Aux États-Unis, le marché du travail extrêmement tendu joue un rôle central dans les efforts mis en œuvre par la banque centrale pour ramener l’inflation vers son objectif. Une augmentation moindre du revenu du travail devrait freiner la demande finale, tandis que le tassement des hausses salariales contribuera à atténuer la pression sur les marges des entreprises, qui seront moins enclines à relever leurs prix de vente. Le marché du travail se caractérise par une interaction dynamique entre les offres d’emploi, les postes non pourvus, les départs volontaires et licenciements. Aux États-Unis, le nombre de postes non pourvus et le taux de démission ont commencé à baisser. On peut s’attendre à une accélération de cette dynamique et donc à un fléchissement de la hausse des salaires
L’inflation domine l’actualité économique depuis des mois, mais avec des resserrements monétaires agressifs, cela ne devrait pas durer. Dans le même temps, les craintes de récession s’intensifient. Les banquiers centraux reconnaissent que leur action pourrait provoquer une récession technique, une grande majorité des dirigeants américains s’y attendent et le consensus montre un risque accru de récession aux États-Unis, et encore davantage dans la zone euro. La narration d’une récession devrait mener à de l’attentisme, avec un report des décisions de dépenses et d’embauche. Il devrait aussi créer des interactions négatives, qui se renforceront mutuellement, entre les données concrètes et le sentiment des agents économiques
Après une deuxième contraction de son PIB au T2, les perspectives de l’économie américaine sont pour le moins incertaines. Les pressions inflationnistes donnent des signes de détente mais le rythme de désinflation pourrait être plus lent que prévu. Si la confiance des ménages a récemment interrompu sa baisse et s’est légèrement redressée en août, les enquêtes d’activité auprès des entreprises plongent, notamment dans le secteur industriel. La Réserve fédérale a poursuivi la remontée rapide de ses taux directeurs, qui entrent désormais en territoire restrictif.
La conjonction actuelle inédite des chocs - inflationniste, sanitaire, géopolitique, énergétique, climatique, monétaire - devrait avoir raison de la résistance de la zone euro et la plonger en récession à l’horizon des prochains trimestres. La détérioration des enquêtes de confiance cet été en donne des signes avant-coureurs. La récession devrait toutefois rester limitée grâce notamment au soutien budgétaire. Elle serait suivie d’une reprise modérée à la faveur de l’atténuation des chocs. Face à la poursuite de l’envolée de l’inflation, la BCE est passée à la vitesse supérieure. Elle augmenterait encore ses taux de 125 pb d’ici la fin de l’année (portant le taux de dépôt à 2%) et se donnerait ensuite le temps d’évaluer l’ampleur de la modération de la croissance et de l’inflation.
La croissance française a surpris à la hausse au 2e trimestre (+0,5% t/t), soutenue par l’impact positif de la levée des restrictions liées à la Covid-19 sur le tourisme et les loisirs. Le reste de l’économie a quasi-stagné selon nos estimations (+0,1% t/t) en raison de l’accélération de l’inflation. Après un 1er trimestre négatif (-0,2% t/t, y compris « après retraitement »), cela indique une récession évitée de peu. À l’avenir néanmoins, la détérioration des enquêtes de conjoncture, l’impact du prix de l’énergie sur les entreprises, la sécheresse et la baisse de la production d’électricité renforcent le risque récessif.
L’hiver s’annonce difficile. Bien que son l’Espagne soit structurellement moins vulnérable aux ruptures énergétiques, le choc inflationniste est violent et il ne fléchit pas, avec une inflation à plus de 10% en août. La mesure « hors énergie » progresse sans relâche. Malgré l’action du gouvernement, la baisse du pouvoir d’achat des ménages espagnols sera parmi les plus importantes de la zone euro. Si le tourisme a certainement permis à l’activité de résister au troisième trimestre, nous nous attendons à une contraction au quatrième trimestre 2022, qui se prolongerait au cours de l’hiver. Les créations d’emplois ont été solides cet été, mais les enquêtes d’opinion anticipent, elles aussi, un fléchissement.
