Eco Conjoncture

Des pas en avant

28/02/2019
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La première année du mandat du président Joao Lourenço a été marquée par une inflexion assez positive des politiques économiques, compte tenu de sa volonté d’assainir les pratiques politiques et de l’ampleur des réformes économiques entreprises. La fin de l’arrimage du kwanza au dollar a permis d’alléger certaines tensions sur le marché des changes, même si elles restent importantes. L’accord de financement récemment signé avec le FMI contribuera à mettre en œuvre les réformes structurelles. Celles-ci visent à diversifier l’économie en encourageant le développement du secteur privé. Toutefois, les perspectives économiques globales à court terme restent liées à l’évolution des prix internationaux du pétrole en raison de l’absence de diversification de l’économie angolaise. De plus, les difficultés persistantes du système bancaire continuent de peser sur le secteur privé. Aussi la reprise devrait-elle être, au mieux, très progressive compte tenu de la persistance des déséquilibres macroéconomiques.

Malgré l’inflexion positive de la politique économique mise en œuvre par le nouveau gouvernement et la remontée des prix du pétrole, le pays reste confronté à plusieurs défis. Le secteur pétrolier se dégrade, la liquidité en devises est exposée à de fortes tensions, le pouvoir d’achat des ménages s’amenuise et le système bancaire est en butte à de sérieuses difficultés. Le spread souverain en devises reste plus élevé que dans l’ensemble des marchés émergents, de sorte que le coût des emprunts sur les marchés de capitaux internationaux reste relativement onéreux. L’aide financière du FMI, après environ deux ans de coopération, est une mesure particulièrement bienvenue et de nature à rassurer les agents économiques. La politique économique du gouvernement angolais a manifestement changé mais le redressement prendra du temps.

Mise en œuvre de réformes économiques

Depuis sa prise de fonction en septembre 2017, le président Joao Lourenço a lancé d’importantes réformes destinées à améliorer la transparence du secteur financier et la rentabilité des entreprises publiques, à libéraliser le régime de change, mais aussi à améliorer le climat des affaires et la perception de ce dernier par les investisseurs internationaux. L’année qui a suivi son arrivée au pouvoir, le gouvernement a envoyé des signaux positifs de changement politique en centrant son programme sur la lutte contre la corruption et les réformes en faveur de l’économie de marché.

En avril 2018, le parti au pouvoir, le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), a convoqué un congrès extraordinaire en septembre 2018?; une transition politique s’est alors opérée à la tête du parti (dernier vestige de l’hégémonie Dos Santos) au profit du nouveau président, qui a ainsi acquis une autorité incontestée auprès de l’élite politique et du milieu des affaires angolais.

Après avoir remplacé plusieurs postes clés dans les domaines politique et économique afin de tourner la page de l’époque Dos Santos, le gouvernement a entrepris plusieurs réformes en vue d’attirer de nouveaux investissements et d’accélérer le potentiel de croissance.

La plupart de ces réformes ont porté sur le soutien au développement du secteur privé. Après la simplification des procédures administratives visant à attirer les investissements directs étrangers (délivrance de visas et de permis de séjour), des progrès ont également été réalisés dans l’accès à l’électricité, la promotion de la concurrence et la lutte contre les monopoles. Une nouvelle loi sur l’investissement étranger a été approuvée. Elle supprime l’obligation d’investir au minimum de USD 230 000 et de s’associer à un partenaire local détenant au moins 35 % du capital. De plus, l’AIPEX (Agence pour les investissements privés et les exportations) a été créée pour régir les relations entre le gouvernement et les investisseurs. Par ailleurs, une liste de 74 entreprises publiques[1] à privatiser a été établie.

Le gouvernement semble également agir en faveur d’une légère amélioration de la transparence et de la réduction de la corruption[2]. Une unité anti-corruption a été créée en mars 2018 et plusieurs hauts responsables de l’ancienne administration ont été démis de leurs fonctions et poursuivis. Si les poursuites pour fraude et l’arrestation finale du fils de l’ancien président montrent que la famille Dos Santos a nettement perdu de son influence en 2018, l’arrestation de quelques personnalités de haut rang ne suffira pas à remédier à la corruption endémique qui sévit au sein des institutions angolaises.

Cependant, selon le classement «?Doing Business?» 2019 de la Banque mondiale, l’Angola n’a progressé que de deux places (de la 175e place à la 173e sur 190 pays). Cette avancée est principalement due à certaines améliorations en matière d’accès à l’électricité, d’enregistrement de la propriété et d’exécution des procédures douanières. De même, l’Indice de gouvernance fait ressortir un léger mieux en matière de participation et de responsabilisation citoyenne, d’efficacité des pouvoirs publics, de stabilité politique et de lutte contre la corruption. Malgré cela, l’opacité reste la règle dans le milieu des affaires angolais.

