Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion du FOMC la semaine dernière, Jerome Powell a été on ne peut plus clair. Compte tenu des deux objectifs du Comité — inflation et emploi maximum — les données plaident pour un relèvement des taux d’intérêt dès le mois de mars et probablement plusieurs hausses de taux par la suite. Les décisions s’appuieront « sur les données disponibles et sur l’évolution des perspectives ». Cette dépendance aux données traduit la crainte d’un resserrement excessif et rend la politique monétaire difficile à prévoir. Plus vite la Fed donnera des tours de vis, plus la probabilité qu’elle fasse une pause pour voir comment l’économie réagit sera grande.
Il y a deux manières d’accueillir la toute dernière livraison des comptes nationaux aux États-Unis. La première, chaleureuse, applaudira le chiffre élevé de la croissance du quatrième trimestre de 2021 (6,7% en rythme annualisé, r.a.) et l’effacement quasi complet des séquelles économiques de la Covid, le niveau d’activité ayant d’ores et déjà rejoint sa trajectoire pré-pandémique. La seconde, plus circonspecte, relèvera que l’investissement a continué de faire du sur-place et que la performance eût été moindre (ramenée à 1,6% r.a.) sans la contribution exceptionnelle des stocks.
Pour la première fois depuis mai 2019, le rendement du Bund à 10 ans est récemment revenu en territoire positif. Trois facteurs expliquent cette évolution. Premièrement, l’habituel effet d’entraînement mondial des évolutions sur le marché américain des emprunts d’État où, à la suite du durcissement de ton de la Réserve fédérale, les rendements étaient sur une tendance haussière depuis début décembre 2021. Deuxièmement, les marchés intègrent l’arrêt du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP) et la réduction (tapering) des achats d’actifs nets par la Banque centrale européenne. S’ajoute, enfin, la perspective d’un relèvement des taux directeurs par la BCE. Les marchés obligataires américain et allemand sont fortement corrélés depuis 2021
La croissance économique chinoise a ralenti à 4% en glissement annuel (g.a.) au T4 2021, contre 4,9% au T3. Dans l’industrie, la situation s’est redressée légèrement au cours du T4 2021 après un été très perturbé par des coupures d’électricité et des contraintes d’approvisionnement. La croissance industrielle est ainsi passée de 3,1% en g.a. en septembre à 4,3% en décembre. À très court terme, cependant, la production et les exportations du secteur manufacturier devraient souffrir des effets de la nouvelle vague épidémique (confinements, perturbations dans les usines et le transport des marchandises).
Les pays émergents terminent l’année 2021 avec une détérioration de la balance perspectives/risques. Pour 2022, le ralentissement de la croissance sera plus important que prévu avec éventuellement un risque d’instabilité sociale à l’image des soubresauts au Kazakhstan. Au cours des trois derniers mois, la Turquie s’est illustrée par une mini-crise financière. La politique monétaire et de change mise sur les exportations et l’investissement pour soutenir la croissance et rétablir les grands équilibres à moyen terme mais au prix d’une forte instabilité financière à court terme. C’est un pari osé qui pourrait contraindre les autorités à recourir à un véritable contrôle des changes au lieu des mesures incitatives prises jusqu’à présent.
Depuis novembre 2020, les opérations de mise en pension de titres1, réalisées par la Réserve fédérale américaine (Fed) auprès de banques centrales étrangères (Foreign Repo Pool, FRRP), se sont nettement élargies. Les principales contreparties de la Fed peuvent être identifiées à l’aide de deux séries statistiques.La structure des réserves de change officielles2 indique les montants de dépôts (au sens large, y compris dans le cadre de prises en pension) effectués par chacune des économies « auprès de banques centrales étrangères, de la Banque des Règlements Internationaux et du Fonds Monétaire International »
La Réserve fédérale ne plaisante plus. Face au dérapage inédit de l’inflation (6,9% sur un an en novembre dernier, probablement à peine moins en décembre), elle va resserrer sa politique monétaire, davantage que prévu. Au-delà des statistiques d’inflation, c’est la situation du marché du travail, jugée « tendue » par les membres du FOMC, qui autorise le changement de cap.
Coïncidence rare du calendrier, les quatre principales banques centrales - la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon - ont tenu leur réunion de politique monétaire la semaine dernière. Elles visent toutes un objectif d’inflation de 2%. Les décisions prises à cette occasion ont fait ressortir le rôle des différences d’approche, d’environnement économique et de perspectives. Quoi qu’il en soit, les banques centrales ont en commun la volonté de réagir si les circonstances l’exigent. Compte tenu de l’inquiétude croissante provoquée par le variant Omicron, les données seront déterminantes dans l’orientation de la politique monétaire.
