Coïncidence rare du calendrier, les quatre principales banques centrales - la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon - ont tenu leur réunion de politique monétaire la semaine dernière. Elles visent toutes un objectif d’inflation de 2%. Les décisions prises à cette occasion ont fait ressortir le rôle des différences d’approche, d’environnement économique et de perspectives. Quoi qu’il en soit, les banques centrales ont en commun la volonté de réagir si les circonstances l’exigent. Compte tenu de l’inquiétude croissante provoquée par le variant Omicron, les données seront déterminantes dans l’orientation de la politique monétaire.
Après la récession soudaine, profonde et atypique de 2020, provoquée par la pandémie de Covid-19, l’année 2021 a également inédite à plusieurs égards. Les goulets d’étranglement du côté de l’offre et les perturbations des chaînes d’approvisionnement, thèmes dominants en 2021, ont freiné la croissance, directement mais aussi indirectement, en entraînant une remontée de l’inflation à des niveaux inédits depuis des décennies. Dans l’hypothèse d’une maîtrise progressive de la pandémie grâce à une meilleure couverture vaccinale, nous devrions assister en 2022 à une normalisation en termes de croissance, d’inflation et de politique monétaire.
Aux États-Unis, le dérapage des prix n’en finit plus et cesse d’être regardé avec complaisance par la Réserve fédérale, qui pourrait précipiter la fin de son assouplissement quantitatif. L’inflation concerne aussi les prix des actifs, immobiliers ou boursiers, qui atteignent des sommets. À moins que l’émergence du variant Omicron du coronavirus ne change radicalement la donne, tout concourt au relèvement des taux d’intérêt directeurs en 2022, peut-être dès l’été.
La crise de l’immobilier, le maintien de la stratégie zéro covid face aux résurgences de l’épidémie, et la fragilité persistante de la consommation des ménages sont parmi les principaux facteurs de risque pesant sur la croissance chinoise. À court terme, les autorités devraient renforcer prudemment leur soutien monétaire et budgétaire à l’activité, tout en maintenant le cap de l’assainissement du marché immobilier, de la réduction des risques financiers et du resserrement réglementaire.
Augmenter ou ne pas augmenter les taux d’intérêt ? Telle est la question qui se pose la Banque d’Angleterre, alors que l’inflation accélère en même temps que les contaminations à la Covid-19, dont le nouveau variant « Omicron » inquiète. Au moment aussi où l’activité économique, en très fort rebond jusqu’à l’été 2021, perd le soutien de la dépense publique et donne quelques signes d’accalmie.
La reprise dans les pays émergents depuis la mi-2020 s’est accompagnée d’un durcissement monétaire en Amérique latine et en Europe mais pas en Asie jusqu’à présent (à l’exception de la Corée du Sud). Le niveau et la trajectoire de l’inflation en sont les principales raisons. Elle est forte et accélère en Amérique latine et en Europe, plus modérée et encore contenue en Asie
Dans la plupart des pays européens, le déficit structurel primaire devrait baisser en 2022. Une telle contraction constitue une impulsion budgétaire négative qui pourrait freiner la croissance économique. Toutefois, le solde primaire reste important et correspond à une politique budgétaire accommodante. Les politiques nationales, les dépenses au titre de la facilité pour la reprise et la résilience, et les autres aides européennes devraient soutenir la croissance en 2022. En outre, elles devraient accompagner et renforcer la reprise actuelle et l’efficacité de la politique accommodante de la BCE.
La réunion du 16 décembre de la BCE est très attendue, en premier lieu pour les nouvelles prévisions de croissance et d’inflation de la banque centrale. Du côté de la croissance, en septembre, la BCE prévoyait 5% en 2021 en moyenne annuelle, 4,6% en 2022 et 2,1% en 2023. Elle pourrait laisser inchangée sa prévision pour 2021, les chiffres positifs du T3 étant contrebalancés par une vision moins positive des perspectives pour le T4 (sous l’effet de la hausse des contraintes d’offre, des pressions inflationnistes et de la recrudescence de l’épidémie). La croissance en 2022 devrait s’en ressentir. L’ampleur de la révision en baisse sera indicative de son degré de préoccupation
Devant le Sénat américain, Jerome Powell a reconnu qu’il pouvait y avoir une inflation moins transitoire que ce que l’on avait pensé jusque-là, ce qui justifierait une réduction des achats d’actifs plus rapide. Malgré ce durcissement de ton, les bons du Trésor ont peu réagi. Cela pourrait refléter l’inquiétude des marchés sur l’évolution de la pandémie. Le nouveau variant Omicron constitue, en outre, un choc d’incertitude pour les ménages et les entreprises. Il vient s’ajouter à un choc d’offre négatif qui freine la demande. Cela rend la tâche des banques centrales plus complexe que jamais au moment de décider de l’ampleur du coup de frein monétaire qu’elles peuvent donner.
