Le redressement de l’activité depuis la fin des confinements imposés à Shanghai au printemps dernier a été très progressif. Il s’est renforcé en août, notamment soutenu par l’investissement public et des aides fiscales, mais il devrait de nouveau marquer le pas en septembre. Alors que les exportations commencent à souffrir de l’affaiblissement de la demande mondiale, le maintien de la stratégie zéro Covid et la grave crise du secteur immobilier continuent de peser lourdement sur la confiance, la consommation privée et l’investissement. Seul un assouplissement de la politique sanitaire et de plus amples mesures de soutien au marché immobilier semblent pouvoir sortir l’économie chinoise de sa déprime actuelle
Bien que toujours dynamique, la croissance économique a ralenti au premier trimestre de l’exercice budgétaire en cours. Le durcissement monétaire, une mousson très hétérogène et les perturbations dans les chaînes de valeurs mondiales devraient peser sur l’activité au cours des deux prochains trimestres. La banque centrale a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour l’ensemble de l’année. Dans le même temps, les pressions sur les comptes extérieurs et la roupie devraient rester fortes. En dépit de cet environnement peu favorable, les entreprises et les banques résistent.
La reprise se poursuit en Thaïlande. Le rebond de la consommation privée et le retour progressif des touristes devraient aider, du moins à court terme, à compenser le ralentissement des exportations. Les risques qui pèsent sur la croissance restent toutefois orientés à la baisse du fait de l’accélération de l’inflation et du resserrement monétaire, de la faiblesse de la demande mondiale et de l’absence de touristes chinois. À l’approche des élections, prévues en mai 2023, les tensions politiques pourraient de nouveau augmenter. Les investissements stratégiques à moyen terme, compris notamment dans le programme Eastern Economic Corridor, ne devraient cependant pas être compromis.
Le ralentissement de l’économie va sans doute se poursuivre au cours des prochains trimestres. Par ailleurs, la Pologne est confrontée à plusieurs défis. D’abord, le pays est très dépendant des importations de charbon, matière première dont les prix se sont envolés depuis fin 2021. Les pressions inflationnistes restent élevées alors que la Banque centrale s’oriente vers une politique monétaire moins restrictive. Enfin, le moratoire sur le remboursement des crédits hypothécaires en 2022 et 2023 va peser sur le bilan des banques à court terme. L’économie polonaise dispose néanmoins de plusieurs atouts et devrait faire preuve de résilience.
Au deuxième trimestre 2022, tous les moteurs de la croissance ont ralenti. Très exposée à la Russie pour son approvisionnement en gaz et en pétrole, la Slovaquie pourrait être parmi les pays d’Europe centrale les plus affectés par les répercussions de la guerre en Ukraine. L’envolée des coûts énergétiques ainsi que les difficultés d’approvisionnement pèseront sur l’activité industrielle, qui n’a pas encore retrouvé son niveau pré-Covid. Par ailleurs, l’inflation a accéléré mais reste plus modérée que dans les autres pays de la région. Enfin, les comptes publics et externes vont se dégrader à court terme mais cette situation reste gérable.
Le dynamisme observé au premier semestre 2022 s’essouffle. Le rebond de la consommation privée est freiné par la hausse des pressions inflationnistes, tandis que les exportations marquent le pas sous l’effet du ralentissement de la croissance aux États-Unis et de la demande mondiale. Les fragilités structurelles de l’économie (faiblesse de l’investissement, manque d’infrastructures) limitent également le rebond de croissance. Par ailleurs, un dérapage des finances publiques s’avère de plus en plus probable à moyen terme. La hausse très limitée des revenus ne suffira pas à compenser la nécessaire augmentation des dépenses publiques dans les années à venir. En outre, les fonds souverains ont été utilisés au cours des deux dernières années, et le gouvernement ne dispose plus de réserves.
