La hausse des prix continue d’accélérer - l’inflation était de 5,8% a/a en juin - et le pic n’est pas atteint. Fait important, la composante énergie a enregistré une nouvelle hausse mensuelle significative de 5,3% en juin, après +9% en mars. Alors que la première vague ne s’est pas encore totalement répercutée sur les autres prix (alimentaires, biens manufacturés, services), cette nouvelle hausse laisse entrevoir une accélération de l’inflation, notamment sur la composante alimentaire qui avait le plus pâti du premier choc (hausse de 1,4% m/m en avril et de 3,1% en 3 mois).
Le rebond inattendu de l’inflation en mai a contraint la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) à accélérer la normalisation de sa politique monétaire. Mi-juin, le Comité fédéral d’open-market (FOMC) a décidé d’une hausse de 75 points de base (pb) de son principal taux directeur, tandis que la Fed démarre en parallèle son programme de réduction de bilan (QT, quantitative tightening). Pour l’heure, l’économie américaine tient bon, portée par des fondamentaux robustes comme l’emploi. Toutefois, l’activité ralentit face au durcissement des conditions de crédit et à la détérioration des perspectives économiques mondiales. L’atterrissage à venir de l’économie américaine se fera sous tension.
Jusqu’ici relativement résistante aux chocs, la croissance de la zone euro devrait plus nettement ralentir dans les prochains mois. Une récession n’est pas à exclure mais ce n’est pas notre scénario central, la croissance disposant aussi de relais importants (rattrapage post-Covid-19, surplus d’épargne, besoins d’investissement, soutiens budgétaires). Notre scénario a certaines apparences de la stagflation mais s’en écarte par une hausse du taux de chômage qui resterait contenue. La BCE s’apprête à amorcer la remontée de ses taux directeurs pour contrer le choc inflationniste. Nous tablons sur une hausse cumulée de 250 points de base du taux de dépôt, ce qui le porterait à 2% à l’automne 2023.
L’Allemagne fait partie des pays de la zone euro les plus touchés par le conflit russo-ukrainien, ce qui se traduit par de faibles perspectives de croissance et une inflation élevée. Le PIB allemand progresserait d’à peine +1,3% en 2022, contre +2,5% pour la zone euro. En moyenne annuelle, le PIB resterait inférieur de 0,9% à son niveau de fin 2019. En parallèle, l’inflation atteindrait +8,1% en 2022, sous le poids des prix de l’énergie. Entre la hausse du salaire minimum promise par le gouvernement et les revalorisations attendues dans de nombreuses branches, la croissance des salaires devrait fortement accélérer en 2022, mais serait insuffisante pour compenser le choc inflationniste.
L’économie française est prise en étau entre trois évolutions aux effets divergents : un choc inflationniste qui pèse sur la consommation des ménages, un choc d’offre négatif (contraintes d’approvisionnement dans l’industrie) et la levée des restrictions sanitaires (qui bénéficie à la croissance à partir du 2e trimestre, après avoir pesé au 1er). Les mesures gouvernementales, qui ont limité l’inflation, n’ont pas empêché une croissance négative au 1er trimestre. Toutefois, l’impact positif de la levée des restrictions sanitaires et un rebond du pouvoir d’achat devraient permettre le retour à une croissance positive au 3e trimestre (+0,3% t/t).
Après un rebond d’activité en 2021 plus faible que ses voisins européens, l’Espagne devrait connaitre un taux de croissance soutenu en 2022, supérieur à 4%. Malgré les contrecoups de la guerre en Ukraine sur l’inflation et le pouvoir d’achat, le marché du travail garde le cap avec 186 000 emplois supplémentaires créés au cours des cinq premiers mois de l’année. Cette dynamique devrait se prolonger cet été avec la reprise plus marquée de l’activité touristique, même si les perturbations actuelles qui affectent les compagnies aériennes en Europe pourraient ternir ces perspectives. Par ailleurs, le pic de l’inflation pourrait intervenir tardivement cette année, la hausse des prix dans l’alimentation et les équipements ménagers gagnant actuellement en vigueur.
