Eco Conjoncture

Nigéria convalescent

15/07/2019
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La première économie d’Afrique sub-saharienne tourne au ralenti. Si le rééquilibrage des comptes externes affiche quelques progrès, le niveau des importations reste très en deçà de celui d’avant-crise. La reconstitution des réserves de change s’accompagne d’une aggravation de la vulnérabilité financière, qui in fine pèse sur l’orientation de la politique monétaire en raison de la volonté des autorités de maintenir un taux de change stable. La fragilisation des comptes publics constitue une contrainte supplémentaire. A court terme, et malgré son potentiel élevé, la croissance économique prévue restera inférieure à la poussée démographique. En plus du renforcement de la stabilité macroéconomique, les autorités devront s’attaquer aux contraintes structurelles qui pèsent sur l’ensemble de l’économie.

Le Nigéria est loin d’avoir tourné la page du choc pétrolier de 2014. Si la croissance économique a retrouvé un peu d’allant, elle reste encore en net retrait par rapport à ses niveaux d’avant-crise. Surtout, les prévisions n’indiquent pas d’améliorations tangibles. Entre une politique monétaire restrictive, les fragilités des comptes publics et externes ou encore la dégradation des bilans bancaires, les freins demeurent très nombreux. Au-delà, c’est la capacité des autorités à s’attaquer aux problèmes de fond qui pose question.

Reprise économique poussive

Selon les derniers chiffres de l’office national de statistiques, la croissance économique a ralenti au premier trimestre 2019 à 2% contre 2,4% au trimestre précédent (cf. graphique 1). En outre, ce fléchissement ne résulte pas seulement d’une contre-performance du secteur des hydrocarbures, dont la valeur ajoutée s’est contractée de 2,4%. Hors hydrocarbures (91% du PIB réel), la croissance a aussi décéléré, passant de 2,7 % au T4 2018 à 2,5% au T12019. Plus qu’un coup d’arrêt, cela illustre les fragilités de la reprise économique à l’œuvre depuis la contraction du PIB réel en 2016.

Taux de croissance

Persistance de vents contraires

La sortie de récession en 2017 a été portée dans un premier temps par le rétablissement du secteur pétrolier après d’importants actes de sabotage survenus dans la région du Delta du Niger en 2016. Hors agriculture et hors hydrocarbures, la croissance restait négative (-0,6%) avant de se reprendre quelque peu en 2018 (+2%) grâce au dynamisme soutenu du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC). Sans ce dernier, le panorama aurait été encore plus sombre avec une progression du PIB réel de seulement 0,9% contre 1,1% en 2017.

Or, le constat reste similaire au premier trimestre 2019. En dehors des TIC, dont la dynamique a contribué pour plus de la moitié de la croissance hors hydrocarbure (cf. graphique 2), l’activité est au mieux atone (industrie manufacturière, commerce de détail ou immobilier), voire continue de se contracter pour le secteur de la finance et celui de l’assurance. Même les performances agricoles sont en retrait malgré une croissance de 3,2% au T1. De fait, l’on pouvait s’attendre à mieux après une année 2018 particulièrement difficile (+2,1% en 2018 contre une moyenne de 4,5% entre 2010 et 2014).

Contribution à la croissance hors hydrocarbures

Les vents contraires restent puissants. Le secteur agricole pâtit des nombreux conflits au centre et au nord du pays alors que des pans entiers de l’économie continuent de souffrir des restrictions imposées sur une quarantaine de produits d’importation. En outre, la demande domestique est déprimée.

Depuis 2014, le PIB réel par habitant ne cesse de se contracter et l’atonie de la croissance hors hydrocarbures, conjuguée à la forte progression de la population active (+4,5%), s’est traduite par une envolée du taux de chômage. De 10% à fin 2015, ce dernier atteint désormais 23% (plus 20% si l’on prend en compte le sous-emploi). A cela s’ajoute la persistance d’une inflation élevée (cf. graphique 3) qui, après une première baisse entre fin 2017 et mi-2018 grâce à la stabilisation du taux de change, oscille autour de 11% depuis, en raison notamment des fortes pressions sur les prix alimentaires (50,7% de l’indice).