La nouvelle politique de change a permis d’améliorer la liquidité en devises. Après l’abandon de l’arrimage au dollar en janvier 2018, le kwanza (AOA) a été progressivement déprécié de manière contrôlée par la banque centrale par le biais d’enchères. Depuis octobre 2018, le volume des devises étrangères a augmenté et la banque centrale a ainsi cessé la vente directe de devises, désormais réalisées au travers de banques commerciales autorisées. Par ailleurs, un texte de loi visant à faciliter le rapatriement de fonds détenus à l’étranger et à réduire la pénurie de devises a été approuvé.

Enfin, le secteur des hydrocarbures a également fait l’objet d’une importante réforme. Une nouvelle législation, ayant pour objet de définir des règles claires et transparentes concernant le développement de réserves gazières et d’introduire des baisses d’impôts pour les champs pétroliers marginaux (ceux dont les réserves sont plus faibles ou présentant des défis techniques spécifiques), a été votée. De plus, le président Lourenço a créé la nouvelle Agence nationale du pétrole et du gaz qui sera chargée des attributions de concessions pétrolières et de la gestion des accords de partage de la production, dont Sonangol avait auparavant la responsabilité.

Une relation nouvelle avec le FMI

Les relations entre l’Angola et le FMI sont depuis toujours tendues, le Fonds reprochant à Luanda ses pratiques de gestion peu transparentes. Ce n’est qu’en 2009, lors du dernier krach pétrolier, que l’Angola a obtenu pour la première fois auprès du FMI un accord de confirmation, d’un montant de USD 1,4 md, destiné à l’aider à régler ses problèmes de liquidités.

En 2018, les autorités angolaises ont de nouveau coopéré avec le FMI pour lequel la transition politique actuelle constitue une véritable rupture dans l’histoire récente du pays, compte tenu des réformes ambitieuses qui ont été lancées pour remédier aux déséquilibres macroéconomiques et structurels du pays.

Les autorités ont notamment créé un programme de stabilisation macroéconomique dont les principaux objectifs sont le renforcement de la viabilité des finances publiques et de la dette, la modernisation du cadre de politique monétaire et du régime de change, la réduction des vulnérabilités du secteur financier, la promotion de la croissance tirée par le secteur privé et la diversification économique grâce à l’amélioration de la gouvernance et du climat des affaires.

Par ailleurs, un Plan de développement national pour 2018–2022 doit remédier aux goulets d’étranglement structurels, promouvoir le développement humain, réformer le secteur public, et permettre la diversification économique et la croissance inclusive.

Pour soutenir la mise en œuvre de ces réformes, le gouvernement angolais a sollicité auprès du FMI un programme d’aides qui a été officiellement signé le 10 décembre 2018. L’accord, conclu dans le cadre d’un mécanisme élargi de crédit pour une durée de trois ans, porte sur un montant de USD 3,7 mds. Il autorise un décaissement immédiat de USD 990,7 millions, tandis que le solde sera décaissé sur le reste de la durée du mécanisme, sous réserve d’évaluations semestrielles. Ce mécanisme allégera les tensions qui pèsent sur la liquidité en devise à court terme et enverra un signal fort de stabilité de nature à rassurer les agents économiques.

Angola : Aperçu du programme de réformes (2017-2022)

Une économie en stagnation

La forte baisse des prix du pétrole, après les records atteints entre 2011 et 2013, a mis à mal la croissance économique de l’Angola qui était de 4,5 % en moyenne entre 2011 et 2015. Le PIB réel a fortement ralenti, atteignant 0,9 % en 2015, puis le pays est entré en récession en 2016 (-2,6 %).

Malgré les progrès réalisés depuis l’arrivée du nouveau gouvernement Lourenço et le redressement des cours du brut lors des trois premiers trimestres de 2018, l’économie angolaise devrait connaître sa troisième année consécutive de récession. C’est ce que confirme le climat économique global mesuré par l’indicateur ICE qui se maintient à des niveaux négatifs. Selon les données récentes de l’institut national des statistiques, l’économie s’est contractée de 2,7 % en g.a. entre le 1er et le 3e trimestre 2018, enregistrant son troisième trimestre consécutif de récession. Cette contraction reste attribuée au repli des activités d’extraction et de raffinage, qui représentent 33 % du PIB, suivies du commerce et de la construction (près de 20 % du PIB).