Le PIB belge a progressé de 0,2 % au deuxième trimestre 2022. La consommation privée a poursuivi sa trajectoire à la hausse au cours du premier semestre, mais devrait ralentir puisque l’inflation reste à son plus haut niveau historique. L'augmentation des coûts de la main-d'œuvre et de l'énergie pèse sur les entreprises, et les dépenses d'investissement sont à nouveau inférieures aux niveaux d’avant la pandémie. Une récession semble inévitable dès la fin de cette année. Une politique budgétaire active devrait l’atténuer, mais le coût pour les finances publiques sera considérable.
Avec un risque de pénuries énergétiques relativement contenu, le Portugal enregistrerait cette année une croissance économique parmi les plus importantes de la zone euro. Plusieurs facteurs favorables sont à l’œuvre. L’acquis de croissance par rapport à 2021 est important, et le PIB réel a connu une forte hausse au T1 (+2,4% t/t) avant de se stabiliser au T2. Le rebond du tourisme a, par ailleurs, soutenu l’activité cet été. Malgré les mesures d’aides aux ménages et aux entreprises, estimées par le gouvernement à EUR 4 mds jusqu’ici en 2022, le solde budgétaire primaire devrait enregistrer un léger excédent cette année
La croissance britannique s’est légèrement contractée au T2 mais l’économie ne devrait pas entrer en récession avant le T4. D’une part, le marché du travail continue d’opérer au plein-emploi, ce qui permet d’amortir en partie le choc d’inflation sur le pouvoir d’achat. D’autre part, le nouveau plan gouvernemental de soutien aux ménages et aux entreprises devrait atténuer la hausse des prix de l’énergie à venir. Face à une inflation persistante, la Banque d’Angleterre (BoE) accélère encore sa normalisation monétaire, au risque de précipiter la contraction de l’économie.
Ces derniers mois, l’écart considérable et croissant entre l’inflation observée et l’objectif a fini par créer, au sein des banques centrales, un sentiment d’urgence à agir. On peut parler de phase de panique du cycle de resserrement. Il s’est ensuivi une succession rapide de hausses de taux. Le resserrement est rapide au lieu d’être progressif afin d’éviter un désancrage des anticipations d’inflation. Cette phase de persévérance cèdera la place à une attitude attentiste une fois le taux final – le pic cyclique du taux d’intérêt – atteint. Lors de cette phase de patience, les banques centrales attendront de voir comment les données évolueront
L’inflation en Espagne ne montre aucun signe d’accalmie. La hausse des prix à la consommation s’est maintenue au-dessus des 10% a/a en août, à 10,5% (mesure nationale). Elle a néanmoins légèrement fléchi par rapport à juillet (10,8% a/a), en raison de la diminution des coûts dans le transport privé (-3,5% sur un mois), elle-même alimentée par la baisse des prix à la pompe. En revanche, l’augmentation des prix alimentaires (et des boissons non alcoolisées) a accéléré, passant de 0,3 point à 13,8% a/a, en particulier pour les produits laitiers, le pain, et le maïs. La mesure sous-jacente (qui exclut l’énergie et les aliments périssables) grimpe également, de 6,1% à 6,4% a/a. L’immobilier est un autre secteur où la hausse des prix reste très dynamique.