Après la récession soudaine, profonde et atypique de 2020, provoquée par la pandémie de Covid-19, l’année 2021 a également inédite à plusieurs égards. Les goulets d’étranglement du côté de l’offre et les perturbations des chaînes d’approvisionnement, thèmes dominants en 2021, ont freiné la croissance, directement mais aussi indirectement, en entraînant une remontée de l’inflation à des niveaux inédits depuis des décennies. Dans l’hypothèse d’une maîtrise progressive de la pandémie grâce à une meilleure couverture vaccinale, nous devrions assister en 2022 à une normalisation en termes de croissance, d’inflation et de politique monétaire.
Aux États-Unis, le dérapage des prix n’en finit plus et cesse d’être regardé avec complaisance par la Réserve fédérale, qui pourrait précipiter la fin de son assouplissement quantitatif. L’inflation concerne aussi les prix des actifs, immobiliers ou boursiers, qui atteignent des sommets. À moins que l’émergence du variant Omicron du coronavirus ne change radicalement la donne, tout concourt au relèvement des taux d’intérêt directeurs en 2022, peut-être dès l’été.
La crise de l’immobilier, le maintien de la stratégie zéro covid face aux résurgences de l’épidémie, et la fragilité persistante de la consommation des ménages sont parmi les principaux facteurs de risque pesant sur la croissance chinoise. À court terme, les autorités devraient renforcer prudemment leur soutien monétaire et budgétaire à l’activité, tout en maintenant le cap de l’assainissement du marché immobilier, de la réduction des risques financiers et du resserrement réglementaire.
Augmenter ou ne pas augmenter les taux d’intérêt ? Telle est la question qui se pose la Banque d’Angleterre, alors que l’inflation accélère en même temps que les contaminations à la Covid-19, dont le nouveau variant « Omicron » inquiète. Au moment aussi où l’activité économique, en très fort rebond jusqu’à l’été 2021, perd le soutien de la dépense publique et donne quelques signes d’accalmie.
La reprise dans les pays émergents depuis la mi-2020 s’est accompagnée d’un durcissement monétaire en Amérique latine et en Europe mais pas en Asie jusqu’à présent (à l’exception de la Corée du Sud). Le niveau et la trajectoire de l’inflation en sont les principales raisons. Elle est forte et accélère en Amérique latine et en Europe, plus modérée et encore contenue en Asie
Dans la plupart des pays européens, le déficit structurel primaire devrait baisser en 2022. Une telle contraction constitue une impulsion budgétaire négative qui pourrait freiner la croissance économique. Toutefois, le solde primaire reste important et correspond à une politique budgétaire accommodante. Les politiques nationales, les dépenses au titre de la facilité pour la reprise et la résilience, et les autres aides européennes devraient soutenir la croissance en 2022. En outre, elles devraient accompagner et renforcer la reprise actuelle et l’efficacité de la politique accommodante de la BCE.
La réunion du 16 décembre de la BCE est très attendue, en premier lieu pour les nouvelles prévisions de croissance et d’inflation de la banque centrale. Du côté de la croissance, en septembre, la BCE prévoyait 5% en 2021 en moyenne annuelle, 4,6% en 2022 et 2,1% en 2023. Elle pourrait laisser inchangée sa prévision pour 2021, les chiffres positifs du T3 étant contrebalancés par une vision moins positive des perspectives pour le T4 (sous l’effet de la hausse des contraintes d’offre, des pressions inflationnistes et de la recrudescence de l’épidémie). La croissance en 2022 devrait s’en ressentir. L’ampleur de la révision en baisse sera indicative de son degré de préoccupation
Devant le Sénat américain, Jerome Powell a reconnu qu’il pouvait y avoir une inflation moins transitoire que ce que l’on avait pensé jusque-là, ce qui justifierait une réduction des achats d’actifs plus rapide. Malgré ce durcissement de ton, les bons du Trésor ont peu réagi. Cela pourrait refléter l’inquiétude des marchés sur l’évolution de la pandémie. Le nouveau variant Omicron constitue, en outre, un choc d’incertitude pour les ménages et les entreprises. Il vient s’ajouter à un choc d’offre négatif qui freine la demande. Cela rend la tâche des banques centrales plus complexe que jamais au moment de décider de l’ampleur du coup de frein monétaire qu’elles peuvent donner.