Inflation

Enfin, la croissance du crédit bancaire au secteur privé était toujours négative à fin avril 2019, aussi bien en terme réel (déflaté de l’inflation) que nominal (cf. graphique 4). De par leur exposition élevée au secteur pétrolier (30% des encours à l’économie), les banques ont en effet dû faire face à une forte détérioration de leur portefeuille de crédits (cf. graphique 5) dont les stigmates sont encore loin d’être effacés. Le taux de créances non-performantes est passé de 3% fin 2014 à 15% à la mi-2017 avant de revenir à 11% en 2018 grâce à la hausse des cours du pétrole. Selon le FMI, la part importante de prêts restructurés pourraient masquer une situation bilancielle plus dégradée alors que les ratios de capitalisation demeuraient inférieurs de trois points à leur niveau d’avant-crise. Par ailleurs, les rendements offerts sur les bons du Trésor étant élevés, il en résulte un effet d’éviction qui devrait persister à court terme.

Crédit bancaire au secteur privé
Indicateur de solidité financière

Environnement monétaire toujours restrictif

L’orientation de la politique monétaire soulève des interrogations. Après plus de deux ans de politique monétaire très restrictive, la Banque centrale du Nigéria (CBN) a procédé à une baisse homéopathique de son taux directeur de 14% à 13,5% fin mars.

Plusieurs éléments limitent la portée de cette baisse de taux. La CBN pilote essentiellement la gestion de la liquidité via des émissions massives de titres. Depuis 2015, les taux interbancaires sont ainsi régulièrement supérieurs au taux directeur, ce qui réduit les signaux envoyés par ce dernier (cf. graphique 6), sans parler du coût élevé d’une telle politique (1,1% du PIB rien qu’en 2018 selon le FMI).

De plus, l’inflation se situe toujours au-dessus de la cible de 6-9% fixée par les autorités monétaires mais aussi les risques sont plutôt haussiers en raison de la hausse prévue des deux tiers du salaire minimum (secteurs privé et public), même si les effets sont difficilement mesurables à ce stade.

Taux d'intérêt

Surtout, la CBN est contrainte par la politique de change. Afin d’amortir le choc extérieur généré par la chute des recettes exportations pétrolières, les autorités monétaires ont, dans un premier temps, dévalué le cours officiel du Naira de 30% avant d’instaurer, en avril 2017, une nouvelle fenêtre d’accès à la Naira à des conditions de marché pour les investisseurs et les exportateurs.

Le taux NAFEX est ainsi devenu le cours de référence en s’alignant sur celui du marché parallèle (cf. graphique 7). L’écart entre ce dernier et le taux de change officiel s’est réduit à 20% après avoir atteint un pic de 60% en février 2017. Plus de 70% des transactions commerciales et financières transitent ainsi par cette fenêtre, à un cours qui s’est rapidement stabilisé autour de NGN/USD360. En ce qui concerne le taux officiel, il est fixé à NGN/USD305 et il est essentiellement utilisé pour les importations de produits pétroliers et le service de la dette extérieure.

Malgré les distorsions que cela implique, le président du Nigeria et le gouverneur de la CBN, ne sont pas favorables à une convergence des taux qui, selon eux, comporterait surtout des effets inflationnistes.

Taux de change

Or, la position extérieure demeure encore fragile, tant au niveau des transactions courantes que de la structure de financement (voir ci-dessous). La CBN, en émettant massivement des titres pour éponger la liquidité ces dernières années, a notamment accentué la vulnérabilité du Nigéria aux sorties de capitaux. A fin avril, les investisseurs non-résidents en détenaient pour l’équivalent de USD 15 mds contre un stock de réserves de changes de USD 45 mds.

