La stabilité des prix, la stabilité financière et la soutenabilité de la dette font partie des conditions nécessaires au développement équilibré d’une économie sur le long terme. On peut ainsi les voir comme les piliers de «?l’édifice économique?». La faiblesse ou la fragilité d’un seul d’entre eux (ex. : une inflation bien supérieure à l’objectif, des prix d’actifs surévalués, ou un ratio de dette publique élevé et en forte hausse) peut affecter la solidité des deux autres, et affaiblir la structure dans son ensemble. Cela pose la question de la relation entre ces trois conditions. Compte tenu de ces interactions, il est important que chaque politique— monétaire, budgétaire ou orientée vers la stabilité financière — soit menée en tenant compte de son influence sur les autres objectifs. La stabilité économique globale devrait s’en trouver améliorée.
La stabilité des prix, la stabilité financière et la soutenabilité de la dette font partie des conditions nécessaires au développement équilibré d’une économie sur le long terme[1].
La stabilité des prix correspond à un taux d’inflation conforme, dans la durée, à l’objectif de la banque centrale. La définition de la stabilité financière est plus complexe. Selon le FMI, il s’agit de l’aptitude du système financier à accomplir trois missions. La première consiste à permettre une «?allocation efficiente des ressources économiques — dans l’espace et, surtout, dans le temps — et l’efficacité des autres processus économiques (comme la formation de richesse, la croissance économique et, enfin, la prospérité sociale)?». La deuxième est d’assurer l’évaluation, la valorisation, l’allocation et la gestion des risques financiers. La troisième est de préserver «?sa capacité à accomplir ces fonctions essentielles — même lorsqu’elles sont affectées par des chocs externes ou le développement de déséquilibres — principalement au moyen de mécanismes d’autocorrection?»[2]. Enfin, la soutenabilité de la dette peut être associée à un ratio stable de la dette publique sur PIB.
D’autres aspects doivent toutefois être pris en considération : le ratio du service de la dette sur les recettes fiscales, la part de la dette extérieure libellée en devises, la sensibilité de la dynamique de la dette aux taux d’intérêt et aux chocs de croissance, l’impact attendu du vieillissement de la population sur les dépenses de santé et le service des pensions de retraite, etc.[3]
On peut considérer que la stabilité des prix, la stabilité financière et la soutenabilité de la dette sont les piliers sur lesquels repose «?l’édifice économique?». Pour continuer à filer cette métaphore, la faiblesse ou la fragilité d’un seul de ces piliers (ex. : une inflation bien supérieure à l’objectif, des prix d’actifs élevés, ou un ratio de dette publique élevé et en forte hausse) peut affecter la solidité des deux autres, et affaiblir la structure dans son ensemble. Cela pose la question de la relation entre ces trois conditions :
Les événements récents, qui ont affecté quelques banques régionales de petite taille et de taille moyenne aux États-Unis, ont alimenté le débat sur la question d’un éventuel arbitrage, auquel seraient confrontées les banques centrales, entre la poursuite de la stabilité des prix et le maintien de la stabilité financière.
L’argument en faveur d’un arbitrage repose sur le raisonnement suivant : une politique monétaire très accommodante finit par créer des déséquilibres financiers tels que des emprunts excessifs en vue de financer des projets, le recours à l’endettement pour les investissements financiers, la compression des primes de risque, des valorisations très élevées sur les marchés financiers. Lorsque la politique monétaire devient restrictive, certains projets peuvent ne plus être rentables et les marchés financiers en général risquent d’entrer dans une phase de décompression des primes de risque.
Ces évolutions font partie intégrante de la transmission monétaire. Elles laissent néanmoins craindre, au final, un ajustement désordonné. C’est la raison pour laquelle la Réserve fédérale et la BCE ont récemment insisté sur la dépendance aux données de leur politique monétaire et sur le fait qu’elles disposent d’outils spécifiques, comme la fourniture de liquidités, en cas d’augmentation du risque d’instabilité financière. Elles affirment, par ailleurs, que ces outils peuvent être déployés sans interférer dans la conduite de la politique monétaire[4].
Pour revenir au lien entre stabilité des prix et soutenabilité de la dette, une expansion budgétaire inopportune peut compliquer la tâche de la banque centrale relative au maintien de la stabilité des prix. Inversement, la politique monétaire peut, selon son orientation accommodante ou restrictive, faciliter ou compliquer la réalisation de l’objectif de soutenabilité de la dette.
Enfin, la soutenabilité de la dette et la stabilité financière sont aussi liées entre elles. D’une part, la montée des préoccupations sur le risque de détérioration des finances publiques peut avoir un impact sur l’économie par le canal des marchés financiers — augmentation des rendements des emprunts d’État, entraînant dans son sillage le coût de financement du secteur privé — et celui du crédit bancaire[5]. D’autre part, l’instabilité financière peut nécessiter une intervention des pouvoirs publics (ex. : assurance des dépôts, mesures de soutien à l’économie en général, etc.) qui entraîne une détérioration des finances publiques[6].
Compte tenu des interactions entre les trois «?piliers?», il est important de tenir compte, dans la conduite de chaque politique (monétaire, budgétaire, macroprudentielle[7]), de l’orientation des autres politiques et de son influence sur les autres objectifs. Ainsi, la transmission du resserrement monétaire sera différente en phase d’envolée des prix des actifs et/ou un boom du crédit peut refléter des anticipations excessivement optimistes sur les perspectives de croissance. Dans un premier temps, cela peut limiter l'effet des hausses de taux, mais lorsque les attentes s’obscurcissent, la réaction des agents économiques peut être très forte. La banque centrale devra en tenir compte lorsqu’elle augmente son taux directeur. De la même façon, les décisions de politique budgétaire seront influencées par l’environnement et les perspectives de taux d’intérêt. La stabilité économique globale devrait ainsi s’en trouver améliorée.
William De Vijlder