Alors que le redémarrage de l’activité depuis le mois de mars a d’abord été tiré par le rebond de la production industrielle et de l’investissement dans les infrastructures publiques et l’immobilier, l’amélioration a bénéficié plus largement à l’économie depuis l’été. Les exportations ont affiché un solide rebond et le redressement dans les services a gagné en vigueur. La consommation privée a également montré des signes de reprise mais les ménages se montrent néanmoins toujours très prudents. Au cours des prochains mois, la consolidation du redressement économique dépendra largement de la politique de relance des autorités, ainsi que de la performance des exportations et de la dynamique du marché du travail.
Redressement plus large de l’activité
Dans l’industrie, la production a continué de se redresser, avec une hausse de 5,6% en volume en glissement annuel (g.a.) en août (+3,6% en valeur), contre 4,8% en juin et juillet. Sur les huit premiers mois de 2020, elle dépasse légèrement (de 0,4%) le niveau atteint sur la même période en 2019. Le retour à la normale de l’activité dans une grande majorité de secteurs industriels semble donc achevé. Mais de nombreuses sociétés sont encore très fragilisées par les pertes enregistrées au premier trimestre. Ainsi, en dépit de leur rebond depuis quatre mois, les profits des entreprises industrielles étaient encore inférieurs de 8% en janvier-juillet 2020 par rapport à la même période en 2019. Dans les services, l’activité a continué son lent redressement (+4% en g.a. en août contre 3,5% en juillet et 2,3% en juin). Après un effondrement plus drastique que dans l’industrie pendant la période de confinement au T1, sa reprise depuis mars s’est avérée plus lente.
Du côté de la demande, le rebond continue d’être soutenu par l’investissement. Sur les huit premiers mois de 2020, il n’était plus que 0,3% en dessous du niveau atteint sur la même période en 2019. Il est toujours tiré par les nouveaux projets dans les infrastructures publiques et le secteur immobilier. L’investissement manufacturier a également rebondi en août, mais il reste inférieur de 8,1% sur les huit premiers mois de 2020 par rapport à la même période en 2019. À court terme, l’investissement dans les infrastructures devrait rester dynamique, aidé par la politique budgétaire toujours expansionniste. La politique monétaire devrait en revanche devenir plus prudente, contribuant à une modération de la croissance de l’investissement immobilier. Dans le secteur manufacturier, la reprise de l’investissement devrait se renforcer si les profits des entreprises continuent de s’améliorer et si la bonne performance des exportations persiste. Il est toutefois probable que les entreprises maintiennent une attitude prudente : à cause des difficultés financières de certaines d’entre elles et parce que les incertitudes sur la reprise de la demande mondiale et les tensions sino-américaines continuent de peser sur les perspectives d’exportations.
Après un recul modéré sur la période mars-juin, les exportations de marchandises ont rebondi de 7,3% en g.a. en dollars courants en juillet et de 9,5% en août (graphique 1). Cette bonne performance s’explique principalement par la forte demande d’équipements et matériels médicaux et de biens technologiques, ainsi que par la position avantageuse de la Chine dans la crise liée à la pandémie (elle est ainsi le premier pays à être sorti du confinement et à redémarrer sa production, ce qui lui a permis de répondre rapidement à la demande des pays partenaires quand celle-ci a commencé à se redresser). La Chine a ainsi augmenté sa part dans les exportations mondiales (environ 14% au S1 contre 13,3% en 2019). Avec la baisse des importations en valeur (les volumes augmentent mais les effets-prix restent négatifs), l’excédent commercial s’est renforcé ces derniers mois. La Chine est loin d’atteindre le niveau d’achats de biens américains prévu par son accord de « Phase 1 » signé avec Washington en début d’année (ses importations sur les sept premiers mois de 2020 représentaient un peu moins de la moitié du montant ciblé sur cette période, selon les estimations du Peterson Institute for International Economics), mais cet accord n’est actuellement remis en cause par aucune des deux parties.