Le Nigéria ne peut donc pas se permettre de voir les rendements sur les titres publics (dont ceux émis par la CBN) baisser trop fortement, au risque de fragiliser la stabilité de son régime de change. En d’autres termes, les marges d’assouplissement monétaire resteront très limitées.

Stabilité macroéconomique : toujours fragile

Avec plus de 90% des exportations générées par le secteur pétrolier, le Nigéria a subi un choc macroéconomique violent. Les comptes extérieurs ont basculé dans le rouge en 2015, entraînant un assèchement des liquidités en devise qui in fine aboutira à la mise en place de restrictions d’importations. Depuis, les progrès ont été indéniables.

Contrairement aux autres producteurs de pétrole africains, le compte courant est redevenu excédentaire dès 2016 (cf. graphique 8). Conjugué à un afflux important de capitaux en 2017, le Nigéria a ainsi pu reconstituer un matelas de devises confortable. Des tensions sur la balance des paiements sont néanmoins réapparues en 2018, rappelant à quel point la stabilité extérieure était fragile. L’incapacité des autorités à accroître les ressources hors hydrocarbures et l’envolée des charges d’intérêt de la dette pèsent également sur les finances publiques dont la dynamique inquiète.

Compte courant

Position extérieure : vulnérabilité financière accrue

Le rééquilibrage des comptes extérieurs a subi un coup d’arrêt en 2018. Malgré la bonne tenue des exportations pétrolières, l’excédent du compte courant été divisé par deux, à USD 5 mds, en raison de l’envolée d’importations de services. En tant qu’importateur de produits pétroliers raffinés, la hausse des cours du Brent a également généré un surcroît de plus de USD 3 mds d’importations de biens.

Une méga-raffinerie est en cours de construction. Elle pourrait être opérationnelle d’ici 2 à 3 ans et devrait permettre de couvrir les besoins du marché local. D’ici là, les importations de produits raffinés continueront de représenter l’équivalent de 20% des exportations de pétrole.

En outre, le Nigéria a été aussi affecté par des sorties massives de capitaux à partir d’avril (USD 9 mds selon le FMI), dont les effets n’ont été que partiellement amortis par une nouvelle émission euro-obligataire en novembre (USD 2,86 mds) après celle de février (USD 2,5 mds). Les réserves de change ont ainsi diminué de 10% sur les neuf derniers mois de l’année, concluant 2018 sur une quasi-stabilité alors qu’elles avaient doublé entre octobre 2016 et fin 2017.

Depuis la pression s’est quelque peu atténuée. Les réserves de changes ont repris presque USD 3 mds entre janvier et mai pour s’établir à USD 45 mds (cf. graphique 9), soit un niveau relativement proche du pic historique. Pour autant, le tableau général reste mitigé. Exprimées en mois d’importations de biens et services, les réserves de changes étaient inférieures à sept mois contre presque dix mois début 2018. Si cela reste confortable pour se prémunir d’un éventuel choc à court terme, le Nigéria aura besoin d’amortisseurs plus importants pour assoir durablement sa stabilité extérieure en raison de l’importance des investissements de portefeuille.

La chute prononcée des cours du Brent, à USD 60,4, a refait basculer le compte courant dans le rouge au T1 2019 (cf. graphique 10), quelques mois à peine après une contre-performance relativement similaire au T3 2018 liée à un volume significatif d’importations de biens d’équipements (construction de la nouvelle raffinerie). A ce stade, on estime toujours que le Nigéria sera toujours en mesure de dégager un léger excédent courant autour de 1-1,5% du PIB en 2019 et 2020, sous réserve d’une stabilisation du cours du Brent à USD 65. Cela suppose également une stabilisation des importations à USD 40 mds, et donc le maintien des politiques protectionnistes mises en place après le choc pétrolier. En 2014, les importations de biens atteignaient USD 61 mds.