Selon un large consensus, 2023 devrait être une année de désinflation. Le resserrement monétaire jouera à cet égard un rôle important. Cependant, il est difficile, voire impossible de déterminer quand et à partir de quel niveau atteint par les taux d’intérêt directeurs, l’inflation aura suffisamment convergé vers l’objectif. C’est pourquoi la Réserve fédérale et la Banque centrale européenne procèdent à une succession rapide de hausses significatives de taux. Cela devrait réduire le risque d’une inflation supérieure aux prévisions. Beaucoup dépendra de la manière dont les anticipations d’inflation évolueront
La tendance à la baisse de l’indice PMI manufacturier s’est poursuivie en août. Dans la plupart des économies avancées, l’indice est inférieur à 50, signe d'une contraction de l’activité dans le secteur manufacturier. Le Royaume-Uni a accusé un détérioration significative le mois dernier. L’indice chinois est également passé sous la barre des 50. La baisse des nouvelles commandes est particulièrement importante depuis le mois de mai. De plus, elle est généralisée. Au sein de la zone euro et dans la plupart de ses pays membres, ainsi qu’au Royaume-Uni, l’indice est passé sous la barre des 46 points. Les chiffres sont également très faibles au Mexique, en République tchèque, en Pologne et en Turquie. La situation s’est aussi détériorée en Chine.
L’économie française a positivement surpris au regard des vents contraires qui s’accumulent depuis le début de l’année 2022. Ainsi, la croissance a été de 0,5% t/t au 2e trimestre, une performance qui s’explique surtout par le rebond des activités liées au tourisme et aux loisirs à la suite de la levée, à partir de mars, des restrictions liées au Covid-19. L’inflation a pourtant continué de produire ses effets, comme en témoigne la nouvelle contraction du pouvoir d’achat des ménages au 2e trimestre (-1,1% t/t après déjà -1,6% au 1er). Cette inflation a atteint le niveau de 6,1% a/a en juillet avant de refluer en août à 5,8% (selon la mesure nationale de l’INSEE).
Les données économiques récentes dressent un tableau de la montée des inquiétudes concernant les perspectives économiques. Aux États-Unis, l'inflation élevée et la hausse des taux d'intérêt jouent un rôle central. Dans la zone euro, ces mêmes facteurs entrent en jeu - même si les taux d'intérêt y sont inférieurs qu’aux États-Unis - mais deux autres, la flambée des prix de l'énergie et les ruptures d'approvisionnement en gaz, devraient aussi freiner la croissance. L'atténuation des pressions sur les prix dans les enquêtes de conjoncture est encourageante. Néanmoins, les anticipations en matière de prix de vente restent exceptionnellement élevées au vu de la baisse des carnets de commandes
Le marché de l’emploi reste solide aux États-Unis. Le taux de chômage s’est établi à 3,7% en août, en légère augmentation par rapport au mois précédent (3,5%). Les créations d’emplois salariés non agricoles ralentissent mais restent importantes (+315k m/m), notamment dans les secteurs des services aux entreprises, de la santé et du commerce de détail. Cette résistance du marché du travail au ralentissement de la croissance attenue fortement l’impact de la hausse du coût de la vie sur les Américains.
À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. La probabilité est forte que la Banque centrale européenne augmente de 75 points de base ses taux directeurs lors de sa réunion du 8 septembre prochain. La BCE n’a, en effet, guère d’autre choix que de répondre par un geste extraordinaire à la poursuite de l’envolée de l’inflation, et ce malgré l’accentuation du risque de récession. Il s’agit de mettre en pratique les discours hawkish de Jackson Hole et la détermination inconditionnelle affichée à préserver la stabilité des prix.
Au cours des cinq prochaines années, la politique économique française devra continuer de traiter des sujets structurels, tels que le plein emploi, le retard en termes de robotisation et la compétitivité des entreprises, ou encore la place de l’industrie dans l’économie. Elle continuera aussi très probablement de s’attacher, au moins à court terme, à soutenir le pouvoir d’achat des ménages, comme elle le fait depuis 2019. Autant de chantiers à mener de front qu’il s’agira de concilier avec le coût de la transition écologique et énergétique, alors que la dette publique a déjà fortement augmenté dans un contexte de remontée, encore contrôlée, des taux d’intérêt.
