L'indice de risque géopolitique, basé sur le nombre d'articles de journaux évoquant des bouleversements géopolitiques, a enregistré une forte hausse en octobre. Savoir si cela influence les décisions des ménages et des entreprises dépend, entre autres, de la réversibilité de ces décisions. Si l’on se fonde sur les recherches empiriques relatives aux conséquences d'une augmentation significative de l'incertitude, le récent bond de l'incertitude géopolitique fait craindre un impact direct et indirect - par l'incertitude des prix de l'énergie (pétrole, gaz) - sur les dépenses discrétionnaires des ménages et les décisions d'embauche des entreprises. Ces deux réactions pouvant se renforcer mutuellement
Les chiffres clés de l'économie française comparés à ceux des principaux pays européens, l'analyse des données relatives à la population et au marché du travail français, l'activité par secteur, les chiffres des administrations publiques, de l'inflation, des taux et des comptes des entreprises.
Les courbes se sont croisées : l’inflation française, longtemps en deçà de celle de la zone euro, lui est désormais supérieure (5,7% en septembre contre 4,3% a/a, selon l’indice harmonisé). En moyenne, l’inflation française dépasse même en août-septembre de près de 0,5 point son niveau de juin-juillet (contre une décrue 0,6 point en zone euro). En cause, le rebond des prix de l’énergie.
Le climat des affaires a connu un affaiblissement marginal aux États-Unis au mois de septembre en raison de développements divergents dans les secteurs manufacturier et non-manufacturier. Ce dernier a ralenti à 53,6 (-0,9pp) dans l’enquête ISM, tiraillé entre une activité dynamique (Business Activity à 58,8) et un ralentissement sensible des nouvelles commandes (-6,7pp à 51,8). En revanche, l’indice manufacturier a progressé pour un troisième mois d’affilée.
En zone euro, l’indice d’incertitude économique de la Commission européenne s’est également redressé en septembre. Sa tendance à la baisse, visible depuis l’automne 2022, tend à s’estomper. L’incertitude ressentie augmente dans quasiment tous les secteurs d’activité, le secteur de la construction faisant exception avec une nouvelle baisse.
Le cycle de hausses des taux touche à sa fin. La poursuite de l’affaiblissement de l’activité économique et de la baisse de l’inflation, que nous anticipons à l’horizon de la fin de l’année, devrait inciter la Fed, la BCE et la BoE à ne plus relever leurs taux directeurs. Un resserrement supplémentaire ne peut toutefois être écarté. Les hausses de taux ne seraient pas suivies tout de suite d’un assouplissement : pour continuer de lutter contre l’inflation, l’action monétaire passerait par le maintien des taux directeurs à leur niveau actuel jusqu’à la mi-2024 d’après nos prévisions. Les premières baisses de taux interviendraient alors pour accompagner le reflux plus net de l’inflation et neutraliser son effet haussier sur les taux directeurs réels
L’économie américaine poursuit sa croissance ; elle continue ainsi de repousser une récession toujours probable, mais qui n’interviendrait pas en 2023 et dont l’ampleur serait limitée. Si la consommation des ménages a, pour l’heure, résisté au resserrement monétaire, l’effet cumulatif et retardé de celui-ci devrait finir par impulser une dynamique récessive. Les premiers effets sont déjà visibles sur le secteur de l’immobilier, tandis que le marché de l’emploi montre des signes de ralentissement. Les hausses de taux sont probablement terminées, ce qui est loin d’être le cas de l’approche restrictive de la politique monétaire dans son ensemble.
Après quelques hésitations, les autorités chinoises ont finalement multiplié les mesures de relance pendant l’été. Le léger redressement de la croissance économique récemment observé devrait se poursuivre au T4 2023. Cependant, l’action de la banque centrale et du gouvernement reste contrainte, prudente et mesurée, alors que les freins internes et externes pesant sur l’activité sont toujours puissants. Dans le secteur immobilier, même si de l’activité parvient à se stabiliser grâce aux mesures de soutien, elle devrait rester entravée par la fragilité financière des promoteurs et la faiblesse du sentiment des acheteurs.
