L’enquête réalisée par la Commission européenne sur la confiance des entreprises industrielles enregistre un repli significatif depuis le début de l’année. Cependant, les entreprises continuent de considérer le manque de main-d’œuvre comme un frein majeur à la production. Le niveau record des carnets de commandes - en termes de durée de production assurée - peut expliquer cette situation. Or, en raison de leur impact sur la croissance de l’emploi et des salaires, les goulets d’étranglement du marché du travail devraient soutenir les dépenses de consommation lorsque l’économie marquera le pas. Mais ce soutien sera probablement de courte durée
L’inflation harmonisée en zone euro a de nouveau surpris défavorablement en octobre, atteignant 10,7% en g.a. d’après l’estimation préliminaire d’Eurostat, contre une prévision du consensus Bloomberg de 10,2%. C’est le deuxième mois d’affilée que les prix accélèrent autant (+0,8 point). Cette mauvaise nouvelle ne vient pas seule : cette accélération est imputable à hauteur de la moitié à l’inflation sous-jacente, de 0,3 point à l’inflation alimentaire et de 0,1 point à la composante énergie. L’inflation continue donc de se propager et de se renforcer.
Négative durant la majeure partie de l’année 2021, l’impulsion du crédit est redevenue positive au début de 2022 et a accéléré jusqu’à atteindre des niveaux inédits (+3,8 points en août 2022, +3,7 points en septembre 2022). Ces évolutions contrastent avec la forte décélération du PIB de la zone euro au troisième trimestre 2022 (+0,2% t/t après +0,8% au deuxième), qu’elles ont sans doute contribué à limiter. En forte accélération depuis le printemps, les encours ont enregistré, en septembre 2022, leur plus forte croissance depuis décembre 2008 pour les prêts au secteur privé (+6,9% en glissement annuel) et depuis janvier 2009 pour les prêts aux sociétés non financières (SNF, +8,9%).
La dernière enquête des prévisionnistes professionnels de la BCE met en évidence une révision à la baisse des perspectives de croissance et un ajustement à la hausse des prévisions d’inflation. Pour l'année à venir, la question véritable porte non sur la direction de l'inflation mais sur la rapidité et l'ampleur de son déclin. Un ralentissement trop lent pourrait convaincre la BCE de la nécessité de poursuivre la hausse des taux au-delà de ce que prévoient actuellement les marchés, ce qui augmenterait le coût pour l'économie des efforts déployés pour juguler l'inflation. La désinflation pourrait se faire attendre plus longtemps que prévu. Au cours des deux années écoulées, une série de facteurs ont conduit à une inflation exceptionnellement élevée mais également à large spectre
L’inflation en zone euro a atteint le seuil des 10% a/a au mois de septembre selon l’estimation préliminaire d’Eurostat, un plus haut historique depuis que le taux d’inflation de la zone est mesuré. Les prix de l’énergie y jouent un rôle majeur (+40,8% a/a). En parallèle, la dynamique des prix alimentaires pèse de plus en plus, avec une hausse de 11,8% a/a de l’indice harmonisé (incluant également l’alcool et le tabac) au mois de septembre. Une partie de cette hausse des prix alimentaires provient de l’impact de l’envolée des prix de l’énergie sur les coûts de production du secteur. Toutefois, des contraintes d’offre, du fait de difficultés de production, semblent également à l’œuvre
Compte tenu de la récente forte hausse des taux d’intérêt, dans les pays de la zone euro le coût d’emprunt de la dette nouvellement émise est désormais plus élevé, pour une maturité équivalente, que celui de la dette existante. Pour que la dette publique soit soutenable, une telle situation requiert un déficit primaire moindre ou un excédent plus élevé, selon que le coût moyen de la dette est inférieur ou supérieur au taux de croissance nominale à long terme du PIB. Toutefois, l’effet ne se fera pleinement ressentir que lorsque la totalité de la dette aura été refinancée à un taux d’intérêt plus élevé. Compte tenu de la maturité moyenne élevée de la dette existante, l’effort annuel d’ajustement est, pour le moment, limité mais il augmentera à l’avenir
Le ciel conjoncturel ne cesse de s’assombrir au-dessus de la zone euro. Le bilan des premières données disponibles pour septembre n’est pas bon et cela se voit sur notre baromètre. Au niveau des données d’enquêtes, la zone bleue (relative aux conditions récentes) se rétracte par rapport à la ligne pointillée (relative aux conditions des quatre mois précédents) et même, sur certains indicateurs, par rapport au dodécagone gris (la moyenne de long terme). La situation est inverse pour les données d’inflation. De fait, l’inflation a franchi un nouveau cap, en atteignant 10% en g.a. en septembre selon l’estimation préliminaire d’Eurostat
La remontée des taux de marché depuis le début de l’année 2022 a entraîné un début de hausse des taux des prêts bancaires dans la zone euro. Ces évolutions ont concerné notamment les taux des prêts à l’habitat et ceux des prêts aux sociétés non financières. Pour l’heure, les évolutions des encours de crédit bancaire ne sont pas encore affectées par le resserrement des conditions mais les premières conséquences devraient se matérialiser en 2023.
