D’après les données du Bureau de la statistique nationale (Office for National Statistics, ONS), le Royaume-Uni a enregistré une chute de son PIB de plus de 20% au deuxième trimestre, soit la plus grosse baisse en Europe. Sur l’ensemble du premier semestre, seule l’Espagne a fait pire (cf. graphique 2). L’indice de PIB mensuel de l’ONS montre que le PIB a ensuite rebondi en mai et continué d’augmenter en juin et juillet (le dernier mois pour lequel les données sont disponibles).
Néanmoins, le PIB est toujours près de 12% inférieur à son niveau d’avant la pandémie[1], ce qui est principalement dû aux secteurs des services et de la construction (cf. graphique 3). En particulier, l’indice du secteur de l’hébergement et de la restauration est toujours 60% plus bas que son niveau de février – en avril, il lui était environ 90% inférieur.
Les effets prolongés de la crise économique
La reprise économique est donc bien là, mais la crise n’a pas fini de se faire ressentir car certains de ses effets ont été retardés par l’intervention des autorités. Par exemple, en ce qui concerne le marché du travail, plus de douze millions de personnes ont bénéficié des programmes de chômage partiel (Coronavirus Job Retention Scheme, CJRS) et de soutien aux autoentrepreneurs (Self-employed Income Support Scheme, SEISS). Cependant, le gouvernement prévoit de mettre fin à ces programmes en octobre. Cela fait ainsi craindre une forte remontée du chômage vers la fin de l’année, certaines entreprises n’ayant pas la capacité de reprendre à leur charge l’intégralité des salaires de leurs employés.
Il est vrai que, du fait notamment de ces programmes, le taux de chômage n’a pour l’instant que très légèrement augmenté, atteignant 4,1% en juillet. Mais les indicateurs avancés suggèrent une diminution de près de 700 000 du nombre total d’emplois salariés entre mars et août. La Banque d’Angleterre prévoit que le taux de chômage atteindra 7,5% à la fin de l’année. Le chancelier Rishi Sunak, pour qui maintenir les travailleurs loin du marché du travail indéfiniment n’est pas la solution, a néanmoins annoncé qu’il continuerait de rester « créatif » pour trouver des solutions afin de soutenir le marché du travail.
Autre conséquence de la crise, l’inflation restera probablement très faible dans les mois à venir, ce qui pourrait permettre à la Banque d’Angleterre d’assouplir encore sa politique monétaire si les conditions économiques se dégradaient de nouveau. Le taux de croissance de l’indice des prix à la consommation (IPC) est retombé à 0,5% en août[2]. En plus de l’impact de la crise sur la demande, cela est dû à la récente chute des prix du pétrole, à la baisse temporaire du taux de TVA pour le secteur du tourisme, et au programme Eat Out to Help Out du gouvernement – qui offre aux clients des restaurants y participant une réduction de 50%, jusqu’à GBP 10. La Banque d’Angleterre prévoit que le taux d’inflation restera en dessous de 1% au moins jusqu’au début de l’année prochaine, soit loin de sa cible de 2%.
Le Brexit, l’autre grande menace
Dans le même temps, la fin de la période de transition, prévue par l’accord de retrait signé entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE), approche à grands pas. Si, comme cela est très probable, cette période n’est pas prolongée, le Royaume-Uni sortira du marché commun et de l’union douanière de l’UE le 31 décembre 2020. Cependant, les négociations pour arriver à un accord de libre-échange patinent. Après huit cycles, elles bloquent sur deux points en particulier.
Le premier contentieux concerne l’engagement des parties à assurer un level playing field, c’est-à-dire à définir un cadre assurant une concurrence « ouverte et juste » dans le long terme. Alors qu’ils s’y étaient engagés dans la déclaration politique qui accompagnait l’accord de retrait, les négociateurs britanniques refusent désormais non seulement de s’engager à maintenir des standards élevés, mais aussi de mettre en place des dispositifs empêchant les pratiques anticoncurrentielles.
Les accords de pêche constituent la seconde pierre d’achoppement. Alors que le Royaume-Uni voudrait reprendre le contrôle de ses eaux, les négociateurs européens souhaitent en maintenir l’accès aux pêcheurs de l’UE dans des termes similaires à ceux actuels.
Ces derniers jours, le Royaume-Uni semble avoir durci sa position de négociation. Le Premier ministre Boris Johnson a annoncé que le Royaume-Uni « passerait à autre chose » si un accord n’était pas trouvé avant le 15 octobre. De plus, le gouvernement a présenté un projet de loi qui permettrait au Royaume-Uni de rompre avec certains aspects de l’accord de retrait conclu avec l’Union européenne, pourtant légalement contraignant.
Si le but pourrait être d’obtenir des concessions de la part de l’UE, les possibilités d’une sortie sans accord sont bien réelles. D’après les estimations des économistes, cela pourrait avoir un lourd impact sur la croissance du pays à long terme (cf. graphique 4). Au vu de la part de leur production exportée dans l’UE, certains secteurs, comme l’électronique par exemple, souffriraient particulièrement de ce divorce (cf. graphique 5).
En parallèle, le Royaume-Uni cherche à répliquer les accords de libre-échange que l’UE a signés avec le reste du monde. Le but est d’éviter de retourner aux règles de base de l’OMC, car celles-ci imposeraient de nombreuses barrières aux échanges.
Jusqu’ici, le Royaume-Uni a conclu une vingtaine d’accords avec un total de cinquante pays[3] (cf. graphique 3). Le plus important est celui conclu en septembre avec le Japon. Cependant, à part sur quelques points – comme les services financiers, le numérique ou encore le commerce électronique – cet accord ne va pas beaucoup plus loin que celui qui lie le Japon et l’Union européenne. De surcroît, selon les propres estimations du gouvernement britannique, cet accord n’augmentera le PIB du Royaume-Uni que de GBP 1,5 md dans le long terme, soit environ 0,07% du PIB de 2018[4].
Au final, les pays avec lesquels des accords commerciaux ont été conclus représentent à peine 10% du commerce total (exportations et importations) du Royaume-Uni. Par comparaison, les pays de l’UE en représentent près de 50%. Cela souligne l’importance pour l’économie britannique de finaliser un accord avec l’UE.