Les indicateurs de l’économie qatarie, peu diversifiée et basée sur des contrats longs d’exportation de gaz, n’ont pas connu la même volatilité qu’ailleurs dans le Golfe au cours des cinq dernières années. À court terme, la conjoncture pétrolière et l’organisation de la Coupe du Monde vont soutenir la croissance et permettre le retour d’excédents budgétaires et extérieurs substantiels. De même, la réduction de la dette extérieure des banques devrait se confirmer. L’inflation restera relativement modérée grâce à l’intervention du gouvernement et à l’effet modérateur de l’appréciation du dollar sur les prix des importations. À moyen terme, les perspectives macroéconomiques sont très positives en raison de l’augmentation significative de la rente gazière
Deux ans après le choc de la pandémie, la Tunisie est durement frappée par les conséquences du conflit en Ukraine. L’envolée des prix des matières premières conduit à une dégradation dangereuse des comptes extérieurs et des finances publiques. L’inflation atteint des niveaux historiquement élevés, pénalisant un peu plus l’activité économique, qui peine à retrouver de l’allant depuis la crise de 2020. En l’absence de marge de manœuvre financière, la Tunisie espère obtenir l’appui du FMI pour apaiser les tensions macroéconomiques. Il y a urgence.
En 2020-2021, grâce à son économie diversifiée, le Kenya avait relativement mieux résisté au choc de la pandémie que les autres économies d’Afrique sub-saharienne. Mais, en 2022-2023, la reprise sera bridée par les effets indirects de la guerre en Ukraine et soumise à d’importants risques baissiers. Le pays fait face à une dégradation des termes de l’échange. L’accélération de l’inflation va peser sur la demande domestique avec le risque de nourrir l’instabilité sociale, ce qui pourrait compliquer les efforts entrepris de consolidation budgétaire. Or, celle-ci est nécessaire pour préserver le soutien des créanciers multilatéraux, notamment celui du FMI. Le nouveau président exclut l’option d’une restructuration préventive de la dette
Depuis le début de l’année, les pays émergents ont été confrontés à une série de chocs successifs et inattendus qui vont considérablement affecter leurs performances économiques. Les pressions inflationnistes mondiales ont augmenté en raison de la hausse des prix des matières premières et des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement résultant du conflit en Ukraine. De plus, au printemps, les confinements dans d’importantes régions industrielles chinoises ont aggravé les problèmes d’approvisionnement et un peu plus assombri les perspectives de demande mondiale
L’activité s’est contractée en avril et mai 2022 en raison des sévères restrictions à la mobilité imposées dans des régions industrielles comme Shanghai. Depuis fin mai, ces restrictions sont progressivement levées, et l’activité a commencé à rebondir. Les risques baissiers sur la croissance restent cependant élevés. Les autorités continuent donc d’assouplir –prudemment– leur politique économique. Sur le plan budgétaire, les mesures de soutien restent centrées sur les projets d’infrastructures et les aides aux entreprises. Sur le plan monétaire, les taux d’intérêt ont été réduits depuis le début de l’année, et les programmes de prêts ciblés étendus. L’efficacité de l’action de la banque centrale se heurte toutefois à la faiblesse de la demande de prêts
À la fin de l’année budgétaire 2021/2022 (achevée au 31/03/2022), le PIB indien a dépassé son niveau d’avant-crise. De plus, les indicateurs d’activité des mois d’avril et mai ont été favorables. L’activité a été soutenue par la demande intérieure et le dynamisme des exportations. Confrontées à la hausse de l’inflation et aux pressions sur la roupie (induites par les sorties de capitaux et le creusement du déficit commercial), les autorités monétaires ont relevé les taux directeurs en mai et juin, et de nouvelles hausses sont à prévoir. Inversement, la politique budgétaire est plus expansionniste que prévu. Les organisations internationales et la banque centrale ont révisé à la baisse leurs prévisions de croissance (entre 6,9% et 7,5% pour l’année budgétaire 2022/2023 vs
Grâce à ses solides fondamentaux macroéconomiques, la Corée du Sud figure parmi les pays ayant le mieux résisté à la crise liée à l’épidémie de Covid-19. Ses perspectives de croissance restent relativement bien orientées. Le nouveau gouvernement, en fonction depuis le mois de mai dernier, a l’intention de poursuivre les réformes engagées au cours du précédent mandat et d’accroître les dépenses de recherche et développement. La dette des ménages a augmenté rapidement en 2021 et est élevée, mais les mesures macro-prudentielles mises en place par les autorités semblent porter leurs fruits : la hausse a ralenti et les risques qui pèsent sur la stabilité financière sont contenus.
L’économie taiwanaise a très bien résisté aux multiples chocs extérieurs des deux dernières années. Le secteur exportateur a largement tiré parti de la forte hausse de la demande mondiale de biens de haute technologie. En outre, la demande domestique a bénéficié du soutien budgétaire et de la politique monétaire accommodante. En 2022, de nombreux freins devraient contraindre la croissance économique (vague d‘Omicron du printemps, ruptures d’approvisionnement liées à la conjoncture chaotique en Chine, accélération de l’inflation et durcissement de la politique monétaire, environnement international moins favorable). Le ralentissement de la croissance n’entraînerait qu’une dégradation limitée de la qualité des prêts bancaires
La situation économique de la Turquie offre des contrastes saisissants avec une croissance soutenue jusqu’au T1 2022, une inflation galopante, des entreprises beaucoup plus confiantes que les ménages, un excédent budgétaire primaire. À cela s’ajoutent une aggravation du déficit courant, en raison du gonflement de la facture énergétique, et des conditions d’emprunt domestique pour l’État à un taux réel négatif inédit malgré des sorties massives d’investissements de portefeuille. La combinaison d’une politique monétaire délibérément accommodante et d’un taux de change compétitif est maintenue pour stimuler l’investissement, les exportations et la substitution aux importations
La croissance économique est restée très dynamique jusqu’au premier trimestre 2022. La bonne tenue des salaires notamment, ainsi que d’importantes mesures gouvernementales en faveur du pouvoir d’achat sur cette période ont soutenu la consommation des ménages. L’inflation a enregistré une forte remontée mais elle est restée plus faible en comparaison des autres pays d’Europe centrale, grâce à un gel des prix sur certains biens alimentaires et énergétiques. La croissance devrait ralentir sensiblement en 2023. En cause : la dégradation de l’environnement international, le resserrement monétaire et un durcissement budgétaire à partir du S2 2022
Ces deux derniers trimestres ont été marqués par une progression plus lente de l’activité économique, principalement due à l’affaiblissement de la consommation des ménages. Par ailleurs, le pays reste très exposé aux difficultés d’approvisionnement, notamment dans le secteur automobile, ce qui pénalise à la fois l’activité industrielle et les exportations. Le ralentissement de l’économie mondiale en 2022 va aussi affecter la croissance, le pays étant fortement exposé aux échanges commerciaux. L’inflation n’a probablement pas encore atteint son point haut. Le cycle de resserrement monétaire devrait donc se poursuivre à court terme.
L’activité économique a bien résisté au premier semestre mais le ralentissement de la croissance du PIB devrait s’intensifier au cours de la deuxième moitié de l’année. Le rétablissement du marché du travail se poursuit avec un repli du chômage au prix d’une baisse de la productivité. L’inflation, qui connait une progression à deux chiffres depuis neuf mois, se diffuse à l‘ensemble de l’économie. La politique monétaire est contrainte par l’annonce de nouveaux soutiens budgétaires, et l’affaiblissement de la principale règle budgétaire pourrait peser sur les primes de risques et les anticipations d’inflation. L’engouement qui avait prévalu début 2022 pour les actifs brésiliens montre des signes d’essoufflement.
Le PIB péruvien a retrouvé son niveau d’avant crise, grâce au fort sursaut d’activité enregistré en 2021. Mais les capacités de rebond sont limitées et les perspectives de croissance à court et moyen terme sont modérées. D’une part, les pressions inflationnistes pèsent sur la consommation et la désorganisation des chaînes de valeur entrave le secteur exportateur. D’autre part, la longue crise politique freine les perspectives d’investissement. Par ailleurs, les finances publiques se sont dégradées au cours des deux dernières années. Plus que le niveau de la dette, encore modéré, c’est la composition qui inquiète car elle rend le pays plus vulnérable au changement de sentiment des investisseurs.
La reprise économique devrait être soutenue en 2022 grâce à la forte hausse de la production d’hydrocarbures décidée par l’OPEP+ et à l’accélération de la consommation des ménages. La conjoncture pétrolière est favorable aux finances publiques. Pourtant, le gouvernement devrait poursuivre sa politique de consolidation et de diversification de ses revenus. Celle-ci a déjà permis une réduction significative du prix d’équilibre du budget, et donc une moindre exposition à la volatilité des marchés pétroliers. Parallèlement à cette dynamique positive, des tensions sont apparues sur le marché interbancaire et ont nécessité l’injection de liquidité de la part de la banque centrale
Après cinq années de récession, les perspectives économiques de l’Angola s’éclaircissent : le pays devrait renouer avec la croissance, attendue à +3% en 2022. Il bénéficie d’une conjoncture favorable marquée par le cycle haussier du baril de pétrole et une reprise de la production nationale d’hydrocarbures. La hausse induite des recettes budgétaires et des revenus des exportations devrait soutenir le kwanza. Cette dynamique permet d’alléger les pressions sur les besoins de financement extérieur du pays et la soutenabilité de la dette, que l’accord de reprofilage conclu avec la Chine début 2021 avait permis d’améliorer. Néanmoins, l’économie angolaise reste en proie à d’importantes vulnérabilités
La situation de l’économie nigériane est contrastée. Le niveau faible de la production pétrolière ne lui permet pas de profiter pleinement de la remontée des cours. Le compte courant devrait redevenir excédentaire cette année, mais la persistance d’un régime de change rigide continue de peser sur l’attractivité de l’économie et sur la disponibilité de la liquidité en dollars. Le choc sur les prix des matières premières exacerbe des pressions inflationnistes déjà fortes, et le déficit budgétaire va rester élevé en raison de la poursuite d’une politique de subventions énergétiques devenue trop coûteuse. Pour l’instant, la vigueur de la reprise économique n’est pas compromise
Alors même que la reprise post-pandémique reste fragile, les pays émergents sont maintenant confrontés à une autre crise majeure : le conflit en Ukraine et ses effets globalement négatifs sur le commerce extérieur, les flux de capitaux et, surtout, l’inflation. L’effet indirect de la hausse des prix des matières premières sur l’inflation et le pouvoir d’achat des populations pourrait être particulièrement sévère, et toucher en premier lieu les pays à faible revenu d’Afrique, d’Europe centrale et des Balkans. En dépit de cet environnement, nous n’anticipons pas de dégradation généralisée de la solvabilité publique et externe des pays émergents à court terme
Après un bon début d’année 2022, la croissance économique chinoise a ralenti en mars. Les freins à la croissance vont persister à très court terme. D’abord, la forte hausse du nombre de cas de Covid-19 a conduit de nombreuses régions à imposer de sévères restrictions à la mobilité. Ensuite, la correction dans le secteur immobilier se poursuit. Enfin, les effets de la guerre en Ukraine sur les prix des matières premières et le commerce mondial vont pénaliser les producteurs et les exportations. Dans ce contexte, l’objectif de croissance fixé par Pékin à 5,5% pour 2022 semble très ambitieux. Les autorités accélèrent l’assouplissement de leurs politiques budgétaire et monétaire.
L’environnement économique et financier international n’est pas favorable à l’économie indienne. Même si le pays produit et exporte du blé, il sera pénalisé par l’envolée des prix des matières premières. Dans un contexte de ralentissement de la croissance, la consolidation budgétaire annoncée devrait être fragilisée. Le gouvernement sera contraint d’augmenter sensiblement ses subventions sur les engrais s’il veut contenir la hausse des prix alimentaires, lesquels constituent près de 46% du panier de consommation des ménages. Par ailleurs, l’Inde n’échappera pas à une dégradation significative de son déficit courant, induite par la hausse des prix du pétrole et les pressions à la baisse sur la roupie, surtout si les récentes sorties d’investissement de portefeuille se poursuivent
Le redressement de la croissance économique après le choc sanitaire de début 2020 est resté déséquilibré et s’est s’essoufflé rapidement. Puis il s’est interrompu brutalement au premier trimestre 2022 en raison d’une très forte augmentation des contaminations et des décès liés au variant Omicron. Alors que la vague épidémique commence à refluer, Hong Kong devrait maintenant subir les effets du ralentissement du commerce mondial, de la hausse des prix des matières premières et du resserrement monétaire américain. En dépit de cette conjoncture défavorable, la solvabilité du secteur public reste très solide. Le gouvernement conserve une marge de manœuvre confortable pour maintenir une politique budgétaire expansionniste.