Après une croissance soutenue au premier semestre 2023, tirée par la demande extérieure, l’économie japonaise entame un ralentissement. La demande privée (consommation des ménages, investissement des entreprises) offre peu de soutien à l’activité. L’inflation s’est certes stabilisée autour de 3% mais elle rogne le pouvoir d’achat des ménages, qui ne bénéficie toujours pas de hausses des salaires notables. Les profits des entreprises ont pourtant atteint, selon les données du ministère des Finances, un nouveau record au T2. Favoriser une meilleure redistribution des profits vers les salaires reste une priorité pour le gouvernement de Fumio Kishida, qui prépare une nouvelle salve de mesures budgétaires en octobre
Les enquêtes auprès des entreprises de la zone euro (PMI, Commission européenne) ont continué de se détériorer cet été, même si un léger mieux a été observé en septembre pour les PMI. La hausse des taux directeurs de 25 points de base en septembre – la dernière selon nos prévisions – amplifiera ce phénomène. Nous ne prévoyons pas de récession dans la zone euro dans son ensemble en 2023, mais une croissance modérée à 0,5% qui reposera essentiellement sur un acquis de croissance favorable en 2022. Après un premier semestre légèrement positif, l’activité stagnerait au second semestre. Des écarts de croissance importants sont à prévoir entre les pays membres.
L’économie allemande est affectée par la transmission du choc inflationniste à la consommation des ménages. Cette sous-performance reflète aussi des difficultés plus structurelles qui renvoient à la problématique du « Standort Deutschland ». Ces difficultés ont débuté peu avant la mise en œuvre des premières réglementations européennes visant à adapter le secteur automobile au changement climatique. Depuis lors, le secteur manufacturier a ainsi vu sa production et ses capacités de production se réduire. Dans un contexte toujours difficile, nous prévoyons une nouvelle récession au 2nd semestre 2023.
L’économie française connait une dichotomie entre les ménages et les entreprises. Si la consommation et l’investissement des premiers ont diminué en volume (-1,4% et -6,6% au T2 par rapport au T4 2021), l’investissement des secondes a progressé (+6,7% entre le T4 2021 et le T2 2023). Cet élément et la réduction des contraintes sur la production de matériels de transport ont soutenu la croissance au T2 (0,5% t/t) et devraient continuer de le faire à moyen terme. Dans les prochains trimestres, la croissance serait contrainte par la baisse de la demande due, en particulier, à une épargne des ménages élevée.
Au deuxième trimestre 2023, le PIB réel italien a reculé de 0,4 % t/t. La demande intérieure s’est affaiblie et les investissements en machines et équipements ont diminué, signe de la détérioration de la situation des entreprises. La consommation s’est légèrement redressée. Les ménages italiens souffrent toutefois de la hausse des prix à la consommation et des taux d’intérêt. Au T2, la récession s’est généralisée aux différents secteurs d’activité. La valeur ajoutée des services a baissé, reflétant la lenteur de la reprise du tourisme. Par ailleurs, l’inflation diminue lentement : en septembre, elle atteignait encore 5,7 % a/a. Contrairement à la plupart des prévisions, les prix de l’immobilier ont enregistré une hausse de 2,0 % t/t au T2.
L’économie espagnole a bien résisté, jusqu’à cet été, au choc des taux d’intérêt. La consommation privée et l’investissement ont progressé respectivement, sur un an, de 2,7% et 2,0% au deuxième trimestre 2023. L’élan du marché du travail et l’épargne accumulée durant la pandémie ont soutenu les dépenses des ménages, tout comme le recul de l’inflation qui a permis au pouvoir d’achat de se stabiliser. Toutefois, ces soutiens s’estompent. Sans marquer le pas, l’activité ralentira au second semestre 2023. Néanmoins, avec une croissance anticipée à 2,2% sur l’ensemble de 2023, l’Espagne restera cette année encore l’un des moteurs de la zone euro.