En 2021, les négociations salariales ont été difficiles dans un contexte de reprise économique fragile et inégale. Les hausses de salaires devraient être plus élevées en 2022 sans toutefois compenser les effets de la forte inflation. Le très puissant syndicat allemand, IG Metall, a obtenu une revalorisation des salaires inédite depuis 30 ans dans le secteur de la métallurgie : +6,5%. Mais cette progression est à relativiser puisque l’accord a été signé sur 18 mois, ce qui ramène le taux de croissance annuel à +4,5 % en 2022. Les négociations salariales en Allemagne s’effectuent principalement de façon centralisée (secteur, branche)
Depuis le 8 juillet, un dispositif permet aux 2,7 millions de ménages espagnols les plus modestes de bénéficier d’un chèque « anti-inflation » de 200 euros par personne. Cette mesure fait partie d’une enveloppe totale de EUR 9 mds, officialisée fin juin par les autorités. Elle comprend également un nouvel allègement de la TVA sur l'électricité (de 10 à 5%) et une baisse du coût des transports. Ces dispositifs de soutien au pouvoir d’achat sont les bienvenus car l’inflation continue de gagner du terrain.
La tendance à la baisse du PMI manufacturier mondial s’est poursuivie en juin. L’indice a reculé aux États-Unis comme dans la zone euro, respectivement, à 52,7 et 52,1, s’approchant du seuil fatidique des 50. On observe un repli dans tous les pays de la zone euro pour lesquels des données sont disponibles. Les chiffres ont également baissé au Royaume-Uni et au Japon. L’indice a progressé en Australie, au Mexique et, en particulier, en Chine. Le reflux des nouvelles commandes du secteur manufacturier s’est également poursuivi et il est plus prononcé que celui de l’indice global. Les prises de commandes ont sensiblement baissé aux États-Unis et dans la zone euro en général ainsi qu’au niveau de chaque pays. Les chiffres sont particulièrement déprimés en Allemagne et en Italie
Depuis le début de l’année, les pays émergents ont été confrontés à une série de chocs successifs et inattendus qui vont considérablement affecter leurs performances économiques. Les pressions inflationnistes mondiales ont augmenté en raison de la hausse des prix des matières premières et des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement résultant du conflit en Ukraine. De plus, au printemps, les confinements dans d’importantes régions industrielles chinoises ont aggravé les problèmes d’approvisionnement et un peu plus assombri les perspectives de demande mondiale
Sur le plan conjoncturel, les mois se suivent et se ressemblent dans la zone euro. Ainsi, l’inflation ne cesse d’augmenter et les enquêtes de confiance de reculer, dans une ampleur qui varie et en ordre dispersé. Si la détérioration de la situation et des perspectives économiques est claire, son importance et sa durée restent incertaines. La probabilité d’une récession s’accroît mais ce n’est pas (encore) une certitude. En effet, d’une part, le niveau d’activité reste élevé et tous les voyants économiques ne sont pas au rouge (notamment ceux concernant le marché du travail) et, d’autre part, la croissance bénéficie de vents porteurs ou, à tout le moins, d’amortisseurs.
La hausse des prix continue d’accélérer - l’inflation était de 5,8% a/a en juin - et le pic n’est pas atteint. Fait important, la composante énergie a enregistré une nouvelle hausse mensuelle significative de 5,3% en juin, après +9% en mars. Alors que la première vague ne s’est pas encore totalement répercutée sur les autres prix (alimentaires, biens manufacturés, services), cette nouvelle hausse laisse entrevoir une accélération de l’inflation, notamment sur la composante alimentaire qui avait le plus pâti du premier choc (hausse de 1,4% m/m en avril et de 3,1% en 3 mois).
Le rebond inattendu de l’inflation en mai a contraint la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) à accélérer la normalisation de sa politique monétaire. Mi-juin, le Comité fédéral d’open-market (FOMC) a décidé d’une hausse de 75 points de base (pb) de son principal taux directeur, tandis que la Fed démarre en parallèle son programme de réduction de bilan (QT, quantitative tightening). Pour l’heure, l’économie américaine tient bon, portée par des fondamentaux robustes comme l’emploi. Toutefois, l’activité ralentit face au durcissement des conditions de crédit et à la détérioration des perspectives économiques mondiales. L’atterrissage à venir de l’économie américaine se fera sous tension.