Avec un mix énergétique composé à près de 90% d’énergies fossiles, les Pays-Bas sont touchés de plein fouet par la forte hausse des prix du gaz et du pétrole depuis le début du conflit russo-ukrainien. Cela se traduit par un taux d’inflation parmi les plus élevés d’Europe. Malgré cela, la consommation des ménages résiste et les entreprises sont une majorité à penser que l’activité restera vigoureuse dans les mois à venir. La bonne tenue de l’activité permet au gouvernement de cantonner son soutien à une série de mesures limitées afin de poursuivre le désendettement des administrations publiques. Par ailleurs, le pays doit faire face à un autre type d’inflation, aussi inquiétante, celle de l’immobilier, le nombre trop faible de logements ne répondant pas aux besoins
Le PIB belge a progressé de 0,5% au premier trimestre 2022, tandis que l’inflation continue de battre des records. La confiance des ménages a été mise à mal au début de l’invasion russe en Ukraine, ce qui pourrait plomber la croissance du PIB belge. L’indexation des salaires devrait atténuer l’impact de l’inflation sur la consommation du secteur privé au détriment de la compétitivité des entreprises belges. Dans un environnement de hausse des taux, l’assainissement budgétaire demeure essentiel.
À plus de 10% au printemps, l’inflation constituera le principal frein à l’activité en Grèce en 2022. L’économie a néanmoins bien résisté jusqu’à présent. Le taux de chômage est au plus bas depuis 2010 et le rebond du PIB est soutenu depuis la fin du confinement de 2020. Une période récessive est peu probable cette année. Le tourisme devrait notamment bénéficier d’une saison estivale solide. Par ailleurs, la Grèce sortira officiellement le 20 août 2022 du programme de surveillance de la Commission européenne, démarré en juin 2018. Le pays a aussi procédé, en mai dernier, au dernier remboursement des créances contractées auprès du FMI durant la crise de 2011 (EUR 1,9 md)
L’inflation se poursuit, portée par les singularités de l’économie britannique. D’un côté, le marché du travail opère au plein emploi, ce qui favorise les hausses de salaires ; de l’autre, l’économie britannique, très exposée aux répercussions de l’invasion de l’Ukraine, subit une forte pression sur les prix de l’énergie. Malgré une remontée de son taux directeur précoce, alimentée ensuite par plusieurs hausses successives, la Banque d’Angleterre peine à enrayer la dynamique des prix. Le gouvernement n’a d’autre solution que de soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Déjà à l’œuvre, le ralentissement de l’économie risque de s’aggraver.
Hier protégé par le « quoi qu’il en coûte », le pouvoir d’achat des Européens est aujourd’hui menacé par l’inflation. À nouveau sollicitées après la pandémie, les politiques publiques s’efforcent de limiter les pertes, sans y parvenir tout à fait. En 2022, le revenu disponible réel des ménages de la zone euro devrait reculer de l’ordre de 2,5%. Si la consommation progresse encore, c’est parce que le taux d’épargne baisse, une tendance qui masque une grande diversité de situations.