La conjonction actuelle inédite des chocs - inflationniste, sanitaire, géopolitique, énergétique, climatique, monétaire - devrait avoir raison de la résistance de la zone euro et la plonger en récession à l’horizon des prochains trimestres. La détérioration des enquêtes de confiance cet été en donne des signes avant-coureurs. La récession devrait toutefois rester limitée grâce notamment au soutien budgétaire. Elle serait suivie d’une reprise modérée à la faveur de l’atténuation des chocs. Face à la poursuite de l’envolée de l’inflation, la BCE est passée à la vitesse supérieure. Elle augmenterait encore ses taux de 125 pb d’ici la fin de l’année (portant le taux de dépôt à 2%) et se donnerait ensuite le temps d’évaluer l’ampleur de la modération de la croissance et de l’inflation.
À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. La probabilité est forte que la Banque centrale européenne augmente de 75 points de base ses taux directeurs lors de sa réunion du 8 septembre prochain. La BCE n’a, en effet, guère d’autre choix que de répondre par un geste extraordinaire à la poursuite de l’envolée de l’inflation, et ce malgré l’accentuation du risque de récession. Il s’agit de mettre en pratique les discours hawkish de Jackson Hole et la détermination inconditionnelle affichée à préserver la stabilité des prix.
Au premier semestre 2022, les grandes sociétés non financières de la zone euro ont été plus enclines à contracter de nouveaux prêts bancaires qu’à émettre des titres de dette. Selon les dernières données disponibles, les émissions obligataires sont demeurées à l’étiage aux mois de juillet et d’août. Au début de l’année 2022, les coûts moyens de la dette négociable et des prêts bancaires aux entreprises présentaient des niveaux comparables (pour les entreprises françaises par exemple, 1,1% en janvier 2022 selon les calculs de la Banque de France1). Le coût des prêts bancaires est désormais nettement moindre (1,65%)
En forte accélération depuis le printemps 2021, les encours de crédit au secteur privé ont enregistré, en juin, leur glissement annuel le plus élevé depuis 2009 (+6,1% en juin 2022). Le glissement annuel et l’impulsion du crédit aux sociétés non financières (SNF) atteignaient, pour leurs parts, des niveaux inédits depuis 2006 (+6,8% et +4,9%, respectivement). Selon les banques interrogées par la BCE en juin dans le cadre de sa Bank Lending Survey (publiée le 19 juillet dernier), les goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement et le renchérissement des matières premières ont creusé les besoins en fonds de roulement et renforcé la demande de prêts de maturité inférieure à un an.