L’accélération de la croissance, le ralentissement de l’inflation, la baisse du chômage et l’interruption du cycle de resserrement monétaire distinguent le Brésil de la plupart des grandes économies. Ces évolutions, largement imputables à l’action de la politique budgétaire (hausse des transferts, réduction des taxes et du prix des carburants), compliquent la tâche des autorités monétaires car elles compensent l’effet restrictif de leur politique. Au second semestre 2022, la relance budgétaire devrait limiter le ralentissement attendu de l’activité. Les bonnes performances économiques ont permis aux actifs financiers brésiliens de résister malgré la tenue des élections générales et un contexte mondial dégradé.
Les comptes extérieurs égyptiens sont sous pression depuis le début de l’année et les perspectives sont incertaines. Si le compte courant a bien résisté aux chocs externes grâce à la hausse des revenus gaziers, seul le soutien massif des pays du Golfe a permis de faire face aux sorties d’investissements de portefeuille et d’éviter une crise de change. La dynamique reste négative à court terme compte tenu de la baisse des actifs en devises du système bancaire et des pressions persistantes sur le change, malgré la dépréciation de plus de 20% depuis le début de l’année
Les indicateurs de l’économie qatarie, peu diversifiée et basée sur des contrats longs d’exportation de gaz, n’ont pas connu la même volatilité qu’ailleurs dans le Golfe au cours des cinq dernières années. À court terme, la conjoncture pétrolière et l’organisation de la Coupe du Monde vont soutenir la croissance et permettre le retour d’excédents budgétaires et extérieurs substantiels. De même, la réduction de la dette extérieure des banques devrait se confirmer. L’inflation restera relativement modérée grâce à l’intervention du gouvernement et à l’effet modérateur de l’appréciation du dollar sur les prix des importations. À moyen terme, les perspectives macroéconomiques sont très positives en raison de l’augmentation significative de la rente gazière
Deux ans après le choc de la pandémie, la Tunisie est durement frappée par les conséquences du conflit en Ukraine. L’envolée des prix des matières premières conduit à une dégradation dangereuse des comptes extérieurs et des finances publiques. L’inflation atteint des niveaux historiquement élevés, pénalisant un peu plus l’activité économique, qui peine à retrouver de l’allant depuis la crise de 2020. En l’absence de marge de manœuvre financière, la Tunisie espère obtenir l’appui du FMI pour apaiser les tensions macroéconomiques. Il y a urgence.
En 2020-2021, grâce à son économie diversifiée, le Kenya avait relativement mieux résisté au choc de la pandémie que les autres économies d’Afrique sub-saharienne. Mais, en 2022-2023, la reprise sera bridée par les effets indirects de la guerre en Ukraine et soumise à d’importants risques baissiers. Le pays fait face à une dégradation des termes de l’échange. L’accélération de l’inflation va peser sur la demande domestique avec le risque de nourrir l’instabilité sociale, ce qui pourrait compliquer les efforts entrepris de consolidation budgétaire. Or, celle-ci est nécessaire pour préserver le soutien des créanciers multilatéraux, notamment celui du FMI. Le nouveau président exclut l’option d’une restructuration préventive de la dette
Au lendemain des élections générales au Kenya, l’incertitude demeure forte. Dans un contexte socio-économique sensible, le nouveau président William Ruto devra d’abord poursuivre la consolidation budgétaire et la réduction de l’endettement public. S’il exclut une restructuration préventive de la dette, le niveau élevé du risque souverain requiert de freiner la dégradation des finances publiques. Le déficit budgétaire s’est élevé à -7,7% du PIB en moyenne sur la période 2015/21 et la dette publique a atteint près de 70% du PIB en 2021 (vs. 49% en 2015). En outre, la charge d’intérêt sur la dette publique représente désormais plus de 20% des revenus budgétaires et son service total absorbe 50% des revenus (vs. 38% en 2015)