Réserves de change

Comptes extérieurs et cours du pétrole

La position extérieure repose sur une structure de financement de plus en plus volatile. Sur les USD 7,6 mds de flux entrants de capitaux au T1 2019, USD 7,1 mds étaient des investissements de portefeuille dont 80% de dette à court terme. Certes, cette proportion extrêmement élevée de flux de court terme peut s’expliquer par les tensions inhérentes à la tenue d’élections présidentielles fin février. Néanmoins, les flux de portefeuille ont contribué pour moitié à l’envolée des flux de capitaux sur les deux dernières années (cf. graphique 11) pendant que les investissements directs étrangers demeuraient désespérément bas (0,7% du PIB en moyenne). Il y a peu de raisons que cela change à court terme, le Nigéria offrant des conditions financières suffisamment intéressantes (rendements élevés, stabilité du taux de change) aux yeux d’investisseurs étrangers en quête de rendement. Le stock de « hot money », déjà élevé (130% des réserves de change au T1 2019, cf. graphique 12), risque donc de continuer de croître, accentuant de facto la vulnérabilité financière future à un retournement de la confiance des investisseurs.

Flux entrant de capitaux
Indicateur de vulnérabilité extérieur

Finances publiques : sous pression

La situation des finances publiques soulève également des inquiétudes en raison de l’incapacité des autorités à améliorer la collecte fiscale. Tombées au niveau historiquement bas de 5,6% du PIB en 2016, les recettes consolidées de l’Etat se sont quelque peu redressées depuis, grâce au rebond des cours du pétrole. Néanmoins, elles n’atteignaient que 8,7% du PIB en 2018, soit l’un des ratios les plus faibles d’Afrique sub-saharienne. Plus inquiétant encore, les recettes hors pétrole se sont aussi érodées de 0,4 point de PIB entre 2015 et 2018 pour se situer à un niveau exceptionnellement bas de 3,7% du PIB.

Les conséquences sont multiples. Premièrement, cela obère toute perspective de consolidation rapide des comptes publics même si les prix du pétrole sont stables. Le déficit général du gouvernement, qui s’est légèrement réduit à 4,9% du PIB en 2018 après avoir atteint un pic à 5,3% en 2017, resterait ainsi supérieur à 4% cette année et en 2020 (cf. graphique 13). Ce ratio était deux fois moins élevé en 2014. Deuxièmement, les marges de manœuvre de l’Etat sont extrêmement réduites. Sans surprise, le niveau des dépenses publiques est aussi parmi les plus bas d’Afrique sub-saharienne (cf. graphique 14). En particulier, l’investissement public est estimé à 3,3% du PIB en 2018, soit 1 point de moins en moyenne que les autres producteurs de pétrole africains pourtant également soumis à de fortes contraintes budgétaires.

Balance budgétaire

La faiblesse des ressources domestiques pèse aussi sur la solvabilité de l’Etat. Le creusement du déficit budgétaire depuis 2014 a entraîné un gonflement de la dette publique. Si celle-ci reste à niveau modéré à 22,4% en 2018, elle représente 2,5 fois le montant des recettes du gouvernement. Surtout, son coût s’est envolé durant cette période en raison de la montée des taux sur le marché domestique. Les charges d’intérêts absorbent désormais plus de 20% des revenus du gouvernement contre 9% en 2014 (cf. graphique 15). Le gouvernement cherche à contourner le problème en sollicitant davantage les marchés financiers internationaux. L’objectif est de porter la part de la dette en devise dans l’endettement total à 40% contre 32% actuellement.

Dépenses budgétaires

Dette générale du gouvernement

Cette stratégie est en apparence cohérente mais elle n’est pas sans danger puisqu’elle augmente l’exposition du souverain au risque de change. La dette publique en devise est faible, inférieure à 6% du PIB, et le risque de refinancement est modéré, les premiers remboursements de principal importants d’eurobonds n’arrivant pas avant 2025. En outre, avec un spread de 500 points de base (en ligne avec les autres émetteurs africains), les conditions de financement devraient rester meilleures que sur le marché domestique.