Le Conseil des gouverneurs de la BCE a surpris en décidant à la fois d’une hausse de 50 points de base de son taux d’intérêt, d’abandonner la forward guidance et que les données le guideront à l’avenir dans ses décisions de resserrement monétaire. Cela pourrait traduire une appréhension de la banque centrale à propos de la rapidité avec laquelle l’économie de la zone euro pourrait réagir à la remontée des taux et des incertitudes entourant les livraisons de gaz l’hiver prochain. L’autre décision importante de la réunion du 21 juillet a été l’introduction de l’instrument de protection de la transmission (IPT) pour contrer un élargissement injustifié des spreads souverains qui pèserait sur la transmission de la politique monétaire
La réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE de jeudi prochain est très attendue. La décision de relever les taux ayant fait l’objet d’une annonce préalable, la question sera de savoir si le nouvel outil destiné à contrer l’élargissement injustifié des spreads souverains sera dévoilé. Si la justification d’un tel instrument est bien admise, sa conception et son utilisation soulèvent plusieurs questions. La réponse à l’une d’elles est facile. Pour éviter de remettre en cause l’orientation de la politique monétaire, les achats d’obligations par la banque centrale devront être neutralisés. Répondre aux suivantes est plus complexe
La perspective de multiples resserrements monétaires de la Réserve fédérale, ainsi que le risque de disruption de l’offre de gaz en Europe, avec des conséquences néfastes pour la croissance, sont les principaux facteurs qui ont récemment causé une baisse du taux de change de l’euro par rapport au dollar, conduisant à une parité entre les deux devises. Les conséquences économiques pour la zone euro sont surtout négatives, le seul point positif étant le gain de compétitivité. À court terme, un changement de tendance est peu probable mais à moyen terme l’euro devrait finir par s’apprécier contre le dollar
L’encours total des découverts, crédits renouvelables, facilités de remboursement et prorogations sur cartes de crédits, accordés par les banques aux sociétés non financières (SNF) de la zone euro, s’établissait en mai 2022 à EUR 535 mds, soit un niveau comparable à celui de mai 2020 après cinq mois de hausses. Depuis son point bas d’août 2021 à EUR 452 mds, l’encours des découverts des SNF a augmenté de 18,3% après une baisse de 35,6% entamée en février 2015.La baisse de l’encours des découverts des SNF s’est accentuée en 2020, probablement en raison des mesures de soutien public mises en place en réponse à la pandémie de Covid-19. Plus particulièrement, les prêts garantis par les États ont permis aux entreprises de bénéficier de ressources à des conditions exceptionnellement attractives
Sur le plan conjoncturel, les mois se suivent et se ressemblent dans la zone euro. Ainsi, l’inflation ne cesse d’augmenter et les enquêtes de confiance de reculer, dans une ampleur qui varie et en ordre dispersé. Si la détérioration de la situation et des perspectives économiques est claire, son importance et sa durée restent incertaines. La probabilité d’une récession s’accroît mais ce n’est pas (encore) une certitude. En effet, d’une part, le niveau d’activité reste élevé et tous les voyants économiques ne sont pas au rouge (notamment ceux concernant le marché du travail) et, d’autre part, la croissance bénéficie de vents porteurs ou, à tout le moins, d’amortisseurs.
Jusqu’ici relativement résistante aux chocs, la croissance de la zone euro devrait plus nettement ralentir dans les prochains mois. Une récession n’est pas à exclure mais ce n’est pas notre scénario central, la croissance disposant aussi de relais importants (rattrapage post-Covid-19, surplus d’épargne, besoins d’investissement, soutiens budgétaires). Notre scénario a certaines apparences de la stagflation mais s’en écarte par une hausse du taux de chômage qui resterait contenue. La BCE s’apprête à amorcer la remontée de ses taux directeurs pour contrer le choc inflationniste. Nous tablons sur une hausse cumulée de 250 points de base du taux de dépôt, ce qui le porterait à 2% à l’automne 2023.
Hier protégé par le « quoi qu’il en coûte », le pouvoir d’achat des Européens est aujourd’hui menacé par l’inflation. À nouveau sollicitées après la pandémie, les politiques publiques s’efforcent de limiter les pertes, sans y parvenir tout à fait. En 2022, le revenu disponible réel des ménages de la zone euro devrait reculer de l’ordre de 2,5%. Si la consommation progresse encore, c’est parce que le taux d’épargne baisse, une tendance qui masque une grande diversité de situations.
