Les chiffres préliminaires de l’inflation pour le mois de février ont eu l’effet d’une douche froide au vu de l’accélération de l’inflation sous-jacente. Pour évaluer l’évolution des prix depuis le début de 2022, l’inflation mensuelle a été calculée pour l’ensemble des composantes (plus de 400) de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). Si la distribution des fréquences de l’inflation moyenne mensuelle entre octobre 2022 et janvier 2023 n’a guère évolué par rapport au premier trimestre 2022, l’inflation a néanmoins changé de nature. Alors que la hausse annuelle des prix de l’énergie a ralenti, celle des prix des produits alimentaires accélère toujours. Avec la répercussion des différents chocs, l’inflation devient persistante. À terme, l’évolution des salaires devrait également jouer un rôle clé. Les données récentes sur l’inflation ont fait grimper le taux final attendu de rémunération des dépôts par la BCE, ce qui constitue un frein supplémentaire pour l’activité. Lorsque l’inflation accélère de manière inattendue, la probabilité d’un ralentissement de la croissance tout aussi inattendu augmente.
Les chiffres préliminaires de l’inflation pour le mois de février ont eu l’effet d’une douche froide. Certes, l’inflation totale a diminué à 8,5 % contre 8,6 % en janvier, mais ce chiffre reste supérieur aux anticipations du consensus de 8,2 %.
Le vrai problème, néanmoins, est celui de l’inflation sous-jacente, qui s’est accentuée à 5,6 % (5,3 % en janvier). Est-il meilleure illustration du défi à relever par la BCE que la progression de 0,8 % de l’inflation mensuelle (hors alimentation, énergie, alcool, tabac) ? Pour autant, certains résultats d’enquête donnent des raisons d’espérer, même si le tableau d’ensemble reste très contrasté.
Ainsi, la tendance à la baisse des anticipations des prix de vente dans l’industrie manufacturière s’est poursuivie en février selon la dernière enquête de conjoncture de la Commission européenne. Dans le commerce de détail, ces anticipations ont diminué en février, s’inscrivant dans une tendance à la baisse modérée, amorcée en novembre 2022.
Le repli des anticipations de prix a également persisté dans la construction. Dans les services, en revanche, les anticipations de prix de vente évoluent dans une fourchette étroite depuis plusieurs mois, peinant à trouver une tendance claire, et les anticipations de prix des ménages pour les douze prochains mois se sont stabilisées en février après avoir nettement reculé depuis l’automne dernier. Les indices des directeurs d’achat de S&P Global pour le mois de février ont fait ressortir une « augmentation des anticipations de prix de vente à un rythme toujours soutenu et bien supérieur à sa moyenne de long terme » tandis que dans les services, la hausse des prix à la production a été l’une des plus fortes jamais enregistrées[1].
Pour évaluer l’évolution des prix depuis le début de l’année dernière, l’inflation mensuelle a été calculée pour l’ensemble des composantes (plus de 400) de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH)[2]. La distribution des fréquences de l’inflation moyenne mensuelle entre octobre 2022 et janvier 2023 n’a guère évolué par rapport au premier trimestre de 2022 (graphique 1)[3]. Par rapport au troisième trimestre, la courbe s’est même décalée légèrement vers la droite (graphique 2).
Le graphique 3 s’appuie sur les mêmes données pour tracer la dynamique des composantes individuelles. Dans certains cas, comme pour le pétrole, le gaz et l’électricité, une inflation mensuelle, élevée au premier trimestre 2022, a été suivie par une faible inflation mensuelle plus récemment, mais dans d’autres, comme pour de nombreux produits alimentaires, on a observé une évolution inverse. Cela montre que l’inflation a changé de nature.
Alors que la hausse annuelle des prix de l’énergie a ralenti, celle des prix des produits alimentaires accélère toujours (graphique 4), entraînant une modification de leur contribution à l’inflation globale (graphique 5). Avec la répercussion des différents chocs, l’inflation devient persistante. C’est la raison pour laquelle, comme le montre le graphique 3, l’inflation qui était, dans la plupart des cas, élevée au premier trimestre 2022, l’était encore tout récemment.
À terme, l’évolution des salaires devrait également jouer un rôle clé. La forte augmentation de l’indicateur des salaires de la Banque centrale d’Irlande, basé sur les offres d’emplois[4], illustre les tensions sur le marché du travail (graphique 6). La corrélation avec l’inflation totale est également frappante. Dans une perspective de court terme, la question qui se pose est de savoir si le récent ralentissement de la croissance des salaires est un phénomène ponctuel ou s’il marque le début d’une nouvelle tendance. Compte tenu des pénuries actuelles de main-d’œuvre et des plans d’embauche des entreprises, on peut s’attendre, au mieux, à une lente décrue. Les négociations salariales devraient également contribuer à l’inflation, même si, pour le moment, la hausse de l’indice des salaires négociés de la BCE s’est stabilisée[5].
En conclusion, si certaines données d’enquête laissent espérer un reflux de l’inflation, les données macroéconomiques indiquent, pour leur part, un degré élevé d’inertie, qu’un rebond de la croissance des salaires pourrait renforcer. L’inflation sous-jacente n’a toujours pas commencé à baisser. Sans surprise, les anticipations de relèvement des taux ont bondi en réaction aux données les plus récentes et les marchés s’attendent à présent à un taux final de rémunération des dépôts de la BCE de 4,0 %, ce qui devrait pénaliser encore davantage la demande et l’activité dans quelques mois. Lorsque l’inflation accélère de manière inattendue, la probabilité d’un ralentissement tout aussi inattendu de la croissance augmente.