L’année 2022 restera tendue sur le front des échanges internationaux. Si quelques signes de relâchement sont observés, le manque de visibilité n’en demeure pas moins important et les ruptures d’approvisionnement se prolongeront durant une bonne partie de l’année, avec un impact sur les perspectives de croissance et d’inflation.
Le cycle économique actuel est atypique, et cela influence la démarche analytique. L'attention se porte sur l'offre et sa capacité à répondre au niveau de la demande, plutôt que sur la demande elle-même. Les ruptures d’approvisionnement jouent un rôle central mais les récents indices PMI suggèrent que le plus dur serait derrière nous. Dans la zone euro comme aux États-Unis, la part des entreprises confrontées à une hausse des prix des intrants, et qui envisagent d'augmenter leurs prix à la production, a commencé à diminuer. De plus, les délais de livraison raccourcissent. L’indice des tensions sur la chaîne d’approvisionnement mondiale de la Réserve fédérale de New York semble avoir atteint un pic. Néanmoins, la visibilité est très faible
La pandémie de Covid-19 a mis en évidence les faiblesses et les vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement mondiales. Depuis, les appels en faveur de chaînes de valeur (CVM) plus robustes et plus résilientes, et d’une moindre dépendance à l’égard des pays asiatiques, se multiplient. Les entreprises travaillent ainsi à renforcer la résilience de leur approvisionnement à travers une meilleure transparence des chaînes de valeur, davantage de redondance au sein des réseaux de fournisseurs, de transport et de logistique. Au niveau macroéconomique, les États-Unis comme l’Union européenne revoient leur stratégie industrielle afin d’être plus autonomes dans certains secteurs clés. Cependant, les chaînes de valeur mondiales ne constituent pas un problème en soi
La crise de la Covid-19 génère toujours de vives discussions sur le devenir de la mondialisation des échanges commerciaux et financiers, et des chaînes de valeur mondiales. La part de la valeur ajoutée étrangère contenue dans les exportations d’un pays ou d’une région[1] synthétise bien le niveau d’imbrication dans les chaînes de valeur mondiales. Cette part a augmenté rapidement du début des années 1990 jusqu’à la crise financière mondiale de 2008, sous l’effet de la libéralisation des échanges (baisses des tarifs douaniers et multiplications des accords de libre-échange) et de la chute des coûts de transport
Les frictions sur le commerce mondial et les chaînes d’approvisionnement resteront un facteur d’incertitude très important en 2022, en raison tout d’abord de leurs répercussions sur les prix des importations et, in fine, sur les prix à la consommation. Dans ses simulations, la CNUCED estime que la hausse des coûts du fret maritime contribuerait à une augmentation des prix des importations mondiales de 10,6% d’ici à la fin 2023 avec un effet moindre, mais non négligeable, de 1,5% sur les prix à la consommation mondiale. Les pénuries de certains composants clés, notamment les semi-conducteurs, risquent également de perdurer durant plusieurs mois encore.
Si les tensions sur le commerce mondial restent très fortes, le mois d’octobre offre néanmoins quelques signes de « relâchement ». L’indice Baltic du coût du transport maritime de vrac sec est en repli de près de 30%, après avoir atteint un pic durant la première semaine d’octobre. La hausse au cours des dix premiers mois de l’année 2021 reste néanmoins considérable, proche d’un triplement.
La plupart des indicateurs conjoncturels confirment que la demande mondiale en biens industriels reste toujours aussi soutenue, ce qui laisse présager, sinon une accentuation, du moins une prolongation des problèmes d’approvisionnement auxquels sont confrontées de nombreuses entreprises à l’heure actuelle.
Les échanges mondiaux de biens sont repartis très fortement à la hausse, même si des divergences existent entre les régions du monde, en raison notamment de situations sanitaires et économiques encore contrastées. Le redressement des exportations de services reste beaucoup plus fragile avec des niveaux encore très faibles dans les transports et le tourisme. Les échanges de services liés aux technologies de l’information et de la communication (TIC) ont été beaucoup plus résilients en 2020. Le Brexit a engendré une hausse marquée du nombre de nouveaux accords commerciaux en 2021. Deux traités importants négociés par l’Union européenne restent en suspens, l’un avec le Mercosur et l’autre avec la Chine
Le Royaume-Uni a, depuis le 1er janvier, les deux pieds en dehors de l’Union européenne et un accord de libre-échange entre les deux parties a été trouvé, telle semble être la coutume, à la dernière minute. Si cela est une bonne nouvelle pour les économies britannique et européenne, le Brexit est néanmoins « dur » et s’accompagnera certainement de pertes économiques importantes dans le long terme.
Si le Royaume-Uni est officiellement sorti de l’Union européenne le 31 janvier 2020, les relations commerciales entre les deux parties sont maintenues intactes pendant une période de transition. À moins d’un coup de théâtre, cette période s’achèvera à la fin de l’année. Quoi qu’il arrive, le Royaume-Uni se dirige vers une sortie à la fois du marché commun et de l’union douanière de l’UE. Ce sera donc un Brexit « dur », et il pourrait l’être d’autant plus que les négociations sur un accord de libre-échange progressent difficilement. En effet, alors que les négociateurs viennent d’achever leur neuvième cycle de négociations – et le dernier initialement prévu – des désaccords importants demeurent
L’intégration des pays d’Europe centrale dans des chaînes de production multi-pays les expose à l’impact de la pandémie de Covid-19 sur les flux de commerce international. À court terme, elle implique une contagion de la contraction du PIB en l’Europe de l’Ouest vers l’Europe centrale, notamment en Slovaquie et en République tchèque au travers du secteur automobile. Toutefois, dans ce secteur, même si la production des pays d’Europe centrale est montée en gamme, la proportion d’un véhicule conçu localement n’a pas augmenté ces dernières années : l’activité d’assemblage reste dominante, même si elle s’est progressivement déplacée vers le haut de gamme
L’accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine a apporté un certain répit. Il évite, en effet, de nouveaux relèvements des droits de douane, par les Etats-Unis, et le risque d’une nouvelle escalade. L’accord devrait être le bienvenu en Chine compte tenu du ralentissement actuel de la croissance, mais également aux Etats-Unis, où les entreprises ont été de plus en plus nombreuses à faire part de leur inquiétude face à la guerre commerciale. Le reste du monde surveillera de près l’ampleur de la réorientation des échanges qui pourrait découler de l’accord. L’attention va à présent se porter sur les négociations de la phase « 2 », qui pourraient très bien signifier une nouvelle aggravation de l’incertitude commerciale à un moment donné.