Le pays sort fragilisé de l’épidémie de Covid-19. Deux ans après la crise, le PIB indonésien a retrouvé son niveau de 2019. Néanmoins, le marché du travail demeure fragile, les ménages se sont appauvris et les investissements restent modestes. Selon la Banque mondiale, l’épidémie va coûter 0,1 point de croissance potentielle au pays en raison de ses conséquences durables sur l’éducation et le marché de l’emploi. Aujourd’hui, le pays doit faire face à un nouvel environnement économique extérieur complexe avec la hausse des prix des matières premières induite par le conflit en Ukraine et les sanctions prises à l’encontre de la Russie. Même si le conflit en Ukraine ne sera pas sans conséquence sur la croissance, les comptes extérieurs devraient rester solides et la hausse des prix contenue
Après une contraction sans précédent en 2020, le fort rebond de l’activité économique en 2021 n’a pas permis à l’Afrique du Sud de renouer avec son niveau de PIB d’avant-crise, contrairement à la plupart des pays émergents. En 2022, l’activité devrait rester modérée et la croissance inférieure à 2% à moyen terme. Les perspectives économiques demeurent largement contraintes par la nécessité d’une consolidation budgétaire, le climat social et politique tendu et, de façon structurelle, par les fortes contraintes pesant sur les infrastructures, en particulier l’approvisionnement en électricité. Le choc induit par le conflit en Ukraine pourrait par ailleurs compliquer les efforts d’assainissement budgétaire engagés
Les tensions inflationnistes continuent de se renforcer en France. L’enquête de l’Insee dans le commerce de détail pour le mois de mai a ainsi marqué un nouveau record. Le solde d’opinion des entreprises du secteur sur la tendance prévue des prix de vente a atteint le chiffre de 43 contre 36 au mois d’avril (et -2 en moyenne historique). L’aménagement de l’habitat est le secteur dans lequel la proportion d’entreprises prévoyant d’augmenter leurs prix est la plus importante
D’après les données historiques, aux États-Unis comme dans la zone euro, la relation est étroite entre, d’une part, l’indicateur des pressions sur les prix, basé sur les enquêtes relatives aux délais de livraison et aux prix des intrants dans l’industrie manufacturière et, d’autre part, l’inflation sous-jacente. Au regard des récents indices « flash » des directeurs d’achat, les pressions sur les prix pourraient atteindre un pic, ce qui laisse espérer que l’inflation leur emboîtera le pas d’ici quelques mois. L’attention se concentrera dès lors sur la vitesse de décélération de l’inflation. Un processus très lent nécessiterait une hausse plus nette des taux d'intérêt, alimentant des craintes de récession
La hausse spectaculaire des prix de l’énergie depuis avril 2021 constitue le principal levier de la flambée actuelle de l’inflation en zone euro. Cette hausse s’est accentuée depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février dernier, entraînant la composante « énergie » de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), qui a crû de 44,4% a/a en mars 2022. Les gouvernements des quatre principales économies de la zone euro se sont mobilisés pour tenter d’amortir le choc pour les acteurs économiques, en particulier sur le pouvoir d’achat des ménages, via différentes mesures : subventions directes, baisses de taxes, réglementation des prix ou revalorisation des revenus
La hausse de l’inflation semble être, de prime abord, une bonne chose pour les gouvernements. Après tout, l’inflation induit une érosion de la valeur réelle de la dette et abaisse le ratio de dette publique sur PIB, la valeur nominale de ce dernier augmentant. Cependant, l’impact de l’inflation sur les finances publiques dépend de l’anticipation de sa hausse par les marchés financiers et de sa persistance attendue. Ces deux facteurs influenceraient le coût de l’emprunt et, par conséquent, la dynamique du ratio de dette via la différence entre ce coût et la croissance nominale du PIB
L’inflation continue de se diffuser aux différents postes de l’indice des prix à la consommation. La composante « énergie » a légèrement reflué en avril (-2,5% m/m), après la mise en œuvre de la ristourne gouvernementale sur le carburant, mais cette baisse a été plus que compensée par l’accélération des prix des autres postes de consommation. Les prix alimentaires, singulièrement, ont progressé de 1,4% m/m en avril, une ampleur inédite depuis 20 ans (c’est-à-dire ni en 2007-08 ou en 2011, lors de précédentes vagues de hausse des prix alimentaires). Ce poste est le principal contributeur (0,2 point) à l’inflation mensuelle (+0,4% m/m).
Les derniers chiffres d’inflation offrent un très léger répit au gouvernement espagnol. Après avoir frôlé les 10% en glissement annuel en mars (9,8%), la hausse des prix à la consommation a ralenti en avril (8,4%). Les mesures prises par les autorités afin d’endiguer l’augmentation des prix de l’énergie (principalement via des subventions et des baisses de taxes) ont eu un effet positif. Néanmoins, le renchérissement des produits alimentaires s’intensifie (+10,1% a/a en avril). De plus, leur contribution à l’inflation (1,98 point de pourcentage) atteint désormais le même niveau que les autres postes de dépenses liés à l’énergie (les transports, l’électricité, le gaz et autres combustibles).