Malgré une détente des taux depuis le retour des investisseurs non-résidents sur le marché local de la dette, les rendements des bons du Trésor (BDT) sur des maturités courtes se situent encore entre 12% et 14% (cf. graphique 16). Or, la nécessité de défendre le peg, la persistance d’une inflation élevée et les importants besoins de financement du gouvernement (20% du stock de la dette domestique est constitué de BDT) laissent penser que les taux ne redescendront pas beaucoup plus bas. Avec des charges d’intérêts qui devraient continuer d’absorber plus de 20% du budget en 2019 et 2020, la flexibilité budgétaire en cas de nouvelles déconvenues restera donc limitée.

Rendements des bonds du Trésor

Perspectives de moyen terme : lever les contraintes structurelles

Combien de temps faudra-il au Nigéria pour retrouver sa dynamique de croissance d’avant-crise ? Le potentiel du pays est indéniable. Malgré les difficultés de ces dernières années, le Nigéria reste la première économie africaine avec PIB de USD 435 mds.

Selon l’ONU, sa population devrait plus que doubler à horizon 2050 pour atteindre 410 millions d’habitants, dont 70% résideraient dans des zones urbaines (contre 50% aujourd’hui).

Le Nigéria deviendrait ainsi le troisième pays le plus peuplé de la planète. Or, avec des besoins socio-économiques déjà immenses (le PIB par habitant est seulement de USD 2000), ces tendances démographiques peuvent être vues comme une menace ou comme une formidable opportunité d’investissements. Pour l’instant, c’est le pessimisme qui prédomine.

Avec une croissance économique qui ne se redresserait que timidement pour atteindre 2,5% en 2020 avant de se stabiliser par la suite, le niveau de richesse réel par habitant devrait continuer de s’éroder (cf. graphique 17), soulignant la nécessité de s’attaquer au plus vite aux nombreuses rigidités structurelles qui affectent l’économie.

Taux de croissance

Secteur des hydrocarbures

A première vue, les performances de l’industrie pétrolière au Nigéria sont plutôt satisfaisantes. La production est pratiquement revenue à 2 millions de barils par jour (b/j) après être tombée à 1,8 million en 2016 en raison d’actes de sabotage. Par ailleurs, le gigantesque champ pétrolier Egina vient tout juste d’entrer en production. Son apport est estimé à 200 000 barils par jour, soit 10% de la production nationale. Néanmoins, le Nigéria est en mesure de faire beaucoup mieux, compte tenu des énormes réserves dont il dispose dans son sous-sol (1/3 du total en Afrique) et de la maturité de son industrie (les compagnies étrangères sont actives depuis 1950).

De fait, la production pétrolière est attendue à 2,1 millions de b/j en 2020 (cf. graphique 18), ce qui restera assez loin des pics atteints en 2005 et en 2010. L’insécurité persistance dans la région du Delta du Niger demeure l’un des principaux freins au développement de l’industrie pétrolière. Pour contourner ces problèmes, les compagnies étrangères se sont tournées vers les réserves situées en offshore profond mais le coût de production élevé et les atermoiements sur la réforme du cadre réglementaire en limitent l’attractivité.

Le processus est complexe et dure depuis plus d’une décennie. Il va d’une refonte de la fiscalité à la restructuration de la compagnie nationale, la NNPC, et au rôle de l’Etat actionnaire. En particulier, l’Etat chercherait à réduire à 40% sa participation dans les coentreprises pétrolières constituées avec compagnies étrangères d’ici la fin de l’année 2019, contre 55-60% aujourd’hui. Mais le contexte actuel n’est guère porteur pour ce genre d’initiative. Surtout, le faible intérêt du président Buhari pour réorganiser le secteur pétrolier durant son premier mandat n’augure pas de grands changements à venir.

