L’amélioration des données économiques marque le pas. Ce constat se prête à deux lectures. La première est que cette perte de momentum n’a rien de surprenant, voire même elle était inévitable. Elle intervient après un rebond important qui avait suivi un effondrement des données d’enquête, de l’activité et de la demande pendant le confinement. Ce rebond est mécanique : des activités qui tournaient au ralenti et celles qui étaient à l’arrêt ont pu reprendre avec le déconfinement. La consommation est également repartie.
Là encore, il s’agit d’une réaction mécanique. Elle avait chuté parce que les ménages ne pouvaient pas se rendre dans les magasins ou au restaurant, non pas faute de moyens financiers. Bien au contraire, leur taux d’épargne a fortement augmenté en raison du confinement à domicile. Ainsi, après une forte reprise, il est normal que l’amélioration du climat d’affaires d’un mois sur l’autre ralentisse. La deuxième lecture est nettement moins réconfortante. Elle part de l’observation que certaines enquêtes ont nettement fléchi. C’est le cas de l’indice des directeurs d’achats dans le secteur des services. Parce qu’il est plus exposé au risque sanitaire que le secteur manufacturier, cette baisse pourrait refléter la réaction de l’économie à la hausse du nombre de nouvelles infections de Covid-19 dans beaucoup de pays.
Ce n’est toutefois pas le seul facteur. Ainsi, l’issue des négociations sur la future relation commerciale entre le Royaume-Uni et l’Union européenne reste très incertaine. Une séparation sans accord constituerait un choc important supplémentaire pour l’économie britannique mais également pour des partenaires commerciaux de premier ordre comme l’Irlande, l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore la Belgique. Aux États-Unis, on craint de plus en plus que le résultat de l’élection présidentielle soit contesté, ce qui pourrait plonger les marchés financiers dans plusieurs semaines d’incertitude. Au-delà de ces facteurs, qui joueront à court terme, la situation sanitaire restera l’élément déterminant du comportement des ménages et des entreprises. De nouvelles mesures visant à arrêter la propagation du virus influencent directement la demande et l’activité mais également indirectement, via un effet de prudence accrue.
Concernant les ménages, l’épargne forcée du confinement constitue une réserve importante de pouvoir d’achat, dont l’utilisation éventuelle dépendra de leur confiance dans les perspectives, notamment dans le marché du travail. En zone euro, les anticipations de chômage ont certes baissé mais restent à un niveau élevé, tandis qu’aux États-Unis certaines grandes entreprises ont récemment annoncé d’importantes suppressions d’emplois. L’épargne forcée pourrait donc se transformer en épargne de précaution. Quant aux entreprises, des enquêtes réalisées en Allemagne et aux États-Unis montrent, sans surprise, un niveau d’incertitude toujours très élevé, quoique moins qu’il y a quelques mois. Tenant compte de la baisse du taux de marge et, pour beaucoup, de la hausse du taux d’endettement pendant le confinement, la velléité des entreprises à investir risque d’être freinée. Pour ces raisons, les messages de la Réserve fédérale et de la BCE sont cruciaux : leur politique restera très accommodante pendant longtemps et, au besoin, elle sera assouplie davantage. Cependant, comme l’a dit Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale, « les crédits sont des prêts, pas du pouvoir d’achat […] Un prêt qui pourrait s’avérer difficile à rembourser pourrait ne pas apporter la bonne réponse.»1 La politique budgétaire restera donc cruciale pour assurer la poursuite de la reprise, le temps qu’un vaccin soit trouvé