L’économie britannique montre des signes de plus en plus nets de dégradation. La remontée du chômage se précise, et les données PMI sur l’emploi ont décroché en septembre. Les conséquences du resserrement monétaire s’amplifient et n’épargnent aucun secteur, en premier lieu l’immobilier et y compris la sphère publique récemment secouée par la faillite de plusieurs collectivités locales, dont Birmingham, la seconde agglomération du pays. Si l’inflation britannique reflue, elle reste élevée comparativement à ses voisins européens, en raison notamment d’une hausse plus marquée des salaires. Toutefois, la Banque d’Angleterre ne devrait pas procéder à une nouvelle remontée des taux directeurs, même si leur maintien en septembre (contre un relèvement attendu) s’est joué à une voix seulement
L’incidence sur les charges financièresdes ménages de la remontée des taux d’intérêt, qui découle du resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, est très hétérogène selon les pays de la zone euro. Elle dépend de la proportion des prêts à taux variable dans l’encours, mais aussi des niveaux et de l’évolution des montants empruntés.
Le chef économiste de BNP Paribas, William De Vijlder reçoit Hélène Baudchon, responsable de l'équipe OCDE des Études Économiques ; Richard Malle, Responsable mondial de la recherche de BNP Paribas Real Estate et François Faure, Responsable Équipe Pays émergents et Risque Pays. En ce mois de septembre 2023, ils font le point sur la conjoncture mondiale dans un contexte inflationniste, de relèvement des taux d'intérêt et de resserrement monétaire des banques centrales
L’indice du risque géopolitique, qui est également fondé sur la couverture médiatique, a récemment baissé après une hausse durant les deux premières semaines d’août. Au-delà d’une volatilité assez importante, il est sans tendance depuis le début de l’année.
Aux mois d’août et de septembre, les indicateurs économiques des principales économies de l’OCDE soulignent une détérioration à plus ou moins brève échéance. Les enquêtes sur le climat des affaires au Royaume-Uni et en zone euro – et, en particulier, en Allemagne et en France – signalent un affaiblissement déjà marqué de la conjoncture. Aux États-Unis, il est anticipé, notamment par les ménages. Il interviendrait, selon nos prévisions, à partir du 4e trimestre. Le Japon fait exception, avec le maintien du PMI des services à un niveau élevé.
Après avoir bien résisté, les enquêtes PMI dans les services pour la zone euro se détériorent plus significativement. L’indicateur a perdu 3 points en août pour atteindre 47,9, son plus bas niveau depuis février 2021. Les sous-indices portant sur l’emploi et les nouvelles créations d‘entreprises sont, en particulier, en net recul.
Alors que l’Allemagne sort à peine d’une récession, enregistrée au 4e trimestre 2022 et au 1er trimestre 2023, les enquêtes de conjoncture soulignent le risque que le pays y retombe au 2nd semestre. La détérioration relevée par l’IFO est nette (85,7 en août, de retour à son faible niveau d’octobre 2022), tant dans l’industrie que dans les services.
Les premières données concernant le mois de juillet sont relativement bonnes (production manufacturière en hausse de 0,7% m/m). Néanmoins, les enquêtes de conjoncture pour la France soulignent une détérioration.
L’économie italienne connait des développements ambivalents mais devrait bénéficier de la diminution en cours de l’inflation.
Le ralentissement de l’activité au second semestre 2023 devrait être contenu : la croissance du PIB réel fléchirait seulement, passant de +0,4% t/t au T2 2023 à +0,3% t/t au T3, et +0,2% t/t au T4. La détérioration des enquêtes PMI se poursuit aussi bien du côté du secteur manufacturier (46,5 en août) que de celui des services (49,3).