Le secteur pétrolier (qui représentait 35 % du PIB en 2018) continue de subir les conséquences du gel de la plupart des projets d’exploration pétrolière (considérés comme trop coûteux) et des licenciements massifs destinés à abaisser les coûts d’exploitation. La production pétrolière n’a cessé de reculer depuis 2015, passant de 1,8 million de barils/jour à 1,49 million en décembre 2018, principalement en raison d’investissements insuffisants dans les champs offshore, dont la maintenance est assez coûteuse, alors que d’autres arrivaient à maturité et que la production commençait à diminuer.

Troisième année consécutive de récession
Des secteurs pétroliers et non pétroliers toujours déprimés

Cette période de quasi-paralysie s’explique également par la détérioration des relations entre Sonangol, la société pétrolière publique, et les majors pétrolières.

La production totale devrait se redresser en 2019 avec la mise en production du nouveau champ pétrolier de Total (le Kaombo)[3]. Cependant, la montée en puissance de la production de ce champ pourrait prendre du temps et sa contribution ne devrait se traduire dans les chiffres que vers fin 2019. De plus, conformément à l’accord de l’OPEP sur les quotas conclu l’année dernière, la production pétrolière totale sera abaissée au premier semestre 2019, à raison de 47 000 barils par jour. Sous l’effet conjugué de ces deux facteurs, la production pétrolière moyenne estimée devrait rester quasiment inchangée en 2019.

Le secteur non pétrolier (65 % du PIB) pâtit, pour sa part, des restrictions pesant sur les importations (notamment de produits non prioritaires), d’une inflation galopante et de la fin de certaines subventions qui avaient permis de soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Les entreprises restent confrontées à des pénuries de matières premières, au manque d’équipements et à des difficultés financières liées à la forte pression fiscale. De plus, la situation financière dégradée du système bancaire va continuer de peser sur le développement du secteur privé.

À l’instar de nombreuses économies subsahariennes, en Angola la consommation privée demeure le principal contributeur au PIB global (environ 53 % du PIB en 2018) tandis que la consommation publique et la formation brute de capital fixe ont été moins fortes et beaucoup plus volatiles. Cependant, la baisse des dépenses publiques, les niveaux d’inflation élevés et la faiblesse du système bancaire affectent de plus en plus le pouvoir d’achat, freinant ainsi la demande intérieure.

À terme, le soutien financier du FMI et ses conseils en matière de politiques publiques devraient permettre à l’économie angolaise de sortir de la récession en 2019. Plus précisément, nous prévoyons un retour de la croissance du PIB réel à des niveaux positifs en raison de la stabilisation de la production pétrolière et de la résilience du secteur hors hydrocarbures.

Quoi qu’il en soit, les perspectives demeurent très incertaines. Malgré la volonté des autorités de poursuivre la mise en œuvre des réformes structurelles, la corruption toujours à l’œuvre, la dépréciation de la monnaie et le dérapage de la dette publique constituent autant de risques à la baisse pour les perspectives. Même si les mesures visant à soutenir le climat des affaires récemment adoptées sont encourageantes, des actions de plus grande ampleur s’imposent pour s’attaquer à une forte bureaucratie, à la faiblesse du capital humain, à une régulation insuffisante, à des niveaux élevés de corruption et à l’éviction de l’investissement privé par le secteur public.

Amélioration budgétaire en 2018

Des progrès significatifs ont été réalisés en 2018 en matière de réduction du déficit budgétaire. La dépréciation du kwanza a accru la valeur des recettes pétrolières libellées en dollars (qui ont représenté environ la moitié des recettes budgétaires en 2018), ce qui, ajouté au redressement des cours du pétrole, a permis un net assainissement budgétaire. Le déficit a ainsi été ramené de -6,3 % du PIB en 2017 à 0,5 % à peine en 2018. Le gouvernement a affecté la majeure partie des recettes en kwanza, plus élevées que prévu, au remboursement de la dette domestique, principalement des bons du Trésor (dont l’encours a chuté de 50 % entre janvier et décembre) et à l’apurement des arriérés de paiement sur la dette domestique en 2018.

Selon le projet de budget 2019, le gouvernement prévoit un plan ambitieux destiné à générer un excédent de 1,4 % du PIB en 2019 sur la base d’un baril de pétrole à USD 68. Or, ces prévisions optimistes ont peu de chances de se réaliser en 2019 : le prix moyen attendu du pétrole sera bien inférieur à celui de 2018 (USD 62 par baril en moyenne contre USD 72 en 2018), tandis que la dépréciation de la monnaie locale sera bien moins forte. Devant des perspectives de prix mondiaux du pétrole moins favorables pour 2019, le gouvernement a décidé de réajuster ses dépenses en réduisant principalement le budget des provinces.