En juillet dernier, la Réserve fédérale américaine (Fed) a enrichi son cadre d’intervention sur les marchés monétaires. Elle dispose à présent d’une facilité permanente de prises en pension de titres (Standing Repo Facility, SRF), en sus de son dispositif de mises en pension (Reverse Repo Program, RRP). Ces outils doivent lui permettre de moduler son offre de monnaie centrale, aussi bien à la baisse qu’à la hausse, lors de tensions sur les taux courts de marché. Dans le contexte actuel de liquidités de banque centrale abondantes et d’offre de titres publics restreinte, les fonds monétaires ont largement recours au dispositif RRP
Au cours des 15 derniers jours, la livre turque s’est dépréciée de 21% par rapport à l’euro dont plus de 10% la seule journée du 23 novembre. Parallèlement, les rendements des obligations d’Etat à 10 ans ont franchi la barre des 20%. Cet accès de fièvre fait suite à i/ une nouvelle baisse du taux directeur de la banque centrale le 19 de 16% à 15% malgré l’accélération de l’inflation qui a atteint 19,9% en glissement annuel en octobre et ii/ les déclarations du Président Erdogan justifiant l’assouplissement monétaire au nom d’une nouvelle politique économique, le président ayant demandé au conseil national de sécurité de décréter l’état de « guerre d’indépendance économique »
La BCE insiste sur l’importance de faire preuve de patience avant d’envisager un resserrement monétaire malgré l’inflation actuellement élevée. D’après elle, l’inflation reculera l’année prochaine et il n’y aura pas de spirale salaires-prix. En outre, les attentes d’inflation demeurent solidement ancrées. Dans la zone euro, la demande est freinée par la hausse des prix de l’énergie. Augmenter les taux, en réaction à l’inflation induite par l’offre, pourrait réduire encore davantage la demande. Pour éviter ce scénario, la banque centrale a raison d’attendre, adoptant ainsi une approche de gestion des risques appliquée à la politique monétaire
Les marchés anticipent un tour de vis monétaire dès la fin 2022. Une position que ne partage pas la BCE compte tenu de ses prévisions d’inflation. Cette divergence de point de vue pourrait refléter une perte de crédibilité de la banque centrale ou, plus vraisemblablement, un désaccord en matière de prévisions d’inflation entre cette dernière et les acteurs du marché. Autre explication possible : le focus des investisseurs sur les scénarios possibles d’inflation et leurs inquiétudes concernant les risques à la hausse de l’inflation.
Une opération réussie de market timing entre actions et liquidités suppose un niveau de compétence élevé. Un pré-requis qui s’accentue avec la grande faiblesse des taux directeurs, par leur impact sur les taux du marché, qui dissuade les investisseurs de recourir à ce type d’opération. Il en est de même de l’assouplissement quantitatif.Ces questions jouent un rôle important du point de vue de la stabilité financière. La frilosité de plus en plus grande des investisseurs à l’égard de ces opérations réduit probablement la volatilité des marchés actions et conduit à un accroissement de la valorisation
D’après les données récentes, la confiance des entreprises et des ménages est en hausse, et la croissance du PIB réel devrait ralentir tout en restant bien supérieure à son potentiel. Les interactions entre les dépenses, les bénéfices des entreprises et l’emploi, alors que conditions monétaires et financières sont favorables, constituent un facteur-clé. Pour utiliser une métaphore courante, le ciel semblait jusqu’à présent dégagé mais les nuages s’amoncellent. Les banques centrales devraient durcir le ton. Aux États-Unis, les dissensions politiques influencent l’agenda économique du président Biden, tandis que la Chine traverse une phase d’ajustements majeure
La désynchronisation monétaire entre les États-Unis et la zone euro semble inévitable. Elle résulte d’évolutions très différentes en termes d’inflation. Quant à savoir si elle compliquera la tâche de la Banque centrale européenne pour atteindre son objectif d’inflation, l'influence des conditions financières dans la zone euro sera ici décisive à court terme. Dans l’ensemble, l’effet net devrait être limité. Les exportations devraient jouer un plus grand rôle à moyen terme, une fois que le cycle de resserrement monétaire aux États-Unis sera bien engagé. La croissance de la demande intérieure américaine va alors ralentir, ce qui pèsera sur les importations et, donc, sur les exportations de la zone euro vers les États-Unis
Les nouvelles projections macroéconomiques de la Banque centrale européenne ont de quoi refroidir l’optimisme des épargnants, qui espéraient que plusieurs années de croissance supérieure au potentiel ouvriraient la voie à un relèvement des taux directeurs. Il est clair qu’au stade actuel, certaines conditions des indications prospectives (forward guidance) sur les taux d’intérêt, qui ont été récemment révisées, ne sont pas remplies. À en juger par les dernières projections de la BCE, ce devrait être encore le cas en 2023, même dans l’hypothèse d’un scénario de reprise en douceur. La lente augmentation de l’inflation sous-jacente ne sera probablement pas estimée satisfaisante