Un élargissement injustifié et prolongé des spreads souverains dans la zone euro entraînerait un durcissement excessif des conditions financières et pèserait sur l’activité et la demande. Un tel creusement irait à l’encontre des objectifs de la BCE dans le cadre de la normalisation de sa politique monétaire. Différentes variables fondamentales, directement ou indirectement liées aux questions de viabilité de la dette, influencent les écarts de taux. Or, elles ont tendance à évoluer lentement. Les spreads souverains dépendent également du niveau de l’aversion pour le risque, une variable très fluctuante influencée par des facteurs mondiaux. Tout cela complique l’évaluation du caractère justifié ou non de l’élargissement du spread observé.
Ces dernières semaines, la perspective de plusieurs relèvements de taux par la BCE a provoqué une hausse des rendements des obligations d’État allemandes et de certains spreads souverains de la zone euro. Au-delà d’un certain point, l’augmentation des spreads ne se justifie pas. Dans ces circonstances, la banque centrale pourrait décider d’intervenir pour éviter que cela n’entrave la transmission de la politique monétaire. Or, il est difficile de déterminer quand une hausse de spread souverain est trop forte. Historiquement, la relation (bêta) entre le spread BTP-Bund et les rendements du Bund, calculée sur une fenêtre mobile de 20 semaines, fluctue beaucoup. Il est donc nécessaire de considérer une perspective plus longue
Lors de sa réunion du 10 mars, la BCE avait ouvert la voie à la remontée du taux de dépôt. Le timing de la première hausse restait néanmoins incertain : septembre apparaissait moins probable comparé à quelques semaines plus tôt, juillet était exclu, restait décembre. La temporisation semblait toujours de mise compte tenu des risques baissiers croissants que le choc inflationniste en cours, la guerre en Ukraine et la stratégie zéro-Covid de la Chine font peser sur la croissance de la zone euro. Les données économiques publiées depuis ainsi que les discours hawkish, prononcés par nombre de membres de la BCE, ont accéléré le tempo.
Le changement climatique et la transition énergétique figurent en tête de liste de l’agenda européen. L’an dernier, «Fit for 55» a été présenté. Ce plan doit permettre à l’UE d’atteindre ses objectifs climatiques à l’horizon 2030 en la mettant sur la voie de la neutralité climatique et en visant une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030. En réaction à la guerre en Ukraine, « REPowerEU » a été lancé, avec l’ambition de réduire rapidement la dépendance aux combustibles fossiles russes et d’accélérer la transition verte. Ces initiatives impliquent que des millions de ménages et d’entreprises devront investir pour économiser de l’énergie et recourir à des sources d’énergie alternatives.
La hausse spectaculaire des prix de l’énergie depuis avril 2021 constitue le principal levier de la flambée actuelle de l’inflation en zone euro. Cette hausse s’est accentuée depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février dernier, entraînant la composante « énergie » de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), qui a crû de 44,4% a/a en mars 2022. Les gouvernements des quatre principales économies de la zone euro se sont mobilisés pour tenter d’amortir le choc pour les acteurs économiques, en particulier sur le pouvoir d’achat des ménages, via différentes mesures : subventions directes, baisses de taxes, réglementation des prix ou revalorisation des revenus
La hausse de l’inflation semble être, de prime abord, une bonne chose pour les gouvernements. Après tout, l’inflation induit une érosion de la valeur réelle de la dette et abaisse le ratio de dette publique sur PIB, la valeur nominale de ce dernier augmentant. Cependant, l’impact de l’inflation sur les finances publiques dépend de l’anticipation de sa hausse par les marchés financiers et de sa persistance attendue. Ces deux facteurs influenceraient le coût de l’emprunt et, par conséquent, la dynamique du ratio de dette via la différence entre ce coût et la croissance nominale du PIB