Depuis l’Accord de Paris sur le climat (2015), le marché des obligations vertes ou green bonds connaît une ascension verticale. Bien qu’encore modeste à l’échelle mondiale (USD 2 900 milliards, soit à peine 2,5% du total des encours obligataires), sa taille a plus que quintuplé durant les cinq dernières années. Dans ce décollage, la zone euro a joué un rôle moteur, suivie à distance par les États-Unis et la Chine (cf . graphique).
ENVOLÉE DU MARCHÉ DES OBLIGATIONS VERTES Le contexte géopolitique, marqué par la guerre en Ukraine, la course au réarmement et le retour aux affaires de Donald Trump, amène toutefois à s’interroger sur la poursuite de cette expansion. La « contre-réaction » (backlash ) des gouvernements face aux questions climatiques et environnementales ne risque-t-elle pas de couper dans son élan le marché, jusqu’alors prometteur, des green bonds ? C’est selon nous peu probable, la finance durable étant, au contraire, amenée à jouer un rôle de plus en plus important à l’avenir, pour au moins trois raisons.
Un mouvement de fond La diffusion des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) obéit à une tendance lourde, qui n’est pas dictée seulement par les États. Les critères ESG font déjà partie du « business as usual » pour bon nombre d’entreprises sur le terrain[1] . Côté épargnants, ils continuent d’influencer les placements, notamment depuis que ces derniers peuvent bénéficier, avec le Green Bond Standard européen (EuGBS), d’une transparence et d’un cadre réglementaire renforcés. Une étude récente de la Banque des règlements internationaux (BRI, 2025) [2] met d’ailleurs en évidence une corrélation statistique forte entre taxonomie et investissements durables.
Un outil efficace de lutte contre le changement climatique Sans contester l’existence d’effets d’aubaine ou d’affichage (greenwashing ), la même étude montre que le marché des obligations vertes contribue malgré tout et de manière significative à la décarbonation des entreprises. Celles qui y ont recours réduiraient de 21% en moyenne et au bout d’un an leurs émissions unitaires de gaz à effet des serre (GES), les progrès les plus significatifs étant obtenus dans les secteurs énergo-intensifs[3] .
Un intérêt financier pour les États Les décideurs publics voudraient-ils freiner l’expansion du marché des green bonds qu’ils auraient peu d’intérêt à le faire. De plus en plus souvent, les agences de notations intègrent les trajectoires de réduction d’émissions de CO2 dans leur évaluation de la dette des États, les mieux-disants minimisant le risque de transition désordonnée et obtenant, ainsi, de meilleurs ratings (Capiello & al., 2025) [4] . Ce début de reconnaissance est à souligner, à l’heure où la question de la soutenabilité des finances publiques refait surface.