Dans la première phase de l’assouplissement quantitatif, les marchés financiers considèrent que la forward guidance sur les rachats d’actifs et celle sur les taux directeurs sont étroitement liées. Cela génère un renforcement mutuel de ces deux instruments. Par la suite, la crainte que cet effet de signal agisse aussi dans l’autre sens peut se renforcer. La réduction des achats mensuels d’actifs peut être interprétée comme l’annonce d’un relèvement prochain des taux, une fois que les achats nets auront pris fin. Aux États-Unis, Jerome Powell a été très clair : une réduction progressive des achats d’actifs n’annoncerait pas un changement de perspective pour les taux des Fed funds
Le 28 juillet dernier, la Réserve fédérale américaine (Fed) a annoncé la pérennisation de sa facilité de prise en pension de titres (Standing Repo Facility, SRF). Dorénavant, chaque contrepartie éligible* pourra emprunter, chaque jour ouvré et au jour le jour, jusqu’à USD 120 mds de liquidités centrales dans le cadre de ce dispositif**. Les opérations seront facturées au taux de la facilité de prêt marginal (25pb) et plafonnées à USD 500 mds. La Fed se dote ainsi d’un nouvel outil de détection de possibles pénuries de monnaie centrale. Introduit en urgence et de manière provisoire en septembre 2019, ce dispositif avait permis de résorber la crise des marchés repo
Les conclusions de la revue stratégique de la BCE montrent que le Conseil des gouverneurs a écouté attentivement les propos de son auditoire. Son objectif d’inflation est désormais vraiment symétrique, levant ainsi toute ambiguïté sur la perception que son précédent objectif était asymétrique. Trois autres changements se font l’écho des points abondamment commentés lors des manifestations de sensibilisation organisées par l’Eurosystème. Le coût des logements occupés par leur propriétaire sera pris en compte dans l’évaluation du contexte d’inflation. La communication sera orientée vers un public plus large et une décision a été prise de s’engager dans un plan d’action ambitieux en matière de climat. Retour désormais à la lourde tâche d’essayer de faire grimper l’inflation à 2%.
Les politiques très accommodantes introduites par le Conseil fédéral et la Banque nationale suisse (BNS) ont réussi à limiter les conséquences économiques de la pandémie. En 2020, l’activité économique s’est contractée de 3%. Les derniers indicateurs conjoncturels pointent vers un fort rebond au second semestre de cette année. La reprise est générale. La consommation privée sera l’un des principaux moteurs de la croissance, les ménages puisant pour leurs dépenses dans l’épargne accumulée pendant la crise. La rupture des négociations entre la Confédération helvétique et l’Union européenne ainsi que l’introduction possible d’un taux minimum mondial d’imposition des entreprises vont probablement nuire à la compétitivité du pays à moyen terme.
Le 16 juin, la Réserve fédérale américaine (Fed) a prolongé ses accords temporaires de swap jusqu’au 31 décembre 2021*. Si les tirages sont aujourd’hui modestes, ce dispositif - qui offre à une banque centrale étrangère la faculté d’obtenir des dollars auprès de la Fed puis de les prêter aux banques commerciales de son ressort - a permis d’atténuer, à l’échelle mondiale, les tensions sur les liquidités en dollar occasionnées par le choc de la Covid-19. Lors de la crise financière de 2008, déjà, ces accords avaient œuvré, mais de manière détournée, puisqu’ils avaient été largement utilisés comme substituts à la fenêtre d’escompte
Dans le sillage de la crise de la Covid-19, les dépôts bancaires, qui constituent la composante principale de la masse monétaire, ont connu une croissance extrêmement dynamique dans la zone euro comme aux États-Unis. Les origines de cette monnaie nouvellement créée ont souvent été imparfaitement identifiées de même que les facteurs éventuels de sa destruction. La méthodologie européenne de suivi de la monnaie offre pourtant une précieuse grille d’analyse. Nous proposons dans cet article de la transposer aux données américaines. Elle enseigne que l’amplification du programme d’achats de titres de la Réserve fédérale et le dispositif de prêts aux entreprises garantis par le Trésor expliquent à eux seuls l’emballement du rythme de croissance des dépôts bancaires
Orientés à la hausse depuis de nombreuses années déjà, les dépôts à vue des sociétés non financières (SNF) ont atteint de nouveaux records dans la zone euro sous l’effet de la crise sanitaire et des mesures gouvernementales de soutien au financement des entreprises. Leurs encours s’élevaient à EUR 2 591 mds pour l’ensemble de la zone euro en mars 2021 (dont 26% en France, 23% en Allemagne, 14% en Italie et 11% en Espagne)
Les encours publiés dans les comptes nationaux financiers[1] étant valorisés[2], les ratios d’endettement des sociétés non financières françaises, calculés à partir de ces derniers, sont susceptibles de donner une image déformée de la structure financière de ces dernières. En revanche, les flux d’opérations hors effets de valorisation (augmentation de capital) et d’autofinancement offrent une approximation acceptable de la variation de leurs fonds propres. Selon nos calculs, les entreprises françaises ont abordé la crise avec une structure financière renforcée