Les créations d’emplois au sein de la zone euro ont été très importantes en 2021. Cela a permis de ramener le taux de chômage à un niveau historiquement bas. Mais cette dynamique s’est aussi traduite par des difficultés de recrutement et un manque de main d’œuvre. Les pénuries de main d’œuvre les plus contraignantes frappent l’Allemagne (dans tous les secteurs), en lien avec un faible taux de chômage, et les plus faibles touchent l’Italie dont le marché du travail est le moins dynamique de la zone (hiérarchie vérifiée quel que soit le secteur). En France, les tensions sont plus vives dans le secteur de la construction et plus modérées par ailleurs
Nous nous intéresserons, en premier lieu, à l’ampleur de la révision en hausse des projections d’inflation de la Banque centrale européenne. Cette révision devrait être importante compte tenu des derniers chiffres disponibles, toujours plus élevés (5,8% en février en glissement annuel selon l’estimation flash d’Eurostat, 2,7% pour le sous-jacent) et des développements en cours.
Le conflit qui touche l’Ukraine affecte l’économie de la zone euro à travers différents canaux : une incertitude accrue, la volatilité des marchés financiers, la baisse des exportations, la hausse des prix du pétrole, du gaz et d’autres matières premières. Si les canaux de transmission à l’économie sont connus, l’ampleur de l’impact ne l’est pas. Les analyses contrefactuelles des hausses des prix du pétrole et du gaz en 2021 peuvent servir de référence. Néanmoins, la nature géopolitique du choc réduit la fiabilité des estimations basées sur de modèles économétriques. En outre, d’autres canaux peuvent affecter la croissance économique. On peut craindre que plus la crise durera et plus les conséquences économiques seront importantes
Dans la zone euro, certains spreads souverains ont tendance à se creuser quand le rendement des obligations d’État allemandes augmente. Cette corrélation positive perdure tant qu’il y a suffisamment d’investisseurs pour penser que cette relation maintes fois observée dans le passé se poursuivra. L’écartement des spreads constaté ces dernières semaines l’a encore démontré. C’est un défi pour les gouvernements, car il entraîne une hausse des coûts d’emprunt, mais aussi pour la BCE, car cela affecte la transmission de la politique monétaire. C’est pour cela que la banque centrale insiste sur la flexibilité des réinvestissements au titre du PEPP.
La dernière conférence de presse de Christine Lagarde montre l’évolution assez significative de la position du Conseil des gouverneurs de la BCE en matière de perspectives d’inflation. Depuis la réunion de décembre dernier, les risques à la hausse ont augmenté, ce qui préoccupe les membres du Conseil. Les marchés financiers y ont vu le signal que la première remontée des taux pourrait avoir lieu plus tôt qu’attendu. Les rendements obligataires ont ainsi sensiblement augmenté. La forward guidance de la BCE, que l’on peut également considérer comme l’illustration de sa fonction de réaction, suggère de fixer les taux d’intérêt sur la base de règles et de conditions précises en termes de perspectives d’inflation et d’évolution récente des prix
Dans un contexte de reprise économique (rebond du PIB réel de +14,4% en glissement annuel au T2 2021 puis de +3,9% au T3 et +4,6% au T4, d’après l’estimation préliminaire d’Eurostat), les encours de prêts bancaires aux sociétés non financières (SNF) et aux ménages ont continûment accéléré dans la zone euro de mai à décembre 2021. Même si d’importants effets de base la maintenaient en territoire négatif, leur impulsion (qui reflète la variation, sur un an, de la croissance annuelle des encours) s’est donc redressée pour s’établir, en décembre 2021, à -0,6%.
L’actualité conjoncturelle a été particulièrement riche la semaine dernière. Le premier résultat important, si l’on regarde dans le rétroviseur, est la publication des premières estimations de la croissance au T4 2021 en France, en Allemagne et en Espagne. Les performances sont contrastées : baisse de 0,7% t/t du PIB allemand, nouvelle forte progression de 2% t/t du PIB espagnol et hausse de 0,7% t/t du PIB français.
La recrudescence de la pandémie de Covid-19 et l’apparition du nouveau variant Omicron compliquent plus encore la tâche de la Banque centrale européenne. La modération attendue de la croissance, qui reste élevée, risque de s’accentuer, du moins à court terme. En parallèle, l’inflation poursuit son envolée tout en se renforçant. Face à une incertitude accrue, la BCE tient un discours de prudence et de constance tout en se disant prête à réagir. D’après notre scénario, qui conserve un certain optimisme du côté de la croissance et entrevoit à une certaine persistance de l’inflation, la BCE mettrait fin au PEPP en mars 2022 et commencerait à remonter le taux de dépôt à la mi-2023.
