La question de la persistance d’une inflation élevée déterminera l’ampleur du resserrement monétaire nécessaire pour la maîtriser. Les facteurs clés à l’œuvre sont la croissance des salaires par rapport à l’évolution de la productivité, l’élasticité de la demande par rapport aux prix et son pendant, le pouvoir de fixation des prix des entreprises. Ces deux derniers sont conditionnés, du moins en partie, par l’environnement cyclique : lorsque la croissance du revenu des ménages est forte, l’élasticité de la demande par rapport aux prix est plus faible et la puissance de fixation des prix au-dessus de la normale. Une analyse de la régression entre l'indice PMI des prix à la production et celui des intrants montre que récemment, aux États-Unis comme dans la zone euro, le pouvoir de fixation des prix des entreprises a augmenté de façon assez significative. La hausse des prix des intrants oblige les entreprises à envisager d’augmenter leurs prix et la demande forte leur permet de le faire. Dans les dernières enquêtes, les prix des inputs et ceux des outputs ont commencé à baisser, de sorte que moins d’entreprises font face à des hausses de prix ou augmentent leurs prix de vente. Cela devrait ralentir l’inflation. Finalement, une augmentation plus lente de la demande devrait contribuer à cette évolution en réduisant le pouvoir de fixation des prix des entreprises.
Jusqu’à il y a quelques mois, la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne estimaient que l’inflation forte serait transitoire. Leur position a depuis évolué et elles pensent désormais que l’inflation pourrait rester élevée longtemps. Ce changement a influencé leurs orientations en matière de perspectives de la politique monétaire, entraînant à la hausse la courbe des taux aux États-Unis et dans la zone euro.
La question de la persistance d’une inflation élevée déterminera l’ampleur du resserrement monétaire qui sera nécessaire pour la maîtriser. En outre, plus la hausse cumulée des taux sera importante, et plus le risque d’une menace significative pour la croissance augmentera.
Lorsqu’on analyse la dynamique d’inflation, il convient de distinguer le choc d’inflation initial et les effets de second tour. Concernant le premier, le bond de l’inflation amorcé l’an dernier est le résultat d’un choc positif de demande, d’un déplacement de la demande des services vers les biens de consommation – un phénomène particulièrement fort aux États-Unis – et d’un choc d’offre. Ce dernier a été causé par des goulets d’étranglement qui ont empêché l’offre – inélastique à court terme – de suivre le rythme de l’augmentation forte de la demande. La rupture de la chaîne d’approvisionnement a également joué un rôle.
Les effets de second tour concernent l’interaction entre les salaires et les prix et, plus largement, la répercussion d’une hausse des coûts des intrants sur les prix de plus en plus de produits et services. Les facteurs clés à l’œuvre sont la croissance des salaires par rapport à l’évolution de la productivité - en matière de rentabilité d’une entreprise, l’évolution des coûts salariaux unitaires est plus importante que celle des salaires -, l’élasticité de la demande par rapport aux prix et son pendant, le pouvoir de fixation des prix des entreprises1. Ces deux derniers sont conditionnés, du moins en partie, par l’environnement cyclique. Lorsque la croissance du revenu des ménages est forte (faible), on doit s’attendre à ce que l’élasticité de demande par rapport aux prix soit faible (élevée) et que la puissance de fixation des prix soit élevée (faible).
Cette nature cyclique est importante pour l’analyse des effets de second tour. Lorsque la croissance est forte, la transmission du choc d’inflation initial aux salaires et à un large éventail de biens et de services devrait être importante, tandis qu’elle s’affaiblirait lorsque la croissance ralentirait. En outre, une croissance moins dynamique devrait conduire à une baisse de l’inflation. En effet, elle réduit le déséquilibre entre l’offre et la demande, mais aussi le pouvoir de négociation des salariés – ce qui ralentit la croissance des salaires – et les ménages sont alors amenés à davantage comparer les prix avant d’acheter. Ce dernier effet implique donc une baisse du pouvoir de fixation des prix des entreprises.
Les enquêtes auprès des directeurs d’achats (PMI) permettent de nous éclairer sur ce point en comparant l’évolution des prix des intrants et des prix à la production pour le secteur manufacturier. Sans surprise, ils ressortent fortement corrélés et très cycliques (graphiques 1 et 2)2. Afin de vérifier si la puissance de fixation des prix fluctue dans le temps, une régression linéaire a été effectuée entre l’indice PMI des prix à la production (variable dépendante) et l’indice PMI des intrants (variable indépendante). Un coefficient bêta en hausse signifie que lorsqu’un nombre croissant d’entreprises déclarent des prix des intrants plus élevés, elles sont encore plus nombreuses que par le passé à augmenter leurs prix de vente. Comme le montrent les graphiques, aux États-Unis, le coefficient bêta a augmenté très sensiblement dernièrement, atteignant des records3. Il en va de même dans la zone euro, bien que le coefficient bêta soit moins important qu’aux États-Unis.
Ces résultats suggèrent que récemment, le pouvoir de fixation des prix des entreprises a augmenté de façon assez significative dans un contexte de pression intense des prix des intrants et de demande forte. Le niveau élevé de l’indice PMI des nouvelles commandes en est l’illustration. La hausse des prix des intrants oblige les entreprises à envisager d’augmenter leurs prix et la demande forte leur permet de le faire.
Dans les dernières enquêtes, les prix des inputs et ceux des outputs ont commencé à baisser, de sorte que moins d’entreprises font face à des hausses de prix ou augmentent leurs prix de vente. Cela devrait ralentir l’inflation. Finalement, une augmentation plus lente de la demande devrait contribuer à cette évolution en réduisant le pouvoir de fixation des prix des entreprises.
William De Vijlder