La consommation privée toujours contrainte
La consommation privée montre des signes d’amélioration mais semble encore loin d’un retour à la normale. Les ventes au détail ont certes affiché un taux de croissance légèrement positif en g.a. au mois d’août pour la première fois de l’année (+0,5%), mais elles étaient toujours en baisse en volume (-1,1%) et encore loin de leur niveau de 2019 sur les huit premiers mois de l’année (-8,6% en g.a.). Le commerce électronique a continué de gagner en importance. Le montant des ventes de biens par internet a augmenté de 16% en g.a. en août et équivalait à 36% des ventes au détail au S1 2020, contre 25% en 2019. De toute évidence, les ménages restent inquiets. Après s’être effondré tout au long du premier semestre, l’indice de confiance des consommateurs a commencé à remonter en juillet, mais reste bien en dessous des niveaux de 2018-2019. Cette méfiance est liée au risque sanitaire ainsi qu’à la dynamique du marché du travail.
Les stigmates de la crise sur le marché du travail
Le principal taux de chômage officiel (calculé à partir des seuls individus inscrits dans les agences locales pour l’emploi) a peu augmenté, passant de 3,62% au T4 2019 à 3,84% au T2 2020 (soit 10,1 millions d’individus). Le taux de chômage établi par le Bureau statistique national (NBS) sur la base de sondages, considéré comme plus exhaustif, s’est dégradé plus sévèrement, passant de 5,3% en décembre 2019 à 6,2% en février (graphique 2). Il est redescendu depuis mars mais reste supérieur aux taux d’avant-crise (5,6% en août). Ces taux de chômage officiels sous-estiment cependant largement le choc subi par la population. Tout d’abord, leur périmètre de calcul est limité : i) il ne prend en compte que le marché du travail urbain et ii) une grande partie des travailleurs migrants qui ont perdu leur emploi en zones urbaines pendant le confinement, et dont beaucoup sont retournés dans leur résidence en zones rurales, ne sont pas comptabilisés comme chômeurs. Selon l’estimation la plus répandue, au moins 80 millions d’individus auraient perdu leur emploi à fin février dans l’ensemble du pays (sur un total d’emplois de 775 millions en 2019, dont 291 millions occupés par des travailleurs migrants).
La situation s’est améliorée dès le mois de mars, avec la baisse du taux de chômage et le retour des travailleurs migrants dans les zones urbaines, mais certaines catégories d’individus restent très fragilisées. Les taux de chômage moyens masquent en effet de fortes disparités, les travailleurs les moins qualifiés et les jeunes diplômés étant les plus affectés. En 2020, 8,7 millions de jeunes diplômés doivent entrer sur le marché du travail, la plupart pendant l’été – le taux de chômage des 20-24 ans a par conséquent continué d’augmenter en août selon le NBS (il serait proche de 20%). Cette situation préoccupe particulièrement le gouvernement, qui a demandé aux administrations et entreprises publiques d’accroître fortement leurs embauches cette année. Enfin, la dégradation du marché du travail s’illustre aussi par une montée significative des emplois précaires (temps partiel, travailleurs indépendants, commerçants en ligne, etc.), en partie encouragée par les autorités.
Conséquence de ces dynamiques, le revenu disponible moyen par tête a baissé de 1,3% en g.a. en termes réels au S1 2020 (la baisse de 3,9% au T1 a été suivie d’une légère amélioration au T2). Cette évolution a résulté de la baisse du salaire réel ainsi que de l’effondrement des revenus nets d’entreprises (travailleurs autonomes). Les pertes de revenus d’activité pèsent d’autant plus lourdement sur la consommation privée qu’elles ont concerné davantage les ménages à bas revenus, et qu’elles ont été peu compensées par la hausse des prestations sociales. Les autorités ont bien introduit quelques mesures d’aide directe aux ménages, mais leur plan de relance a surtout mis l’accent sur les programmes de soutien en faveur des entreprises et sur l’investissement public. De fait, l’amélioration des conditions du marché du travail, observée dès la fin du confinement, pourrait se poursuivre à court terme, grâce aux projets de construction dans le secteur public, et surtout si la bonne performance des exportations se maintient, soutenant ainsi l’activité dans le secteur manufacturier. Cela reste néanmoins incertain car dépendant de l’environnement extérieur. Alors que les ménages pourraient ressentir encore longtemps les effets du choc sur leurs revenus, le renforcement du système de protection sociale s’avère de plus en plus nécessaire pour stimuler la consommation privée à court comme à moyen terme.