Au Chili, une large majorité de votants (près de 62%, avec un taux de participation exceptionnel) a rejeté le projet de nouvelle constitution lors du référendum organisé le 4 septembre dernier. Ce projet, contenant près de 400 articles, ne proposait pas de réforme profonde du modèle économique chilien ; la Banque centrale devait rester indépendante, tandis que les droits de propriété et du travail n’étaient pas remis en cause. Elle garantissait en revanche un meilleur accès de la population à un ensemble de droits sociaux (logement, éducation, soins), alors qu’actuellement l’État prend à sa charge uniquement les besoins qui ne sont pas couverts par le secteur privé. Cela supposait une augmentation substantielle et pérenne des dépenses publiques
Le FMI et le gouvernement pakistanais sont parvenus à un accord de principe sur la poursuite du programme de financement (« Extended Fund Facility »), interrompu depuis le mois de mars. Si le comité exécutif du FMI valide l’accord dans les prochaines semaines, le Pakistan recevra l’équivalent de près de USD 1,2 md. Une extension du programme de soutien de septembre 2022 jusqu’à juin 2023 pourrait permettre au pays de recevoir SDR 720 mns supplémentaires (i.e. environ USD 947 mns). Même si cet accord va permettre d’alléger partiellement et temporairement les pressions sur les comptes extérieurs du pays, les risques d’une crise de la balance des paiements restent élevés. Les fortes tensions sur la roupie pakistanaise ne se sont pas allégées
Alors même que la reprise post-pandémique reste fragile, les pays émergents sont maintenant confrontés à une autre crise majeure : le conflit en Ukraine et ses effets globalement négatifs sur le commerce extérieur, les flux de capitaux et, surtout, l’inflation. L’effet indirect de la hausse des prix des matières premières sur l’inflation et le pouvoir d’achat des populations pourrait être particulièrement sévère, et toucher en premier lieu les pays à faible revenu d’Afrique, d’Europe centrale et des Balkans. En dépit de cet environnement, nous n’anticipons pas de dégradation généralisée de la solvabilité publique et externe des pays émergents à court terme
Les perspectives économiques de l’Égypte se sont brusquement dégradées avec le déclenchement de la guerre en Ukraine et ses conséquences sur les prix des matières premières. Leur hausse généralisée va entraîner une chute du pouvoir d’achat des ménages et donc gripper le principal moteur de l’activité. L’érosion de la liquidité en devises s’est accélérée depuis un mois avec des sorties massives de capitaux. En outre, le déficit courant devrait se creuser en raison de la difficile compression des importations, la fréquentation touristique pourrait baisser et l’effet de la dépréciation de la livre sur les exportations devrait être limité. Ces difficultés soulignent la persistance de la vulnérabilité de l’économie aux chocs externes et la nécessité de soutiens extérieurs
En raison de sa forte dépendance aux importations de pétrole et de blé, le Maroc va souffrir des conséquences de la guerre en Ukraine. Néanmoins, des réserves de change confortables vont permettre d’absorber le choc commercial. De plus, l’orientation expansionniste de la politique budgétaire n’est pas remise en cause par la hausse des subventions énergétiques et alimentaires et la banque centrale compte maintenir son biais accommodant en dépit de pressions inflationnistes fortes. Le soutien de la puissance publique demeure en effet crucial au moment où l’économie doit aussi faire face à une chute significative de la production agricole, et donc de sa croissance. À court terme, la solvabilité budgétaire et la liquidité extérieure ne sont pas menacées
Les finances publiques de la Colombie ont été sous le feu des projecteurs ces dernières années. Alors que la fréquence des chocs externes et les pressions pour accroître les dépenses sociales se multiplient, le pays continue de rencontrer des difficultés à augmenter ses recettes budgétaires. La suspension du processus de consolidation budgétaire consécutive au choc de la Covid-19, les fréquents biais (optimistes) en matière de planification budgétaire, la progression rapide du ratio d’endettement public et les doutes quant aux capacités futures d’ajustement de l’action politique sont autant de motifs d’inquiétude qui ont mené à la perte du statut d’ « investment grade » à l’été 2021
