L’économie japonaise a connu un recul historique de son PIB au T2 2020 (-7,9%, t/t) ; il s’agit de la troisième contraction consécutive du PIB nippon (-0,6% au T1 2020 et -1,8% au T4 2019). À l’horizon de notre prévision, le retard enregistré lors de la crise de la Covid-19 ne serait pas encore rattrapé.
Une nouvelle année difficile sur le front économique
Malgré des mesures de confinement moins strictes que dans d’autres régions du monde, notamment en Europe, le choc de la Covid-19 n’a pas épargné l’économie japonaise. Le PIB réel du pays a retrouvé, du moins temporairement, son niveau de mi-2011, soit avant le lancement des Abenomics par le Premier ministre Shinzo Abe, dont la récente démission ne devrait pas modifier sensiblement la trajectoire des politiques économiques (voir plus bas). La croissance du PIB au T2 2020, lourdement pénalisée par la consommation privée et l’investissement des entreprises, s’est établie à -7,9% (t/t). Le rattrapage attendu au T3 2020 et au-delà devrait être relativement limité.
En effet, les derniers indicateurs conjoncturels font état d’une perte de vigueur de la reprise économique. L’indicateur TANKAN de la Banque du Japon indiquait au T2 2020 (l’indicateur pour le T3 n’était pas disponible au moment de la rédaction de cette note) une forte dégradation de l’activité des entreprises dans le secteur manufacturier et non-manufacturier. Plus récemment, après un rebond notable, l’indice des directeurs d’achats[1] (Purchasing Managers Index, PMI) composite pour le mois d’août s’est stabilisé à 45,2, soit un niveau nettement inférieur au seuil de 50 séparant les phases d’expansion de l’activité de celles de contraction. Si l’amélioration se poursuit dans le secteur manufacturier (le PMI de ce secteur a atteint 47,2 en août après 45,2 en juillet), secteur qui représente plus de 20 % du PIB, l’activité dans le secteur des services marque le pas. Ce dernier est toujours pénalisé par le manque de dynamisme de la consommation des ménages. Les ventes au détail restent à ce titre mal orientées (-1,9% en août en glissement annuel, après -2,9% en juillet). L’inquiétude sur le front de la consommation privée n’est pas atténuée par les dernières données relatives à la confiance des ménages. Celle-ci, après s’être redressée, semble stagner à un niveau inférieur à celui du début d’année. Par ailleurs, les exportations japonaises, traditionnellement dominées par des produits à forte valeur ajoutée, pourraient rester pénalisées par une demande externe peu dynamique, en particulier sur le segment des machines et des équipements de transports. Enfin, le typhon Haishen qui a traversé le pays début septembre constituerait un nouveau frein à la demande, notamment à l’investissement des entreprises.
Pas de changements majeurs suite à la démission de Shinzo Abe
La désignation de M. Yoshihide Suga au poste de Premier ministre, en remplacement de M. Shinzo Abe, ne devrait pas entraîner de modifications majeures de la politique économique. Selon les premiers éléments dont nous disposons, M. Suga s’inscrirait dans la continuité de M. Abe concernant les Abenomics et les trois « flèches » qui composent le programme : politique monétaire très accommodante, forte mobilisation des dépenses publiques et réformes structurelles. Le nouveau Premier ministre a souligné que le soutien budgétaire était plus que jamais nécessaire en ces temps de crise pour redresser l’économie nippone. La maîtrise de la dette publique - qui, selon les projections, dépasserait 250% du PIB en 2020[2] - ne semble pas être la priorité.