L’élection d’Andres Manuel Lopez Obrador à la présidence du Mexique soulève de nombreuses questions. Si le nouveau président et son équipe bénéficient d’un fort soutien populaire, la politique proposée pour les six prochaines années inquiète les investisseurs. Les promesses de maintien de la discipline budgétaire, de l’indépendance de la banque centrale et plus généralement d’un pragmatisme économique, pourraient être incompatibles avec les mesures proposées. En particulier, plusieurs réformes ont été remises en cause, dont celle du secteur de l’énergie. A court terme, ces contradictions ne portent pas à conséquence, compte tenu des solides fondamentaux dont bénéficie l’économie mexicaine. A moyen terme en revanche, la capacité du gouvernement à respecter la discipline budgétaire, maintenir à flot le secteur de l’énergie et garder la confiance des investisseurs constituent des risques.
Un peu plus de six mois après son élection, les premières actions du président Andrés Manuel López Obrador, AMLO, suscitent de nombreuses interrogations. Avant le 1er décembre 2018 (date de la prise de fonction, AMLO ayant été élu le 1er juillet dernier), le président et le nouveau gouvernement ont en effet pris plusieurs décisions radicales, avec un vaste programme de lutte contre la corruption et une « consultation publique » dont le résultat a mené à l’annulation du projet de construction d’un nouvel aéroport à Mexico, et à l’arrêt de plusieurs mesures mises en place par le précédent gouvernement, concernant notamment la réforme du secteur de l’énergie, l’augmentation du salaire minimum et l’annonce de nombreuses mesures visant à réduire les inégalités. Dans le même temps, AMLO et son équipe ont affirmé respecter leurs engagements de campagne quant à la conduite de la politique économique. Ils ont réitéré leur intention de conserver l’indépendance de la banque centrale, en élaborant un budget permettant de respecter la discipline budgétaire observée au cours des dernières années et en signant un nouvel accord commercial avec les Etats-Unis et le Canada.
L’économie mexicaine bénéficie de fondamentaux macroéconomiques et financiers globalement solides mais le pays reste exposé au retournement du sentiment des investisseurs. Le bouleversement politique provoqué par l’élection d’AMLO et le manque de clarté de la politique économique proposée laissent les investisseurs dubitatifs.
Bien que les programmes de soutien à la consommation et de lutte contre la corruption continueront d’assurer au gouvernement un fort soutien populaire, la perte de confiance des investisseurs et le manque de clarté de la politique économique ont dégradé les perspectives de croissance à court terme. La crédibilité du gouvernement quant à sa faculté à respecter ses engagements, notamment en matière de respect de la discipline budgétaire, est amoindrie. L’avenir de la réforme énergétique, qui occupe une place centrale dans la vie politique du pays depuis plusieurs années, est également incertain. Heureusement la vulnérabilité externe du pays est modérée.
Quel contexte politique ?
Le 1er juillet dernier, Andrés Manuel López Obrador, chef du parti de gauche Mouvement de Régénération nationale, Morena, a largement remporté l’élection présidentielle (plus de 53% des suffrages). Il est élu pour un mandat de six ans non renouvelable, et est entré en fonction le 1er décembre dernier.
Le même jour ont eu lieu les élections législatives, dont la coalition composée du parti Morena et de plusieurs petits partis de gauche est également ressortie gagnante, remportant la majorité à la Chambre des députés comme au Sénat. Depuis l’ouverture de la session parlementaire au début du mois de septembre, la position de la coalition s’est renforcée, avec 310 députés enregistrés (sur un total de 500), et 69 sénateurs (sur un total de 128). C’est la première fois depuis 1997 qu’une coalition remporte la majorité absolue dans les deux chambres. De plus, l’opposition est fragmentée, et les prochaines élections (provinciales et locales) n’auront lieu qu’en 2021, ce qui laisse à la principale coalition toute marge de manœuvre pour mettre en place ses réformes.
Les victoires d’AMLO, maire de Mexico de 2000 à 2005, puis candidat « antisystème » battu aux élections présidentielles de 2006 et 2012, et de sa formation Morena ne sont pas anecdotiques. L’alternance politique proposée a remporté une forte adhésion populaire et traduit la volonté de rejeter les deux partis qui s’étaient partagés le pouvoir depuis près d’un siècle : le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, le parti issu de la révolution de 1910, devenu un parti de centre-droit au milieu des années 1980), qui a dirigé le pays de 1929 à 2000, puis de 2012 au 1er décembre dernier, et le Parti d’action nationale (PAN, parti conservateur), de 2000 à 2012.
La promesse faite par AMLO pendant la campagne de lutter contre la corruption et l’insécurité explique en grande partie son succès électoral, une promesse pourtant faite par tous les candidats élus depuis le milieu
des années 80.