Après une contraction historique de l’activité en 2020, la croissance annuelle du PIB de l’Afrique du Sud s’est établie à 4,9% en 2021. Il s’agit du plus haut taux de croissance enregistré depuis 2007. La forte reprise du S1 2021 a été pénalisée par les émeutes qui ont eu lieu au cours de l’été et le retour des restrictions sanitaires face au variant Omicron au T4 2021. Le dynamisme de la reprise devrait continuer à s’essouffler pour atteindre 1,3% en 2022, selon nos prévisions. L’activité continuera en effet d’être structurellement contrainte par un faible potentiel de croissance. La hausse des prix continue d’accélérer
Les comptes extérieurs indonésiens se sont, à première vue, consolidés en 2021. Les réserves de change ont atteint 131 milliards de dollars (l’équivalent de 8,3 mois d’importations de biens et services) et la dette extérieure a atteint seulement 35% du PIB (un niveau inférieur à ce qui prévalait avant l’épidémie de Covid-19). Par ailleurs, le compte courant a enregistré un léger excédent (de 0,3% du PIB), ce qui n’était pas arrivé depuis 2011. Cette bonne performance du compte courant reflète la très forte hausse du surplus commercial. Il a atteint 4,1% du PIB contre seulement 1,3% en moyenne au cours des cinq dernières années
Malgré une amélioration significative des indicateurs macroéconomiques depuis cinq ans, la liquidité en devises reste une source de vulnérabilité importante pour l’économie égyptienne. La position extérieure nette des banques commerciales est en détérioration continue depuis un an ; elle était négative de plus de USD 10 mds en décembre dernier, de loin le plus bas niveau atteint depuis dix ans. Parallèlement, les réserves de change brutes de la banque centrale n’ont que très légèrement progressé sur un an. Cette détérioration de la position extérieure de l’ensemble du système bancaire est le reflet de celle des comptes extérieurs. Le déficit du compte courant se creuse avec le fort rebond des importations
Les pays émergents terminent l’année 2021 avec une détérioration de la balance perspectives/risques. Pour 2022, le ralentissement de la croissance sera plus important que prévu avec éventuellement un risque d’instabilité sociale à l’image des soubresauts au Kazakhstan. Au cours des trois derniers mois, la Turquie s’est illustrée par une mini-crise financière. La politique monétaire et de change mise sur les exportations et l’investissement pour soutenir la croissance et rétablir les grands équilibres à moyen terme mais au prix d’une forte instabilité financière à court terme. C’est un pari osé qui pourrait contraindre les autorités à recourir à un véritable contrôle des changes au lieu des mesures incitatives prises jusqu’à présent.
La croissance économique reste vulnérable à une nouvelle vague épidémique alors que moins de 50% de la population indienne est vaccinée. Déjà en perte de vitesse au mois de décembre, l’activité pourrait être à nouveau freinée par la vague qui touche le pays depuis janvier, alors même que les conditions sur le marché de l’emploi restent dégradées. L’inflation constitue un autre risque pour la reprise. En plus de réduire le pouvoir d’achat des ménages, elle pourrait contraindre les autorités monétaires à relever leurs taux d’intérêt
Alors que le Vietnam a traversé la crise sanitaire de 2020 sans forte vague d’infections, sans contraction du PIB ni dégradation notable des fondamentaux macroéconomiques, la situation a été plus compliquée en 2021. Au T3, la flambée du nombre de cas de Covid-19 et le confinement strict ont conduit à un arrêt de l’activité. Au T4, la courbe épidémique s’est encore dégradée, mais l’activité a redémarré grâce au progrès de la vaccination et à l’ajustement de la stratégie « zéro Covid ». La production et les exportations du secteur manufacturier ont rebondi et leurs perspectives de croissance restent solides. En revanche, la consommation privée et les services sont affaiblis. Le gouvernement dispose d’une marge de manœuvre pour renforcer son soutien budgétaire.
Les perspectives de croissance à court et moyen terme sont limitées en Thaïlande. La consommation privée et le secteur du tourisme, principaux moteurs de la croissance du PIB, resteront durablement affaiblis. Dans le secteur du tourisme particulièrement, il est peu probable que le niveau d’activité enregistré en 2019 soit atteint avant 2024. Par ailleurs, les faiblesses structurelles de l’économie (manque d’investissement, d’infrastructures) ont été exacerbées par la crise et pèseront sur la reprise, notamment des exportations. Cela dit, la vulnérabilité extérieure du pays a augmenté au cours des deux dernières années, mais reste pour le moment très modérée.