En juillet dernier, la Réserve fédérale américaine (Fed) a enrichi son cadre d’intervention sur les marchés monétaires. Elle dispose à présent d’une facilité permanente de prises en pension de titres (Standing Repo Facility, SRF), en sus de son dispositif de mises en pension (Reverse Repo Program, RRP). Ces outils doivent lui permettre de moduler son offre de monnaie centrale, aussi bien à la baisse qu’à la hausse, lors de tensions sur les taux courts de marché. Dans le contexte actuel de liquidités de banque centrale abondantes et d’offre de titres publics restreinte, les fonds monétaires ont largement recours au dispositif RRP
Au cours des 15 derniers jours, la livre turque s’est dépréciée de 21% par rapport à l’euro dont plus de 10% la seule journée du 23 novembre. Parallèlement, les rendements des obligations d’Etat à 10 ans ont franchi la barre des 20%. Cet accès de fièvre fait suite à i/ une nouvelle baisse du taux directeur de la banque centrale le 19 de 16% à 15% malgré l’accélération de l’inflation qui a atteint 19,9% en glissement annuel en octobre et ii/ les déclarations du Président Erdogan justifiant l’assouplissement monétaire au nom d’une nouvelle politique économique, le président ayant demandé au conseil national de sécurité de décréter l’état de « guerre d’indépendance économique »
La BCE insiste sur l’importance de faire preuve de patience avant d’envisager un resserrement monétaire malgré l’inflation actuellement élevée. D’après elle, l’inflation reculera l’année prochaine et il n’y aura pas de spirale salaires-prix. En outre, les attentes d’inflation demeurent solidement ancrées. Dans la zone euro, la demande est freinée par la hausse des prix de l’énergie. Augmenter les taux, en réaction à l’inflation induite par l’offre, pourrait réduire encore davantage la demande. Pour éviter ce scénario, la banque centrale a raison d’attendre, adoptant ainsi une approche de gestion des risques appliquée à la politique monétaire
Les marchés anticipent un tour de vis monétaire dès la fin 2022. Une position que ne partage pas la BCE compte tenu de ses prévisions d’inflation. Cette divergence de point de vue pourrait refléter une perte de crédibilité de la banque centrale ou, plus vraisemblablement, un désaccord en matière de prévisions d’inflation entre cette dernière et les acteurs du marché. Autre explication possible : le focus des investisseurs sur les scénarios possibles d’inflation et leurs inquiétudes concernant les risques à la hausse de l’inflation.
Une opération réussie de market timing entre actions et liquidités suppose un niveau de compétence élevé. Un pré-requis qui s’accentue avec la grande faiblesse des taux directeurs, par leur impact sur les taux du marché, qui dissuade les investisseurs de recourir à ce type d’opération. Il en est de même de l’assouplissement quantitatif.Ces questions jouent un rôle important du point de vue de la stabilité financière. La frilosité de plus en plus grande des investisseurs à l’égard de ces opérations réduit probablement la volatilité des marchés actions et conduit à un accroissement de la valorisation
D’après les données récentes, la confiance des entreprises et des ménages est en hausse, et la croissance du PIB réel devrait ralentir tout en restant bien supérieure à son potentiel. Les interactions entre les dépenses, les bénéfices des entreprises et l’emploi, alors que conditions monétaires et financières sont favorables, constituent un facteur-clé. Pour utiliser une métaphore courante, le ciel semblait jusqu’à présent dégagé mais les nuages s’amoncellent. Les banques centrales devraient durcir le ton. Aux États-Unis, les dissensions politiques influencent l’agenda économique du président Biden, tandis que la Chine traverse une phase d’ajustements majeure
La désynchronisation monétaire entre les États-Unis et la zone euro semble inévitable. Elle résulte d’évolutions très différentes en termes d’inflation. Quant à savoir si elle compliquera la tâche de la Banque centrale européenne pour atteindre son objectif d’inflation, l'influence des conditions financières dans la zone euro sera ici décisive à court terme. Dans l’ensemble, l’effet net devrait être limité. Les exportations devraient jouer un plus grand rôle à moyen terme, une fois que le cycle de resserrement monétaire aux États-Unis sera bien engagé. La croissance de la demande intérieure américaine va alors ralentir, ce qui pèsera sur les importations et, donc, sur les exportations de la zone euro vers les États-Unis
Les nouvelles projections macroéconomiques de la Banque centrale européenne ont de quoi refroidir l’optimisme des épargnants, qui espéraient que plusieurs années de croissance supérieure au potentiel ouvriraient la voie à un relèvement des taux directeurs. Il est clair qu’au stade actuel, certaines conditions des indications prospectives (forward guidance) sur les taux d’intérêt, qui ont été récemment révisées, ne sont pas remplies. À en juger par les dernières projections de la BCE, ce devrait être encore le cas en 2023, même dans l’hypothèse d’un scénario de reprise en douceur. La lente augmentation de l’inflation sous-jacente ne sera probablement pas estimée satisfaisante
Dans la première phase de l’assouplissement quantitatif, les marchés financiers considèrent que la forward guidance sur les rachats d’actifs et celle sur les taux directeurs sont étroitement liées. Cela génère un renforcement mutuel de ces deux instruments. Par la suite, la crainte que cet effet de signal agisse aussi dans l’autre sens peut se renforcer. La réduction des achats mensuels d’actifs peut être interprétée comme l’annonce d’un relèvement prochain des taux, une fois que les achats nets auront pris fin. Aux États-Unis, Jerome Powell a été très clair : une réduction progressive des achats d’actifs n’annoncerait pas un changement de perspective pour les taux des Fed funds