Un rebond, mais pas dans tous les secteurs
Les mesures de confinement adoptées, au T2, pour enrayer la propagation du coronavirus ont provoqué une chute brutale de l’activité en Europe. En Allemagne, le PIB s’est contracté de 9,7 %, un taux qui se compare assez favorablement à ceux enregistrés dans le reste de la zone euro (-12,6 %). Ce résultat s’explique essentiellement par un confinement moins strict en Allemagne, les autorités ayant réussi à limiter la propagation du virus en pratiquant des tests à grande échelle.
Ces mesures ont été progressivement levées à partir de la fin avril, entraînant un rebond de l’activité. Après avoir atteint un creux en avril (74,4), l’indice Ifo du climat des affaires a progressivement augmenté dans les mois qui ont suivi, atteignant 93,4 en septembre (2015=100). L’activité est, néanmoins, restée bien en deçà de ses niveaux d’avant-crise. En juillet, la production manufacturière a augmenté de 0,3 % par rapport au mois précédent, soit la troisième amélioration consécutive, mais elle n’en était pas moins en repli de 12 % en glissement annuel.
Le secteur le plus affecté par la pandémie est celui des services, dans lequel les exigences de distanciation sociale ont freiné le redémarrage de l’activité. Les ventes au détail ont fortement rebondi après le mois d’avril. En juillet, elles étaient en hausse de 5,6 % en g.a. Dans l’hôtellerie-restauration, en revanche, la situation est restée difficile. Malgré un net rebond des activités de restauration et d’alimentation en juillet (22 % par rapport au mois précédent), le chiffre d’affaires était en baisse de 27 % en g.a. L’économie dans son ensemble devrait avoir enregistré un rebond notable de 7,2 % au T3 (les chiffres seront communiqués à la fin octobre).
Le Kurzarbeit pourrait retarder la restructuration
Malgré l’effondrement de la production au T2, le marché du travail a assez bien résisté. Le taux de chômage (selon la définition du BIT) a légèrement augmenté à 4,4 % en juillet, contre 3,8 % en mars. Cette réaction modérée s’explique principalement par un large recours au dispositif de chômage partiel (Kurzarbeit). L’Ifo estime qu’au mois d’août, le nombre des bénéficiaires de ce programme est tombé à 4,6 millions, soit un million de moins qu’au mois précédent, ou 14 % des salariés assurés sociaux. Cette baisse est en grande partie imputable aux secteurs du commerce et de l’hôtellerie-restauration. Dans ce dernier secteur, néanmoins, 34 % des salariés sont toujours en activité partielle. Le dispositif Kurzarbeit offre aux entreprises l’avantage de conserver leurs compétences pendant la crise. Dès que la demande repart, le personnel est de nouveau immédiatement disponible. Cependant, plus la crise dure et moins cet argument semble convaincant. De plus, le Kurzarbeit n’est pas réservée aux seuls secteurs dynamiques qui souffrent d’un repli temporaire de l’activité. Des secteurs en difficultés, comme l’automobile et la métallurgie, en bénéficient également, ce qui a pour effet de différer leur restructuration pourtant nécessaire. Le chômage partiel est aussi largement utilisé dans l’hôtellerie-restauration. Dans ce cas, le régime ne vise pas à protéger la main-d'œuvre qualifiée et les entreprises technologiquement avancées, mais sert un objectif social.
Le gouvernement a récemment décidé de maintenir le dispositif de chômage partiel au moins jusqu’à la fin de 2021. Cette décision est probablement due à des raisons politiques, les législatives devant avoir lieu à l’automne prochain. Dans la même perspective, les partis de la coalition, la CDU/CSU et le SPD ont convenu de prolonger le gel des règles d’insolvabilité mises en place pour éviter une vague de faillites d’entreprises dues à la crise du coronavirus. Ces mesures auraient dû arriver à leur terme en septembre. Aucune nouvelle date n’a été fixée pour la fin de ce dispositif. Le danger est que de telles politiques, ajoutées à un contexte de taux d’intérêt très bas, ont de fortes chances d’aboutir à la création de sociétés « zombies »[1]. Or de telles entreprises peuvent peser sur la performance économique en raison d’une moindre productivité et du fait que, de par leur existence même, elles entraînent une diminution de l’investissement et de l’emploi dans des sociétés plus efficientes.
Suspension des règles de limitation de l’endettement
La pandémie a conduit à un déficit budgétaire record, qui pourrait atteindre 7 % du PIB en 2020. Un tiers du déficit est lié aux stabilisateurs automatiques, comme la baisse des recettes fiscales et la hausse des dépenses sociales, dues à la contraction de l’économie. Le reste s’explique par les deux programmes spéciaux, introduits par le gouvernement en mars et en juin. Le premier d’entre eux, d’un montant de EUR 750 mds, comprenait des mesures budgétaires visant à soutenir le système de santé et à atténuer l’impact économique des mesures de confinement sur les entreprises et les ménages. A cela s’est ajouté, en juin, un programme de relance complet, d’un montant de EUR 130 mds, qui ne comportait pas seulement des dispositifs de soutien de la demande, mais aussi des mesures visant à renforcer la croissance future et le développement durable. Le montant cumulé de ces plans entraînera un creusement du déficit à hauteur de 5 % du PIB. La dette publique est appelée à passer de 60 % à fin 2019, à 75 % à fin 2020. Devant des circonstances exceptionnelles, les autorités ont été contraintes d’activer la clause dérogatoire aux règles de limitation de l’endettement public. Les emprunts dépassant le seuil fixé devront être remboursés sur vingt ans à partir de 2023.
Une reprise semée d’embûches
Quels que soient les signes évidents de rebond, la reprise va probablement rester lente et difficile, au moins tant qu’un vaccin ou de meilleurs traitements contre la Covid-19 n’auront pas été trouvés. Le PIB devrait, selon les projections, rebondir de 4,7 % l’année prochaine après une contraction de 5,6 % en 2020. Du côté de la demande, l’emballement actuel des dépenses de détail pourrait rapidement retomber d’autant que les consommateurs restent sur leurs gardes à l’égard du virus. De plus, la détérioration des perspectives d’emploi va probablement conduire à une augmentation de l’épargne de précaution. Le taux d’épargne devrait donc se maintenir à un niveau relativement élevé. Enfin, les ménages pourraient avancer leurs achats d’ici au 31 décembre, qui marquera la fin de la baisse temporaire de la TVA. Par ailleurs, la morosité de l’investissement pourrait perdurer en raison de l’érosion des marges bénéficiaires des entreprises, qui auront du mal à répercuter les coûts liés à la pandémie de Covid-19 sur les prix de vente.