Une inflation élevée, si elle n'est pas traitée, peut entraîner une déstabilisation des anticipations, une augmentation des primes de risque, une plus grande distorsion des prix, et donc des coûts à plus long terme pour l'économie. Les banques centrales semblent confrontées à un dilemme : augmenter les taux d'intérêt pour faire baisser l'inflation au risque de provoquer une hausse du chômage, ou se concentrer sur le marché du travail et accepter que l'inflation puisse rester élevée plus longtemps. En réalité, elles doivent choisir entre agir rapidement pour maîtriser l'inflation ou faire face à un défi encore plus grand à l’avenir
Face aux multiples tensions sur les prix, le Royaume-Uni connait une forte poussée inflationniste (+6,2% du CPIH[1] en mars). Du côté des ménages, cette accélération des prix détériore considérablement leur pouvoir d’achat. En effet, en termes réels, c’est-à-dire corrigée de l’inflation, l’évolution des salaires est nettement négative (-1%) en glissement annuel en février 2022. Toutefois, le versement de bonus permet de compenser cette diminution, faisant apparaitre une légère hausse des salaires réels avec primes (+0,4%)
L’inflation élevée s’est généralisée. Cela augmente le risque de nouvelles augmentations de prix car les entreprises peuvent se montrer plus enclines à augmenter les prix quand la plupart des autres font de même. Cela rendrait l’inflation élevée plus persistante et impliquerait qu’il faudrait plus de temps pour que l’inflation revienne à la cible. La persistance d’une inflation élevée pourrait affaiblir la crédibilité de la banque centrale et entraîner un désancrage des anticipations d’inflation à long terme. Pour contrer cette évolution, les autorités monétaires pourraient décider de resserrer leur politique de manière agressive. Les recherches de la Réserve fédérale montrent que l’inflation américaine est devenue plus persistante
L’environnement économique et financier international n’est pas favorable à l’économie indienne. Même si le pays produit et exporte du blé, il sera pénalisé par l’envolée des prix des matières premières. Dans un contexte de ralentissement de la croissance, la consolidation budgétaire annoncée devrait être fragilisée. Le gouvernement sera contraint d’augmenter sensiblement ses subventions sur les engrais s’il veut contenir la hausse des prix alimentaires, lesquels constituent près de 46% du panier de consommation des ménages. Par ailleurs, l’Inde n’échappera pas à une dégradation significative de son déficit courant, induite par la hausse des prix du pétrole et les pressions à la baisse sur la roupie, surtout si les récentes sorties d’investissement de portefeuille se poursuivent
Après avoir enregistré une croissance modeste en 2021, l’activité économique en Malaisie devrait rebondir plus sensiblement en 2022. Elle sera soutenue par le dynamisme de la demande intérieure, une politique budgétaire toujours expansionniste et la réouverture des frontières aux touristes. Exportateur de matières premières (pétrole, huile de palme principalement), le pays devrait profiter de la hausse des prix internationaux sans pour autant être affecté directement par le conflit en Ukraine. Grâce au supplément de revenus généré par la hausse des prix du pétrole, le gouvernement devrait être en mesure de prendre à sa charge en grande partie la hausse des prix, pour ne pas fragiliser les ménages déjà appauvris par la crise de 2020
Le Brésil a terminé l’année 2021 sur des bases plus solides qu’attendu mais le tableau économique reste fragile. L’activité progresse par à-coups, marquée par des freins internes (vague Omicron, aléas climatiques, élections) et un contexte extérieur plus dégradé (guerre en Ukraine, ralentissement des partenaires commerciaux, etc.). Dans le même temps, les pressions inflationnistes se renforcent et laissent craindre un prolongement du resserrement monétaire. Depuis le début de l’année, l’amélioration des termes de l’échange et le différentiel de taux avec les pays développés alimentent le rebond de la Bourse et la forte appréciation du real. Une nouvelle dissonance entre économie réelle et appréciations des marchés financiers.