L’introduction de la TVA en juillet 2019 permettra d’améliorer les recettes budgétaires non pétrolières, mais l’incertitude demeure concernant le taux retenu, son application[4] et le risque de nouveaux reports. De plus, la rationalisation des dépenses publiques est un exercice délicat, en particulier les mesures visant à contenir la progression des salaires dans le secteur public ou à réduire les prix des services publics. En conséquence, les comptes publics resteront déficitaires en 2019 et le déficit budgétaire devrait se détériorer encore légèrement (-1,5 % du PIB).

Le fardeau toujours très lourd de la dette

La dépréciation significative du kwanza lors de la transition vers un régime de change plus flexible a contribué à augmenter les paiements d’intérêts par le gouvernement, de 3,3 % du PIB en 2017 à 4,2 % en 2018 (équivalant, respectivement, à 19,2 % et 23,2 % des recettes). De plus, la dette publique totale est libellée en devises étrangères à hauteur de 80 % environ. Dans ces conditions, la dette publique devrait atteindre plus de 73 % du PIB en 2018, contre 67 % en 2017, principalement en raison de la forte dépréciation du kwanza survenue en 2018.

La consommation privée, principale composante en % du PIB

Le lourd fardeau de la dette vient aggraver les difficultés de financement du gouvernement : le service de la dette extérieure totale absorbe actuellement 21 % des recettes d’exportation (contre 10,5 % à la fin de 2014). Par conséquent, un impact défavorable sur les recettes (comme une chute significative des prix du pétrole) pourrait sérieusement compromettre la capacité du gouvernement à assurer le service de la dette non garantie[5] et à rembourser le FMI.

Selon une estimation du FMI, les besoins de financement bruts se sont élevés à 17,3 % du PIB en 2018, un montant conséquent et d’autant plus difficile à financer que les besoins d’amortissement de la dette domestique sont également élevés avec de faibles taux de reconduction des prêts (environ 50 % selon le FMI). L’Angola reste donc très dépendant du financement extérieur. Les prêts bilatéraux accordés par la Chine[6] constituent, à ce jour, la source de financement privilégiée par le gouvernement. Après avoir épuisé ses réserves de trésorerie, l’Angola a émis, vers la mi-2018, des Eurobonds pour un montant de USD 3,5 mds, et a partiellement reconduit un emprunt obligataire domestique de USD 1,5 md en août. Par conséquent, pour combler l’écart résiduel de financement budgétaire, les autorités ont demandé le soutien budgétaire au FMI.

Le fonds souverain de l’Angola s’efforce, quant à lui, de reprendre le contrôle de ses actifs. Il continue, en engageant des actions en justice au plan international, de récupérer des actifs ayant fait l’objet de malversations. La nouvelle direction recherche un nouveau gestionnaire de fonds international ainsi qu’un cabinet de commissaires aux comptes pour les actifs dont elle a repris le contrôle. Par ailleurs, les autorités préparent un texte de loi visant à renforcer la gouvernance et la transparence du fonds et à établir des règles plus claires applicables aux dépôts et aux retraits. Les autorités se sont engagées à recapitaliser le fonds, mais uniquement lorsque le budget sera excédentaire et la dette publique inférieure à 60 % du PIB.

Financements budgétaires : besoins et sources 2018-2021

Mesures pour maîtriser les risques budgétaires liés aux entreprises publiques

Les passifs de près de 80 entreprises publiques non financières, déjà élevés, ont augmenté en 2017. Leur capacité à générer un revenu et, par conséquent, des dividendes pour le Trésor, semble limitée. La société Sonangol, opérant dans le secteur de l’énergie, est la plus importante d’entre elles?; elle a récemment réduit sa dette financière après avoir reçu une injection de fonds de USD 10 mds (environ 10 % du PIB).

Le gouvernement s’est engagé à améliorer la rentabilité des entreprises publiques en lançant un programme ambitieux de restructurations. Il doit démarrer en 2019 et s’étendre sur une période de deux ans. Ce programme prévoit la fermeture des sociétés en cessation de paiement et la privatisation, ou la restructuration de celles économiquement viables. De plus, la création d’un nouvel institut de supervision, relevant du ministère des Finances, devrait permettre de renforcer la gouvernance et le contrôle de ces sociétés du secteur public.

Résultats non financiers des entreprises publiques

Contrôle de l’inflation versus stimulation de la croissance

La priorité officielle de la Banque nationale d’Angola (Banco Nacional de Angola ou BNA) reste d’assurer la stabilité des prix (avec une fourchette-cible d’inflation de 7-9 %), mais aussi d’alimenter le marché des changes. Compte tenu des rigidités structurelles de l’économie, de la faiblesse des canaux de transmission de la politique monétaire et de la forte dépendance du pays aux importations, la banque centrale entend procéder à une dépréciation contrôlée pour empêcher l’escalade des tensions inflationnistes.

