendre des sommets actuels et leur éviterait de devenir auto-réalisatrices.

Pour l’heure, les signes avant-coureurs se limitent à la forte remontée des anticipations d’inflation des ménages et au net redressement des prix des intrants dans les enquêtes sur le climat des affaires. Les chiffres d’inflation eux-mêmes ne portent pas encore de trace significative des hausses de droits de douane déjà effectives, notamment vis-à-vis de la Chine.

Afin de détecter et de surveiller au plus près ces traces, nous avons identifié les composantes de l’indice des prix à la consommation (IPC) américain correspondant au mieux aux 16 produits les plus importés de Chine[1]. Ces composantes représentent un peu plus de 10% de l’IPC sous-jacent. Notre graphique du mois montre leur contribution à l’inflation sous-jacente mensuelle depuis 2012 (date à partir de laquelle l’ensemble des données sont disponibles), ce qui permet d’avoir un peu de recul historique. La volatilité est assez importante : si cela n’a rien d’anormal, compte tenu de la fréquence mensuelle des données, cela rend difficile de distinguer le signal du bruit. La contribution moyenne comme médiane[2] est nulle sur toute la période. Le choc inflationniste de 2021-2022 est toutefois bien visible. On peut imaginer que le choc tarifaire sur les importations chinoises le sera aussi dans les prochains mois.

Pour le moment, les signes sont ténus : la contribution est redevenue légèrement positive en février et mars 2025, après avoir été plus souvent en territoire négatif que positif depuis avril 2023. Compte tenu de l'incertitude qui règne quant au niveau, à la portée et à la durée des droits de douane, les entreprises prennent probablement encore le temps d’évaluer la meilleure conduite à suivre en termes d’adaptation de leurs prix. Nous pensons plus probable qu’elles finiront par répercuter la majeure partie des droits de douane sur les consommateurs plutôt que de les absorber dans leurs marges. Toutefois, ce processus pourrait être échelonné et prendre un certain temps, les dirigeants attendant davantage de certitudes pour agir.

[1] Il s’agit globalement de produits électriques, électroniques, informatiques, textiles, d’habillement, de jouets, d’équipements domestiques, de pièces et accessoires automobiles, d’articles manufacturés divers.

[2] À trois chiffres après la virgule, la médiane est négative (-0,003) et la moyenne positive (0,001).

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE
Equipe : Économies avancées