La réunion du 16 décembre de la BCE est très attendue, en premier lieu pour les nouvelles prévisions de croissance et d’inflation de la banque centrale. Du côté de la croissance, en septembre, la BCE prévoyait 5% en 2021 en moyenne annuelle, 4,6% en 2022 et 2,1% en 2023. Elle pourrait laisser inchangée sa prévision pour 2021, les chiffres positifs du T3 étant contrebalancés par une vision moins positive des perspectives pour le T4 (sous l’effet de la hausse des contraintes d’offre, des pressions inflationnistes et de la recrudescence de l’épidémie). La croissance en 2022 devrait s’en ressentir. L’ampleur de la révision en baisse sera indicative de son degré de préoccupation
En septembre 2021, la légère accélération des encours de prêts aux sociétés non financières (SNF) dans la zone euro (+2,1% sur un an, contre +1,9% en juin) a interrompu la dégradation de l’impulsion du crédit bancaire (qui reflète la variation, sur un an, de la croissance annuelle de l’encours). Cette dernière demeure toutefois négative (-1,4% en septembre 2021, après -1,9% en juin) en raison d’un fort effet de base.
Les entreprises de la zone euro font état de pénuries records de main-d’œuvre. Si celles-ci sont en partie de nature cyclique, certains facteurs structurels interviennent. D’après l’enquête annuelle 2020 de la BEI sur les investissements, la disponibilité de personnel qualifié arrive en deuxième position des principaux facteurs pesant sur les décisions d’investissement à long terme dans la zone euro. Les pénuries structurelles de main-d’œuvre pèsent sur la croissance du PIB, en affectant la formation de capital, l’innovation et la productivité
D’après notre baromètre, la situation conjoncturelle de la zone euro s’est dégradée au cours des trois derniers mois. Si cette dégradation ressort très nettement dans les indicateurs d’activité, elle est moins perceptible au niveau des enquêtes sur le climat des affaires.
Dans la zone euro, les enquêtes auprès des entreprises font ressortir des pénuries records de personnel. Elles constituent un frein pour la croissance économique et laissent entrevoir une augmentation plus rapide des salaires et une hausse de l’inflation. À ce jour, la progression des salaires reste modérée mais, compte tenu de sa relation historique avec les goulets d’étranglement sur le marché du travail, une accélération semble probable. Malgré les difficultés des entreprises à pourvoir les postes vacants, le sous-emploi reste supérieur aux niveaux pré-pandémie. Cette situation devrait s’améliorer dans les prochains mois. Toutefois, pour alléger les tensions sur le marché du travail, les intentions d’embauche des entreprises seront déterminantes
Les marchés anticipent un tour de vis monétaire dès la fin 2022. Une position que ne partage pas la BCE compte tenu de ses prévisions d’inflation. Cette divergence de point de vue pourrait refléter une perte de crédibilité de la banque centrale ou, plus vraisemblablement, un désaccord en matière de prévisions d’inflation entre cette dernière et les acteurs du marché. Autre explication possible : le focus des investisseurs sur les scénarios possibles d’inflation et leurs inquiétudes concernant les risques à la hausse de l’inflation.
L’encours brut avant dépréciation[1] des prêts garantis par l’État (PGE[2]), accordés dans la zone euro en raison de la pandémie de Covid-19, s’est stabilisé à EUR 375 mds au deuxième trimestre 2021. Cette stabilisation s’explique notamment par la baisse - une première depuis leur mise en place au deuxième trimestre 2020 - des encours de PGE accordés par les banques françaises (EUR -13 mds) et espagnoles (EUR -2 mds) ; celles-ci ayant contribué à elles seules à 64% des PGE de l’ensemble de la zone euro au premier trimestre 2021
D’après notre baromètre, la situation conjoncturelle de la zone euro reste bonne et s’avère relativement stable par rapport au trois mois précédents, à l’exception notable des ventes au détail.