Après avoir atteint un pic à 42 % en décembre 2016, suite au choc pétrolier, l’inflation a ralenti malgré la dépréciation prononcée du taux de change officiel. Il a fallu, pour ce faire, recourir à la fois à des mesures coercitives[7] et au resserrement de la politique monétaire au moyen du taux de réserves obligatoires et du taux directeur.

Grâce à la réduction de l’écart entre les deux taux de change du kwanza[8], l’inflation a continué à évoluer à la baisse sur une bonne partie de l’année 2018, atteignant 18,2 % en g.a. en décembre 2018, contre 26 % en décembre 2017 et 40 % en décembre 2016. Cette tendance désinflationniste a permis à la banque centrale d’engager un cycle d’assouplissement monétaire progressif en juillet 2018, en abaissant son taux directeur de 150 points de base à 16,50 %, et ce, pour la première fois depuis plus de deux ans. La banque centrale a de nouveau réduit le taux directeur de 75 points de base à 15,75 %, lors de sa dernière réunion, le 25 janvier 2019.

Le ciblage de l'inflation prendra du temps

Compte tenu de l’introduction de la TVA et du redressement partiel des prix des matières premières, l’indice des prix à la consommation restera élevé à moyen terme et la fourchette-cible d’inflation fixée à 7-9 % sera difficile à atteindre, sauf réappréciation de la monnaie.

Amélioration de la balance courante grâce à la remontée des prix du brut

La balance des opérations courantes devrait afficher un excédent en 2018 (1,9 % du PIB). L’excédent commercial généré par le redressement des prix du pétrole a, en effet, été suffisant pour compenser les déficits des balances des services et des revenus. Mais, compte tenu de nos prévisions relatives aux prix du pétrole en 2019 (soit une moyenne d’USD 62 par baril contre USD 72 en 2017), le déficit des paiements courants devrait se détériorer, à -1,9 % du PIB.

L’Angola, qui est l’un des principaux bénéficiaires des investissements directs étrangers (IDE) en Afrique, a connu plusieurs années de désinvestissements nets (de 2010 à 2014) reflétant, dans une large mesure, l’impact de la crise financière des années 2008-2009 au cours desquelles les compagnies pétrolières se sont désengagées du marché angolais. En 2017, la plupart des compagnies pétrolières ont rapatrié une partie de leurs investissements à l’étranger entraînant des sorties nettes négatives d’IDE. De plus, les entrées de capitaux étrangers au titre des IDE sont restées limitées du fait du risque persistant de restrictions relatives au rapatriement des revenus de change des investisseurs étrangers. Les sorties d’IDE par des résidents sont en baisse en raison de l’impact de la chute des prix du pétrole sur les capacités d’investissement de Sonangol.

Sous l’effet conjugué de cette tendance, de la hausse des engagements extérieurs du secteur public et de la contraction des réserves de change, la position extérieure nette est désormais négative.

La dette extérieure de l’Angola ne comprend que les dettes extérieures de l’administration centrale, de Sonangol, société pétrolière publique, et de TAAG, compagnie aérienne publique, ainsi que les garanties publiques libellées en devises étrangères. En effet, nous ne disposons d’aucune information concernant la dette extérieure du secteur privé. La dette extérieure de l’Angola a atteint 45 % du PIB en 2018, suite à la contraction de ce dernier. Elle devrait demeurer élevée à moyen terme (environ 50 %). Elle reste vulnérable à une évolution défavorable de la balance courante et à de fortes dépréciations du taux de change (selon une évaluation du FMI, la dette extérieure devrait augmenter pour atteindre environ 70 % du PIB suite à la dépréciation de 30 % du taux de change réel effectif).

Réduction du déficit de la balance courante, mais détérioration de la position extérieure nette

Réduction des pénuries de devises

Après une sévère correction, le kwanza a commencé à se stabiliser au dernier trimestre 2018. En effet, suite à l’abandon de l’arrimage au dollar en janvier, le kwanza s’est déprécié de 46 % en g.a. entre la fin 2017 et la fin 2018. L’ancrage au dollar n’a pas été complètement remplacé par un libre flottement de la monnaie, le kwanza s’échangeant dans une bande de ±2 % par rapport au taux déterminé lors de l’enchère précédente.

Quoi qu’il en soit, la mise en flottement progressif du kwanza a entraîné une réduction de la pénurie de dollars et des contrôles de capitaux. Pour répondre à la demande de devises, accumulée sur la période 2014-2017, la banque centrale s’attache, depuis le troisième trimestre 2018, à accroître les ventes de monnaies étrangères et à organiser des enchères plus fréquentes (on en compte désormais trois hebdomadaires contre une auparavant). Pour accroître la disponibilité des devises, elle a également supprimé la liste prioritaire qui autorisait les exportateurs privés et les sociétés pétrolières internationales à en fournir aux importateurs (contre remise des documents requis). Depuis fin septembre 2018, la banque centrale organise des enchères hebdomadaires avec les banques commerciales, qui déterminent la valeur du kwanza.

