Après une dépréciation significative face au dollar US l’année dernière, l’euro a repris de la vigueur. Les principaux facteurs de cette embellie sont le retournement de la balance des opérations courantes qui, après avoir enregistré un solde négatif l’année dernière, affiche de nouveau un excédent, et, depuis l’automne 2022, la diminution du différentiel de taux d’intérêt à un an avec les États-Unis. Celle-ci reflète l’idée selon laquelle la Réserve fédérale s’approche de la fin du cycle de resserrement tandis que la BCE a encore du chemin à faire en matière de taux. Ce facteur devrait rester déterminant pour le taux de change dans les prochains mois. De plus, la Réserve fédérale abaissera très probablement les taux avant la BCE. Les investisseurs internationaux, qui détiennent d’importantes positions en dollars non couvertes, pourraient être contraints, en cas de nouvelle dépréciation du billet vert, d’alléger leur exposition en vendant leurs actifs en dollars, ce qui exercerait des pressions supplémentaires sur la devise américaine. Enfin, l’euro se situe toujours bien en deçà de sa juste valeur de long terme face au dollar.
Bien des choses peuvent changer en quelques mois. En 2022, la forte dépréciation de l’euro faisait les gros titres, notamment en août, lorsque la monnaie unique a plongé sous la parité face au dollar. Depuis début novembre dernier, l’euro s’est significativement apprécié, franchissant récemment le seuil de 1,10 dollar. Le repli de l’année dernière, en grande partie dû aux divergences de politique monétaire entre les États-Unis et la zone euro[1], a été un sujet de préoccupation pour les pouvoirs publics.
Dans le compte rendu de la réunion du Conseil des gouverneurs, en juillet dernier, on pouvait lire en effet que « les membres du Conseil ont largement fait remarquer que la dépréciation de l’euro constitue un changement important dans l’environnement extérieur et implique des tensions inflationnistes plus fortes pour la zone euro, en particulier par le biais d’une hausse des coûts des importations d’énergie facturées en dollars ». De plus, « les améliorations de la compétitivité et le soutien à la croissance, qui sont normalement associés à une dépréciation de la monnaie, sont entravés par les contraintes d’offre et les restrictions logistiques constatées à l’échelle mondiale »[2].
L’appréciation récente devrait, par son impact sur les prix à l’importation, aider la BCE dans sa lutte contre l’inflation. Une simulation montre qu’une appréciation de 10 % du taux de change effectif de l’euro devrait, au bout d’un an, se traduire par une baisse de l’inflation de 0,7 point de pourcentage[3].
Plusieurs facteurs expliquent la force retrouvée de l’euro. Le premier est la balance des opérations courantes, qui, comme le montre le graphique 1, est étroitement corrélée depuis 2020 au taux de change de l’euro face au dollar. Après avoir enregistré un solde négatif au printemps dernier – sous l’effet principalement du passage d’un excédent à un déficit en biens, en grande partie dû à la flambée des prix des importations d’énergie -, la balance courante est redevenue excédentaire[4]. Un déficit des paiements courants doit être financé par des afflux de capitaux nets et des taux d’intérêt plus élevés et/ou une monnaie plus faible sont de nature à inciter les investisseurs étrangers à renforcer leurs investissements dans la zone euro. De même, un excédent des paiements courants devrait soutenir la monnaie et/ou exercer des pressions à la baisse sur les rendements obligataires.
