En l’espace de quelques mois, les perspectives de croissance de la zone euro se sont fortement détériorées, au point de craindre désormais une récession dans le courant de l’année. Entre notre prévision de début 2021 – moment où elle a été la plus élevée (5,5%) – et notre scénario actuel établi mi-mars 2022, la croissance attendue a été divisée par deux environ : nous tablons désormais sur 2,8%. En novembre 2021, nous prévoyions encore 4,2%.
Ce chiffre de 2,8% est certes très élevé en apparence, bien supérieur à son rythme tendanciel (1,6% en moyenne par an entre 1996 et 2019), mais il s’appuie sur un acquis de croissance exceptionnellement important de 2,1% au T1 2022 et, pour les trimestres suivants, sur une croissance peu élevée mais positive. Or, depuis la mi-mars, les risques baissiers se sont accrus, notamment avec l’amplification du choc inflationniste, et le risque de récession a gagné en probabilité.
Au T1 2022, d’après la première estimation d’Eurostat, la croissance de la zone euro a été faiblement positive (+0,2% t/t). Ce résultat n’est que marginalement inférieur à nos attentes (+0,3% t/t) mais il est fragilisé par la situation contrastée entre les quatre plus grandes économies de la zone : baisse de 0,2% t/t du PIB italien, stagnation du PIB français, hausse très modérée des PIB allemand et espagnols (respectivement, +0,2% t/t et +0,3% t/t). La baisse marquée, derrière ces chiffres, de la consommation des ménages français (-1,3% t/t) et espagnols (-3,7% t/t) n’est pas non plus de bon augure.
S’agissant du démarrage du T2, le signal des enquêtes est mitigé?: la zone en bleu de notre baromètre n’est en retrait, par rapport à celle délimitée par les pointillés, que sur un nombre réduit d’indicateurs et dans une ampleur encore relativement limitée à ce stade. L’indice composite PMI s’est légèrement amélioré (+0,9 point, à 55,8), le net redressement du PMI dans les services (+2,1 points, à 57,7) l’emportant sur le nouveau repli du PMI manufacturier (-2,4 points, à 50,7). L’indicateur du sentiment économique de la Commission européenne a, en revanche, accusé une nouvelle baisse (-1,7 point), quoique bien moindre que sa lourde chute en mars (-7,8 points). Elle est entraînée par celle de la confiance des consommateurs et des entreprises du commerce de détail, et derrière laquelle il faut voir l’appréhension du choc inflationniste. Celui-ci continue de gagner en ampleur : l’inflation totale a encore augmenté en avril, certes de seulement 0,1 point (à 7,5% en glissement annuel selon l’estimation flash d’Eurostat) mais cela masque une forte hausse de l’inflation sous-jacente (+0,6 point, à 3,5% en glissement annuel).
Du côté du marché du travail, les signaux restent, en revanche, rassurants. Il se pourrait que la situation ne se dégrade pas trop, malgré les chocs, compte tenu du soutien à la croissance venant de la dynamique conjoncturelle préexistante à la guerre en Ukraine (rebond post-Covid), des mesures budgétaires visant à amortir l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat, de l’excès d’épargne toujours disponible et des besoins d’investissement. Si une récession devait advenir, elle pourrait, grâce à ces différents éléments, n’être que « technique » (limitée dans le temps et en ampleur).