Malgré des améliorations, les pressions sur les réserves persistent

Malgré le redressement des cours du brut, les réserves de change de la banque centrale ont continué à baisser (elles devraient s’élever à USD 15,4 mds au T4 2018 contre USD 17,4 mds au T4 2017). Par conséquent, les contrôles des changes[9] devraient, pour l’essentiel, être maintenus à moyen terme.

Nonobstant les efforts du gouvernement pour rapatrier les fonds détenus à l’étranger, la monnaie restera sous pression. L’écart entre le taux de change officiel et celui du marché parallèle reste important (150 % en décembre 2017 contre environ 20 % en novembre 2018).

De plus, la dépréciation sur le marché parallèle, entamée à la fin septembre 2018, indique que la demande nette en dollars est toujours forte. La monnaie reste donc soumise à des tensions en 2019 et une nouvelle dévaluation de 20 % est très probable.

Un secteur bancaire toujours souffrant

Avec un actif total de AOA 13 600 mds (USD 43,8 mds) en novembre 2018, le système bancaire angolais est le troisième par son importance en Afrique subsaharienne. En décembre 2017, les banques commerciales autorisées à effectuer des opérations en Angola étaient au nombre de trente. Elles offrent des services bancaires de base, dont les dépôts, les prêts aux entreprises et aux particuliers et les services de change. Les six plus grandes banques[10] contrôlaient environ 75 % des actifs du secteur, au 31 décembre 2017, les autres établissements bancaires de taille bien inférieure se partageant les 25% restant. Elles sont essentiellement détenues par des entreprises publiques, des sociétés mères portugaises et des investisseurs chinois.

Indicateurs de la solidité financière

Une croissance de nouveau positive du crédit intérieur

La croissance du secteur s’est essoufflée au cours des quatre dernières années en raison du ralentissement économique dû à la baisse des prix du pétrole et à la chute de la production. Dans un tel contexte, la priorité donnée par la banque centrale à la stabilité des prix et à la gestion du taux de change a, jusqu’à présent, contraint l’activité des banques. En conséquence, le système bancaire global reste d’une taille relativement modeste, le crédit domestique représentant à peine 30 % du PIB en novembre 2018.

Dans un tel contexte, M. José Bassano a reconduit[11] au poste de gouverneur de la banque centrale pour ?restaurer la crédibilité?du secteur financier.

Croissance modérée du crédit et amélioration des indicateurs de solidité financière

Selon le Banco Nacional de Angola, la croissance nominale du crédit s’établissait en moyenne à 15 % en g.a., en septembre 2018, contre
-5 % en moyenne sur la même période de 2017. Mais plus de 30 % du total des prêts étant libellé en devises, la croissance globale du crédit a été soutenue dans une large mesure par la dépréciation du kwanza. La croissance nominale des prêts libellés en monnaies étrangères a ainsi accéléré. En l’absence de dépréciation du kwanza, les crédits libellés en devises auraient crû d’environ 2 % en g.a. à fin septembre 2018.

Le fléchissement de l’activité économique au cours des trois dernières années a entamé la solidité du secteur bancaire. Dans l’ensemble, le niveau du ratio de fonds propres reste satisfaisant (à 21,5 % en novembre 2018), le ratio crédits/dépôts est peu élevé (à 53,3 %) et les banques sont pour la plupart rentables (avec un rendement moyen des actifs de 3,0 %). Toutes les banques ont intégré une comptabilité aux normes IFRS qui implique, entre autres choses, des exigences de provisionnement plus strictes.

Au lendemain de l’effondrement des cours du pétrole, le ratio des créances douteuses a sensiblement augmenté, atteignant 29 % du total des prêts en décembre 2017 contre 10,6 % en moyenne entre 2013 et 2016. Ce ratio varie considérablement d’une banque à l’autre : les établissements bancaires publics ont été particulièrement affectés par l’effondrement des prix du pétrole de 2015/2016[12], tandis que d’autres établissements ont réussi à contenir la dégradation de leur bilan en constituant des dotations aux provisions et en limitant les prêts consentis.

Grâce à la remontée progressive des cours mondiaux du brut et aux rachats des créances douteuses par Recredit[13], la qualité des actifs a commencé à s’améliorer en 2018 et le ratio des créances douteuses était de 26,7 % en novembre 2018. La qualité globale des actifs n’en reste pas moins médiocre et l’amélioration de la situation prendra du temps en raison d’un environnement opérationnel toujours difficile, lié à la baisse récente des prix du baril et à la réduction globale de la production. La mauvaise qualité des actifs accentue la pression sur la liquidité comme sur la capitalisation.

Le système bancaire se caractérise par un niveau élevé de liquidités en monnaie locale. L’encours des prêts aux petites et moyennes entreprises (PME) reste modeste, les banques ayant un faible appétit pour le risque et des capacités limitées en matière de gestion du crédit. En revanche, suite aux restrictions financières et malgré la libéralisation des changes qui a permis d’alléger certaines tensions sur la liquidité en devises, les conditions de liquidité en monnaies étrangères resteront difficiles en 2019.

Concernant la capitalisation, la banque centrale a, en février 2018, multiplié par trois les exigences minimales de fonds propres applicables aux banques commerciales (de AOA 2,5 mds à AOA 7,5 mds vers la fin 2018). En conséquence, le rapport entre les fonds propres et les actifs pondérés du risque a augmenté à 21,5 % en novembre 2018 contre 17,8 % en novembre 2017. Un tiers des vingt-neuf banques opérant actuellement en Angola devraient rencontrer des difficultés à respecter ces nouvelles exigences[14]. Il faut donc s’attendre à une nouvelle vague de fusions dans le secteur bancaire à moyen terme.

Des risques baissiers toujours importants

Pour autant, les risques à la baisse demeurent très élevés et pèsent sur la solidité financière du secteur bancaire angolais. Tout d’abord, en cas de baisse de la production pétrolière, la croissance du PIB réel se contractera et freinera l’expansion du crédit. Ensuite, une nouvelle dépréciation marquée de la monnaie ou un renchérissement des prix des denrées alimentaires suffirait à entraîner une accélération de l’inflation et un durcissement de la politique monétaire par la BNA. Malgré la faiblesse des mécanismes de transmission de la politique monétaire en Angola, entre le taux directeur et la croissance du crédit, les banques commerciales seront incitées à relever leurs taux d’intérêt et limiter ainsi la demande de crédit.

Malgré l’alignement progressif des exigences prudentielles sur les normes internationales, les manquements en termes de conformité avec la réglementation persistent dans le secteur bancaire, comme le montre l’absence de correspondance bancaire (correspondent banking) en dollars avec les banques internationales[15]. Le secteur bancaire a pâti de la perte de ces services, notamment la compensation en dollars et la vente de billets verts, les banques étrangères souhaitant éviter tout risque de non-conformité avec la réglementation sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Des mesures ont, néanmoins, été prises dans ce domaine. En 2016, le Groupe d’action financière (GAFI) a reconnu que l’Angola avait réalisé d’importants progrès en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et qu’il ne serait plus, dès lors, soumis le processus de surveillance. L’opacité demeure néanmoins une source de préoccupation (peu de données obtenues à temps) et la participation toujours forte de l’État dans le capital du secteur bancaire pose également des questions de gouvernance. Il ne faut donc pas s’attendre, selon nous, à un rétablissement à court terme des services de correspondance bancaire en dollars.

De plus, le cadre juridique est inadapté à l’octroi de prêts garantis. En effet, il empêche la mise en œuvre des droits de propriété, ce qui constitue un frein pour les activités de financement des banques. De même, eu égard à des niveaux élevés de corruption, l’environnement opérationnel est à la fois imprévisible et coûteux.

Enfin, en dépit de certains progrès en matière de supervision du cadre réglementaire et à l’amélioration des indicateurs financiers, le risque de crédit systémique reste élevé à moyen terme pour le système bancaire angolais.

L’élection de Joao Laurenço a nourri beaucoup d’espoirs, notamment celui d’une transition politique qui mettra fin à l’important réseau clientéliste de l’époque Dos Santos et d’un changement de politique économique.

La signature d’un accord financier avec le FMI devrait permettre de diversifier les sources de financement international et rassurer définitivement les agents économiques. Mais l’équilibre entre la nécessité des réformes et l’acceptation sociale des mesures d’austérité est très fragile.

Les mesures prises en faveur du secteur privé, mises en œuvre en 2018 par le président Lourenço, visent à améliorer le climat des affaires et à attirer les investisseurs internationaux. Mais d’importantes lacunes subsistent (corruption, fragilités institutionnelles, faiblesse des ressources humaines et infrastructures toujours sous-développées) qui devraient freiner l’activité économique en général.

Le principal risque pour l’économie angolaise est qu’elle demeure dépendante du secteur des hydrocarbures, en termes de croissance du PIB, de recettes fiscales et de revenus en devises, rendant le pays vulnérable au risque de ralentissement des prix du pétrole et de baisse des niveaux de production. Dès lors, le redressement de la croissance serait progressif. Les investissements directs étrangers et de portefeuille resteront faibles, ce qui devrait obliger le pays à recourir au financement extérieur de la dette.


[1] Parmi les entreprises qui feraient l’objet d’une privatisation (partielle ou totale) figurent les ports du pays, la compagnie aérienne nationale (TAAG), la Banque du Commerce et de l’Industrie (BCI) et la compagnie d’assurance Ensa.

[2] Comme le montre le classement plutôt bas de l’Angola (à la 167e place sur 180 pays) dans l’Indice de perception de la corruption de Transparency International.

[3] Situé à 260 km des côtes de Luanda, il s’agit du plus grand projet en eaux profondes d’Angola avec deux unités de production et de stockage et une production globale attendue d’environ 230 000 b/j. La première unité FPSO (unité flottante de production, stockage et déchargement) est entrée en production en août 2018 tandis que la deuxième unité FPSO devrait être opérationnelle avant l’été 2019.

[4] On sait seulement que la taxe sera appliquée aux 373 sociétés décrites comme les principales contributrices et ce, sur une période de deux ans, avant un déploiement à plus grande échelle.

[5] Selon le FMI, les accords de prêt non garantis conclus entre l’Angola et plusieurs créanciers (Crédit Agricole, KFW, Commerzbank, UKEF, Afreximbank, ICBC – Chine et Eximbank, entre autres,) représentent environ USD 7 mds, soit 16 % de la dette extérieure totale en 2018

[6] L’Angola, qui a réussi à conserver de bonnes relations avec la Chine, a pu obtenir un nouveau prêt de USD 2 mds auprès de la Banque de Développement de Chine en octobre 2018.

[7] En 2017, le gouvernement a instauré des prix plafonds pour les produits de première nécessité?; il a centralisé les ventes de farine et a récemment approuvé un nouveau barème de tarifs douaniers.

[8] Le marché parallèle était déjà la norme dans nombreuses transactions.

[9] Approuvée en 2012, la loi sur le contrôle des changes s’applique au commerce des biens et des services, et aux mouvements de capitaux issus de l’ensemble des processus liés au pétrole brut et au gaz naturel. Les opérations de change comprennent (i) l’achat et la vente de devises étrangères, (ii) l’ouverture de comptes bancaires en devises en Angola par des entités résidentes et non résidentes ainsi que les opérations effectuées sur ces comptes, (iii) l’ouverture de comptes bancaires en Kwanza en Angola par des entités non résidentes et les opérations effectuées sur ces comptes et (iv) le règlement de toutes les opérations liées aux échanges de biens et de services ainsi qu’aux mouvements de capitaux. De manière générale, ces règles imposées aux sociétés en amont du secteur pétrolier et gazier prévoient que (i) toutes les opérations de change soient réalisées par le biais de banques angolaises et (ii) que les comptes bancaires ouverts auprès de celle-ci présentent un crédit suffisant pour satisfaire aux obligations fiscales et couvrir l’achat de tous les biens et services auprès d’entreprises locales et étrangères.

[10] Banco Angolano de Investimentos, Banco Econômico, Banco de Fomento Angola, Banco BIC Angola et Banco de Poupança e Crédito

[11] Il était déjà gouverneur de la BNA entre 2010 et 2014.

[12] L’établissement public, Banco de Poupança e Crédito (BPC), concentrait les quatre cinquièmes des créances douteuses du système bancaire. Selon des estimations, le plan de sauvetage de cette banque d’importance systémique a coûté à l’État 1,6 % du PIB, entre mars 2018 et janvier 2019. Le BPC a repris ses activités de prêt, mais il demeure faiblement capitalisé et dépendant de la BNA pour la liquidité.

[13] Créée en 2016 par le gouvernement, avec une capitalisation boursière équivalant à USD 2 mds, Recredit est une société publique dont la priorité est de renégocier la dette avec les banques et les particuliers avec lesquels elle a conclu des accords de rachat de créances douteuses. Cependant, en dehors de cette société, les autorités n’ont guère les moyens d’intervenir en cas de faillite d’une institution de crédit.

[14] Le 26 juin 2018, la banque centrale a suspendu le conseil d’administration de Banco Angolano de Negócios e Comércio (BANC) et nommé une équipe provisoire d’administrateurs en raison de l’incapacité de la banque à respecter les exigences de fonds propres. Le 2 janvier (2019), la banque centrale a annoncé qu’elle résiliait les licences de Banco, Mais et Banco Postal car elles ne satisfaisaient pas aux exigences légales requises pour poursuivre leur activité bancaire.

[15] En 2015, les banques américaines ont mis fin à leurs relations bancaires avec leurs homologues angolaises, les empêchant d’avoir accès aux dollars, au motif de suspicion de contrôle par des intérêts politiques.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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