La réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE de jeudi prochain est très attendue. La décision de relever les taux ayant fait l’objet d’une annonce préalable, la question sera de savoir si le nouvel outil destiné à contrer l’élargissement injustifié des spreads souverains sera dévoilé. Si la justification d’un tel instrument est bien admise, sa conception et son utilisation soulèvent plusieurs questions. La réponse à l’une d’elles est facile. Pour éviter de remettre en cause l’orientation de la politique monétaire, les achats d’obligations par la banque centrale devront être neutralisés. Répondre aux suivantes est plus complexe. À quel seuil faut-il considérer que l’élargissement du spread devient « injustifié » ? Une fois ce seuil atteint, la BCE doit-elle se montrer claire ou rester ambiguë quant à sa réaction ? La dernière question relève de l’aléa moral et, par conséquent, de la conditionnalité. Lorsque la BCE intervient pour remédier à l’élargissement injustifié du spread, que sont censés faire les gouvernements à leur tour en termes de politique budgétaire ?
La réunion du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), qui se tiendra jeudi prochain, est très attendue. La décision de relever les taux ayant fait l’objet d’une annonce préalable, l’attention se focalisera sur l’ajustement éventuel des orientations futures de la politique monétaire dans un contexte de dégradation des données d’enquête.
Le plus important reste, néanmoins, de savoir si le nouvel instrument destiné à contrer l’élargissement injustifié des spreads souverains sera divulgué. Le but de ce dispositif (Transmission Protection Mechanism : mécanisme de protection de la transmission) [1] est de lutter, au sein de la zone euro, contre le risque de fragmentation pouvant découler d’une déconnexion entre les spreads des obligations d’État et leurs fondamentaux.
En mars dernier, Christine Lagarde avait affirmé que le Conseil des gouverneurs se tenait prêt à « utiliser une large gamme d’instruments pour lutter contre la fragmentation », ajoutant : « si nécessaire, nous pouvons concevoir et déployer de nouveaux instruments pour assurer la transmission de la politique monétaire pendant que nous mettons en œuvre sa normalisation »[2]. L’élargissement significatif des spreads souverains en juin a suscité un sentiment d’urgence et amené le Conseil des gouverneurs de la BCE à tenir une réunion ad hoc, le 15 juin, pour débattre de la situation des marchés.
À l’issue de cette réunion, le Conseil a réaffirmé qu’il ferait preuve de flexibilité dans le réinvestissement des remboursements [arrivant à échéance] au sein du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency Purchase Program, PEPP) et annoncé sa décision « de charger les comités compétents de l’Eurosystème ainsi que les services de la BCE d’accélérer la conception d’un nouvel instrument de lutte contre la fragmentation qui sera soumis à l’examen du Conseil des gouverneurs »[3].
Il est primordial de lutter contre les risques de fragmentation pour éviter qu’une hausse excessive des rendements obligataires dans certains pays ne nuise à la transmission de la politique monétaire, entraînant un cercle vicieux et une dynamique déstabilisante. Cependant, la conception et l’utilisation de cet instrument – qui doit encore faire l’objet d’une annonce – nécessitent de répondre à quelques questions préalables. Premièrement, à partir de quel moment, un élargissement des spreads est-il considéré comme injustifié ? La réponse à cette question est d’autant plus délicate que des années de rachats d’actifs ainsi que la pandémie de Covid-19 et les mesures prises en conséquence par la BCE (PEPP) ont influencé les différentiels de taux d’intérêt entre les pays de la zone euro.