Production de pétrole

Hors hydrocarbures

La mise en place de réformes n’est pas seulement cruciale pour l’avenir de l’industrie pétrolière, elle l’est autant - si ce n’est plus - pour le reste de l’économie.

Le défi est colossal. Les différentes enquêtes menées sur l’environnement des affaires placent en général le Nigéria parmi les pays les plus difficiles au monde. C’est notamment le cas de l’enquête de la Banque mondiale qui le situe à la 146e place sur 190 pays. Cette performance d’ensemble doit être nuancée.

Malgré un saut de plus vingt places sur les trois dernières années, le Nigéria n’est revenu qu’au niveau moyen de l’Afrique sub-saharienne, elle-même se plaçant assez loin des standards internationaux. En outre, cette progression résulte principalement de la simplification de procédures réglementaires et non pas d’une amélioration des infrastructures qui demeurent un véritable obstacle au développement du secteur privé. La fourniture d’électricité est particulièrement défaillante. Le Nigéria dispose d’une capacité de 12500 megawatts (MW) pour alimenter un pays de 190 millions d’habitants alors qu’il en faudrait quasiment le double. Surtout, la production générée sur le réseau peut tomber sous 4000 MW en raison de la faible puissance de son réseau, obligeant industriels et particuliers à se tourner vers des systèmes alternatifs plus onéreux. Les surcoûts générés par le manque d’infrastructures physiques (ports, routes) et sanitaires sont également significatifs.

Il n’est pas étonnant dès lors de voir le Nigéria enregistrer des niveaux d’investissement structurellement bas. La dynamique s’est même détériorée ces dernières années en raison de l’aversion des banques au risque, l’atonie de la croissance et la pression sur les finances publiques. En 2018, le taux d’investissement était ainsi inférieur à 14% du PIB contre 16% en 2014 (cf. graphique 19). A titre de comparaison, ce ratio atteignait 23% en moyenne pour les autres producteurs africains de pétrole et 25% pour le sous-continent. Le Nigéria attire aussi de plus en plus difficilement des investissements directs étrangers (cf. graphique 20). Ainsi en 2018, ce dernier en a reçu moins que le Ghana, dont le PIB est pourtant 6 fois plus petit. De plus, les investissements directs étrangers au Nigéria sont concentrés surtout dans le secteur des hydrocarbures avec des retombées sur le reste de l’économie en général limitées.

Taux d'investissement

Reste un autre écueil à surmonter : la gouvernance. Si la mise en place de réformes devrait stimuler l’investissement, il faudra aussi s’assurer de la qualité de leur exécution. Or, le classement du Nigéria dans les indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale (cf. graphique 21) témoigne du chemin qui reste à parcourir.

Le Nigéria semble avoir été durablement affecté par le choc pétrolier de 2014. Si la contrainte de l’accès aux devises étrangères s’est en partie desserrée, les conditions macroéconomiques ne permettent pas pour le moment à l’économie de retrouver véritablement le chemin de la croissance.

Investissements directs étrangers

Indicateurs de gouvernance

En revanche, la réélection du président Buhari a levé une source d’incertitude majeure. Sa victoire assez nette au premier tour et la mainmise de son parti, l’APC, sur l’Assemblée nationale et le Sénat lui donnent ainsi des marges de manœuvre pour mettre en place les réformes inscrites dans le plan de relance et de croissance économiques (ERPG 2017-2020). Ce programme établit un état des lieux de l’économie partagé par les principales organisations internationales. La mise à niveau des infrastructures, notamment énergétiques, l’élaboration de politiques sectorielles visant à accélérer la diversification de l’économie, ou encore la revitalisation de l’industrie pétrolière y figurent en bonne place.

Cependant, pour passer des bonnes intentions aux actes, les différentes strates du pouvoir devront faire preuve d’une meilleure cohésion pour surmonter les défis structurels dans un environnement international peu porteur et une contrainte financière forte.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE