Eco Emerging

Dépendance énergétique

10/10/2022
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Au deuxième trimestre 2022, tous les moteurs de la croissance ont ralenti. Très exposée à la Russie pour son approvisionnement en gaz et en pétrole, la Slovaquie pourrait être parmi les pays d’Europe centrale les plus affectés par les répercussions de la guerre en Ukraine. L’envolée des coûts énergétiques ainsi que les difficultés d’approvisionnement pèseront sur l’activité industrielle, qui n’a pas encore retrouvé son niveau pré-Covid. Par ailleurs, l’inflation a accéléré mais reste plus modérée que dans les autres pays de la région. Enfin, les comptes publics et externes vont se dégrader à court terme mais cette situation reste gérable.

Prévisions économiques de la Slovaquie

Le choc de l’épidémie de Covid-19 a fait reculer le PIB de la Slovaquie de 4,4% en 2020. Par ailleurs, le rebond de l’activité de 3% en 2021 n’a pas encore permis à l’économie de retrouver son niveau d’avant-crise.

Ce rattrapage ne se fera pas avant 2023 au regard des perspectives de croissance amoindries pour les deux prochaines années.

La croissance ralentit

Au T2 2022, l’activité économique s’est affaiblie, avec une croissance du PIB à 1,8% en g.a. en comparaison de 3,1% en g.a. au premier trimestre. La croissance a été tirée vers le bas par les exportations nettes et par la consommation du gouvernement, dont la contribution, de -0,3 et -1,3 point respectivement, a été négative.

Les exportations ont pâti des difficultés d’approvisionnement dans l’industrie, notamment dans le secteur électronique. La contribution de l’investissement à la croissance a été quasi-nulle. La progression de la consommation - le principal moteur de la croissance - a ralenti. Les ménages ont puisé dans leur épargne pour maintenir, en partie, leur pouvoir d’achat. Le gel partiel du tarif de l’électricité pour les ménages depuis le début de l’année a aussi aidé.

Production industrielle et ventes au détail

Le ralentissement de l’investissement reflète la dégradation du climat des affaires. Les incertitudes liées à la guerre en Ukraine, la compression des marges découlant de la flambée des coûts de production et les difficultés de recrutement ont sans doute conduit à un report des projets d’investissement.

Du côté des indicateurs conjoncturels, les ventes au détail peinent à dépasser le niveau pré-Covid. Elles ont ralenti ces derniers mois pour atteindre +1,2% en g.a. en juillet après +1,5% en juin et +7,8% en mai. Autre fait marquant, les immatriculations de nouveaux véhicules continuent d’enregister de très fortes baisses (-20,3% en g.a. en juillet, -29,5% en juin et -15,9% en mai). Le ralentissement de la demande intérieure devrait se poursuivre à court terme.

Forte dépendance vis-à-vis du gaz et du pétrole russes

Parmi les pays d’Europe centrale, la Slovaquie, la République tchèque et la Hongrie font partie des économies les plus fragilisées par les conséquences du conflit en Ukraine en raison de leur dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Ainsi, l’économie slovaque devrait être davantage pénalisée que la Pologne ou la Roumanie à court terme. Cette fragilité s’explique par la forte exposition du pays vis-à-vis de la Russie pour son approvisionnement en gaz et en pétrole : 85% des importations de gaz et 100% des importations de pétrole. La réduction des livraisons de gaz via le gazoduc Nordstream 1, puis son arrêt depuis septembre renforcent cette vulnérabilité.

Le gouvernement slovaque a cherché à diversifier les sources d’approvisionnement de gaz depuis le début de la guerre en Ukraine. Des accords ont été signés avec la Norvège et les États-Unis pour fournir du gaz naturel liquéfié. De même, un nouveau gazoduc reliant la Pologne et la Slovaquie est entré en service fin août. Grâce à ce gazoduc, la Slovaquie pourra s’approvisionner depuis la Norvège ou la mer Baltique. Le stock de gaz atteignait 87% de ses capacités maximales fin septembre. Par ailleurs, la Slovaquie, tout comme la Hongrie et la République tchèque, a obtenu une dérogation de l’Union européenne pour continuer à importer du pétrole russe jusqu’à fin 2023.

Même si ces efforts apportent un certain répit, l’industrie est pénalisée. La production industrielle a baissé de 6,4% en g.a. en juillet, contre -4,8 % en moyenne sur les trois derniers mois. Elle reste encore très loin du niveau pré-Covid. Les derniers chiffres confirment que l’ensemble des secteurs est touché, notamment l’alimentation, l’électronique, les équipements de transport et les machines. En première ligne, les industries énergivores voient leur facture énergétique s’envoler. Face à cette situation, certaines usines d’aluminium ont temporairement été mises à l’arrêt.

Le pays est aussi très dépendant du secteur automobile qui représente 48% de la production industrielle. Les difficultés d’approvisionnement avaient particulièrement touché ce secteur en 2021. La guerre en Ukraine devrait accentuer le choc d’offre cette année. De même, l’augmentation des coûts de production ainsi que le renchérissement de la facture énergétique vont aussi affecter ce secteur. Pour soutenir l’industrie, les autorités ont annoncé début septembre qu’elles envisageaient d’étendre le gel des tarifs de l’électricité et du gaz aux industriels.

Le pic d’inflation n’est pas encore atteint

Inflation

La progression de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) continue d’accélérer pour atteindre 13,6% en septembre après 13,4% en g.a. en août et 12,8% en juillet. Elle est supérieure à la moyenne de la zone euro (+9,1% en août) mais nettement inférieure que dans les pays voisins.

En Hongrie et en République tchèque, l’IPCH a progressé respectivement de 18,6% et de 17,1% en août. Cette différence régionale s’explique en partie par une progression des salaires plus importante dans ces pays. Elle a été de 13,5% en g.a. en moyenne au deuxième trimestre en Pologne et de 15,2% en Hongrie contre 7,4% en Slovaquie.

Selon les derniers chiffres disponibles l’inflation est essentiellement portée par les postes « alimentation » et « transport ». Les prix des biens alimentaires ont augmenté de 21% en g.a. en août et ont contribué à hauteur de 4,8 points à l’inflation de l’IPCH. L’envolée des coûts énergétiques continuera à alimenter les coûts de production des biens alimentaires. Par ailleurs, les arrêts temporaires de production dans les usines d’engrais en Pologne pourraient aussi avoir un impact sur le prix des biens agricoles. Enfin, la contribution du poste « transport » a été de 1,3 point.

L’inflation sous-jacente, en forte augmentation aussi (+9,0 % en g.a. en septembre), est la conséquence de l’augmentation des salaires, des coûts de production et des contraintes d’approvisionnement.

Pour contenir l’inflation, les autorités avaient décidé en février un gel partiel des tarifs de l’électricité pour les ménages jusqu’en 2024. L’inflation pourrait atteindre un pic en fin d’année ou début 2023.

En matière de politique monétaire, la Banque centrale européenne a relevé son taux directeur de 125 points de base depuis juin. Dans les pays voisins, l’ampleur du resserrement monétaire a été plus importante, notamment en Hongrie, avec un cumul de +1 240 points de base depuis mai 2021.

Dégradation du solde courant et des comptes publics

Le solde courant s’est nettement détérioré au cours des sept premiers mois de l’année, à -EUR 4,1 mds contre -EUR 0,3 md sur la même période l’an dernier et -EUR 1,9 md sur l’ensemble de l’année 2021 (-2% du PIB en 2021 ). En 2022 et 2023, ce déficit se creuserait davantage à 5,5% du PIB et 6,0% respectivement. La balance commerciale, structurellement excédentaire depuis des années, pourrait enregistrer un déficit en 2022, principalement en raison de l’alourdissement de la facture énergétique. Sur les 7 premiers mois de l’année, le déficit commercial est de -EUR 2,8 mds. Le financement du déficit ne devrait pas poser de problème majeur. Il sera en partie financé par les flux d’investissements directs étrangers (EUR 2,1 mds depuis janvier 2022) et les fonds européens dans le cadre du plan de résilience.

Du côté des comptes publics, le déficit budgétaire devrait rester élevé, à 5,5% du PIB en 2022, selon nos estimations. Les mesures de soutien pour contenir les risques inflationnistes sont estimées à 1% du PIB cette année. Elles ont pris la forme de subventions (100 euros par enfant) et d’allègements fiscaux pour les familles avec enfants. Concernant les pensions, le paiement du treizième mois serait avancé pour soutenir les retraités. Un gel des prix de l’électricité et du gaz à l’échelle nationale est aussi envisagé.

L’assouplissement budgétaire va sans doute se poursuivre l’an prochain comme dans la plupart des pays d’Europe centrale. Le processus de consolidation budgétaire reprendrait après 2023 pour revenir graduellement au niveau de la dette publique d’avant la crise de la Covid-19. La dette publique a légèrement dépassé le seuil de 60% du PIB en 2021 à 63,1% et devrait rester au-dessus de 60% en 2022.

Achevé de rédiger le 6 octobre 2022

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