Le rebond vigoureux au T2 (2,2% t/t) devrait se poursuivre au T3. Les contraintes d’offre viennent amputer la croissance de quelques dixièmes de point de pourcentage par rapport à ce que nous anticipions en juin. Les enquêtes sur le climat des affaires de septembre en portent plus nettement la trace, en particulier dans l’industrie et en Allemagne. Mais ces enquêtes restent à un niveau élevé et la croissance dans la zone euro peut compter sur le soutien de l’important stimulus monétaire et budgétaire, du déblocage de l’épargne forcée, de la bonne orientation du marché du travail et des besoins d’investissement. La croissance en 2022 devrait ainsi dépasser de peu celle de 2021 (5,2% en moyenne annuelle, après 5%)
Depuis la fin 2020, l’inflation dans la zone euro remonte de façon quasi verticale. Il y a un an, elle était légèrement négative en glissement annuel ; en septembre 2021, selon l’estimation préliminaire d’Eurostat, elle s’élevait à 3,4%, un plus haut depuis septembre 2008. Cette remontada est particulièrement vive en Allemagne, suivie de l’Espagne, et, dans une moindre mesure, de l’Italie et de la France. En Allemagne, l’évolution de l’inflation porte la trace de l’abaissement temporaire de la TVA au second semestre 2020. En Espagne, la hausse des prix de l’énergie est notamment accentuée par un niveau de TVA sur l’électricité plus élevé que dans la plupart des autres pays européens
Au premier trimestre 2021, les encours de prêts garantis par l’Etat (PGE) distribués par les banques de l’ensemble de la zone euro atteignaient EUR 376,4 mds contre EUR 184,7 mds au deuxième trimestre 2020. Le rapport entre les montants accordés, en cumul, de PGE et le total des prêts aux sociétés non financières (dont l’encours est demeuré relativement stable) est ainsi passé de 3,3% à 6,9% durant cette même période. Les banques françaises, espagnoles et italiennes ont tout particulièrement contribué à soutenir l’activité économique durant la pandémie de COVID-19
Malgré le relâchement récent des tensions élevées sur les prix dans l’industrie manufacturière de la zone euro, les analystes craignent une inflation durablement plus élevée que par le passé. La BCE semble de plus en plus partager ce point de vue, ce qui a son importance dans la perspective de la réunion du Conseil des gouverneurs de décembre. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement et la hausse des prix des intrants auront-elles un effet durable sur l’inflation ? Cela dépendra de leur transmission au reste de l’économie. On peut s’attendre à ce qu’elle soit plus marquée sous l’effet conjugué d’une demande vigoureuse, de la faiblesse des stocks et de l’allongement des délais d’approvisionnement
Les nouvelles projections macroéconomiques de la Banque centrale européenne ont de quoi refroidir l’optimisme des épargnants, qui espéraient que plusieurs années de croissance supérieure au potentiel ouvriraient la voie à un relèvement des taux directeurs. Il est clair qu’au stade actuel, certaines conditions des indications prospectives (forward guidance) sur les taux d’intérêt, qui ont été récemment révisées, ne sont pas remplies. À en juger par les dernières projections de la BCE, ce devrait être encore le cas en 2023, même dans l’hypothèse d’un scénario de reprise en douceur. La lente augmentation de l’inflation sous-jacente ne sera probablement pas estimée satisfaisante
Après deux trimestres en légère contraction (-0,4% t/t au T4 2020, -0,3% au T1 2021), marqués par les reconfinements dans différents pays de la zone, la croissance a vigoureusement rebondi au T2 2021 (+2,2% t/t, +14,3% en glissement annuel). L’acquis de croissance s’élève à près de 4% et l’écart par rapport au niveau d’avant-crise du T4 2019 n’est plus que de 2,5%. La vigueur du rebond était déjà visible dans le redressement des enquêtes de confiance entre avril et juin, que ce soit les PMI de Markit ou l’indice du sentiment économique de la Commission européenne (ESI).
L’impulsion du crédit dans la zone euro demeurait négative en juin 2021. Pour mémoire, l’introduction des mesures de soutien au financement des entreprises par les gouvernements de la zone euro avait conduit à une croissance exceptionnelle mais temporaire des encours de prêts bancaires aux sociétés non financières (SNF) au printemps 2020. Conjugué à cette dernière, le freinage de l’encours observé un an plus tard a exercé un effet de ciseau négatif sur l’impulsion du crédit au SNF.
Les conclusions de la revue stratégique de la BCE montrent que le Conseil des gouverneurs a écouté attentivement les propos de son auditoire. Son objectif d’inflation est désormais vraiment symétrique, levant ainsi toute ambiguïté sur la perception que son précédent objectif était asymétrique. Trois autres changements se font l’écho des points abondamment commentés lors des manifestations de sensibilisation organisées par l’Eurosystème. Le coût des logements occupés par leur propriétaire sera pris en compte dans l’évaluation du contexte d’inflation. La communication sera orientée vers un public plus large et une décision a été prise de s’engager dans un plan d’action ambitieux en matière de climat. Retour désormais à la lourde tâche d’essayer de faire grimper l’inflation à 2%.
L’économie de la zone euro reprend de belles couleurs. Sur le plan macroéconomique, le rattrapage des pertes accumulées depuis le printemps 2020 est plus rapide que ce qui était anticipé il y a seulement quelques mois. En l’absence d’une nouvelle vague épidémique due à la prolifération des variants du virus, la zone euro pourrait retrouver son niveau d’activité d’avant-crise dès la fin de cette année. L’accélération des campagnes de vaccination et la levée progressive des restrictions sanitaires réduisent les incertitudes et redonnent confiance aux agents économiques. Les consommateurs, qui se sont adaptés aux mesures sanitaires, jouent un rôle prépondérant. Face à ces dynamiques favorables, les politiques publiques restent prudentes