Après avoir enregistré une croissance modeste en 2021, l’activité économique en Malaisie devrait rebondir plus sensiblement en 2022. Elle sera soutenue par le dynamisme de la demande intérieure, une politique budgétaire toujours expansionniste et la réouverture des frontières aux touristes. Exportateur de matières premières (pétrole, huile de palme principalement), le pays devrait profiter de la hausse des prix internationaux sans pour autant être affecté directement par le conflit en Ukraine. Grâce au supplément de revenus généré par la hausse des prix du pétrole, le gouvernement devrait être en mesure de prendre à sa charge en grande partie la hausse des prix, pour ne pas fragiliser les ménages déjà appauvris par la crise de 2020
Le Brésil a terminé l’année 2021 sur des bases plus solides qu’attendu mais le tableau économique reste fragile. L’activité progresse par à-coups, marquée par des freins internes (vague Omicron, aléas climatiques, élections) et un contexte extérieur plus dégradé (guerre en Ukraine, ralentissement des partenaires commerciaux, etc.). Dans le même temps, les pressions inflationnistes se renforcent et laissent craindre un prolongement du resserrement monétaire. Depuis le début de l’année, l’amélioration des termes de l’échange et le différentiel de taux avec les pays développés alimentent le rebond de la Bourse et la forte appréciation du real. Une nouvelle dissonance entre économie réelle et appréciations des marchés financiers.
Les conséquences directes sur l’économie mexicaine du conflit en Ukraine devraient rester limitées, les liens commerciaux avec les deux belligérants étant quasi-inexistants. En revanche, les conséquences indirectes pourraient avoir un effet significatif sur une économie déjà fragilisée par la crise de la Covid-19. La hausse des prix des matières premières accentuera les pressions sur les prix et aggravera le déficit courant (le Mexique est un importateur net d’énergie depuis 2015). En outre, la désorganisation des chaînes de valeur liée au conflit ou à de nouvelles vagues épidémiques pourrait peser sur le secteur exportateur. Les perspectives d’investissement continuent de se détériorer, à mesure qu’avancent les débats sur la réforme du secteur de l’énergie.
La Pologne est bien armée pour affronter les conséquences économiques du conflit en Ukraine. Fin 2021, le choc de la Covid-19 a été absorbé. Le niveau d’activité a dépassé de 5% celui de fin 2019, la reprise est équilibrée dans ses composantes et le taux de chômage est revenu à un niveau frictionnel. De plus, le déficit budgétaire a été fortement réduit en 2021 et le ratio de dette publique reste en deçà de la norme maastrichienne grâce à un écart substantiel entre la croissance et les taux d’intérêt. Le solde courant est de nouveau déficitaire mais reste largement couvert par des sources de financement non génératrices de dette. Seule ombre au tableau, l’accélération de l’inflation a conduit la banque centrale à durcir sa politique monétaire de façon plus incisive depuis l’automne 2021
L’économie roumaine a fortement ralenti au S2 2021, l’accélération de l’inflation ayant entraîné une baisse du pouvoir d’achat des salariés pour la première fois depuis 2010. Pour autant, la croissance est restée déséquilibrée et l’endettement public et privé s’est alourdi entre 2019 et 2021. Le resserrement monétaire est intervenu trop tardivement en 2021 et demeure très mesuré depuis le début de l’année. Le choc externe du conflit en Ukraine ne peut qu’accentuer le ralentissement de la croissance. Le coût de l’accueil des réfugiés retardera l’assainissement budgétaire. C’est à la politique monétaire qu’il incombe de veiller à la stabilité financière dans les circonstances exceptionnelles actuelles.
Eco Emerging est la revue trimestrielle consacrée à l’économie des pays émergents. Rédigée par les économistes de l’équipe Economies émergentes et Risque pays des Etudes économiques de BNP Paribas, cette publication propose un tour d’horizon de la conjoncture économique d’une sélection de pays à travers de l’analyse des principaux indicateurs conjoncturels.
Chaque économiste appuie son analyse sur les données trimestrielles (PIB réel, inflation, solde budgétaire, dette publique, réserves de change, etc.). Chacun suit l’évolution des indicateurs économiques. Parmi les principales thématiques abordées citons la production industrielle, le produit intérieur brut (PIB) trimestriel et les prévisions d’inflation avec l’évolution des prix à la consommation (IPC) et ceux des prix à la production (IPP), ou encore les chiffres de l’emploi et du chômage, du marché de l’immobilier, ou l’opinion des acteurs (confiance des ménages, climat des affaires). L’auteur commente les principaux facteurs qui orientent et déterminent l’activité économique du pays étudié et les perspectives conjoncturelles.
Cette publication permet de brosser le tableau d’une économie émergente au regard des indicateurs du trimestre écoulé et de se tourner vers l’avenir pour mieux comprendre et anticiper les principales problématiques économiques du pays étudié.